Ça y est, on peut enfin dormir sereinement. La FIFA a décidé de permettre le port du turban, et la Fédération québécoise de soccer est rentrée dans le rang. La poussière retombe tranquillement. Ouf !
Pourtant, l’interdiction du turban promulguée par la FQS avait enflammé les passions, et rappelé le douloureux souvenir du contexte de la Commission Bouchard-Taylor.
En fait, peu importe qu’on soit d’accord ou non avec l’interdiction du turban ou la rectification de la FIFA, l’épisode a fait ressortir l’inénarrable malaise d’une partie de la population envers les accommodements religieux, et l’incompréhension de ce malaise de la part du Canada.
Comme d’habitude, d’un côté, la société québécoise a été accusée d’intolérance — ce qui constitue l’affront suprême dans notre monde libéral globalisé (!!). De l’autre, on a tenté de faire valoir la neutralité du sport, le gros bon sens, etc.
Pourtant, le communiqué de la FIFA au Canada frappe par son silence lourd sur la question religieuse. Les joueurs auront droit de porter une coiffe, ie. un bandeau, une tuque, une casquette… et tiens, pourquoi pas un turban. Dans la mesure où ça ne pose pas danger et qu’il est de même couleur que le maillot d’équipe.
La question concernant la liberté de religion devient une question d’expression de l’individualité.
Tenons-nous le pour dit: c’est dans l’air du temps, l’expression de l’individualité est une valeur plus en vogue que la neutralité…
Par exemple, la Cour suprême a permis le port du kirpan à l’école, le port du turban à la GRC, le port du niqab en situation de contre-interrogatoire en procès criminel, etc.
La Cour d’appel du Québec vient de permettre au maire Tremblay de pouvoir réciter sa prière au conseil municipal de Saguenay en indiquant qu’il s’agissait d’une pratique plus « culturelle » que « religieuse ».
La Cour fédérale a déjà ordonné à une prison de servir de la nourriture végétarienne à un détenu qui refusait de manger de la viande. Comme quoi les pratiques particulières qui nécessitent l’accommodement ne sont pas l’apanage de la liberté de religion, mais aussi de la liberté de conscience.
Dans le cas de la liberté de religion, il suffit essentiellement de démontrer une « croyance sincère » pour justifier l’opportunité d’un accommodement.
La limite, elle est où ?
Et bien, en 2011, des membres de l’Église de l’Univers à Hamilton avaient tenté de faire valoir leur liberté de religion pour pouvoir distribuer de la marijuana. La juge a refusé de considérer la distribution de drogue en tant que « pratique religieuse émanant d’une croyance sincère ».
Il reste du chemin à faire dans notre quête irrépressible de liberté.
* * *
Pendant ce temps, le premier ministre de la Turquie M. Erdogan émet de sombres menaces à l’endroit de protestataires qui manifestent depuis plusieurs jours à Istanbul contre la dérive autoritaire teintée d’islamisme du pays. L’autoritarisme ne serait pas seulement laïc, mais aussi religieux parfois…
Par exemple, dans les derniers mois, le gouvernement a adopté des projets de loi restreignant l’accès à l’alcool et à l’avortement. Notamment, il deviendrait interdit de vendre de l’alcool entre 22h et 6h la nuit, ainsi que dans l’entourage des mosquées et des écoles.
En opposition aux mesures, plusieurs femmes et hommes sont sortis décapsuler des bières un peu partout en Turquie, y compris dans la ville conservatrice d’Isparta, et boire à la santé de leur premier ministre !
Malheureusement, dans le cas de la Turquie, un simple communiqué de la FIFA ne suffira pas à apaiser la tension.
Cette «affaire» d’accommodements commence à ressembler à un gros sac fourre-tout dans lequel, par lassitude ou tout simplement par désir de s’intéresser à des questions qui méritent davantage notre attention, on permet qu’on y mette un peu n’importe quoi.
Besoin de trimballer un kirpan en classe? Pas de problème. Un niqab en cour? Si ça vous chante. Un turban sur le terrain de soccer? Certainement.
Après tout chacun a pleinement le «droit» d’exprimer son «individualité», n’est-ce pas?
À quand le jour béni où des hockeyeurs pourront patiner en turban dans la LNH (turban sur ou sous le casque?), des plongeuses olympiques en maillot-tchador lors des compétitions, des curés joueurs de basket en soutanes et plein d’autres n’ayant encore pu à ce jour pleinement exprimer leur sacro-sainte «individualité»?
Accommodements «raisonnables»? Certes. Lorsque c’est effectivement raisonnable.
Mais, ce qui sort de plus en plus souvent du gros sac fourre-tout bascule dans le déraisonnable. Car il y a des moments pour exprimer sa précieuse «individualité» et d’autres moments où c’est carrément inopportun.
Il est vraiment temps de mettre le holà à la grande bêtise collective dans laquelle nous semblons nous enliser.
(Mais j’écris peut-être ici des choses très déraisonnables, moi. Et j’aurais probablement dû ne rien écrire…)
Pas de bousculade ici… Monsieur Langlois-Therien. Zéro commentaires. Sauf bibi.
Les membres de Voir paraissent donc plutôt indifférents face à la question des accommodements. Fussent-ils raisonnables ou totalement déraisonnables.
Peut-être sont-ils trop occupés à pitonner sur leurs cellulaires des petits-n’importe-quoi pour prendre un instant pour émettre une opinion. Dommage.
Faudrait pas ensuite se plaindre de ce qui nous tombe dessus, hein?
Bonne journée, malgré tout!