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Tête-à-tête avec Philippe Falardeau 1

 

Comme on m'a rapporté mon magnéto, je peux enfin vous livrer (en plusieurs morceaux) l'entrevue avec le réalisateur de La Moitié gauche du frigo.

MD : Lors d'une entrevue à Écrans du monde, j'expliquais que la critique au Québec n'avait pas de pouvoir en donnant l'exemple de Congorama, qui avait été encensé par la critique mais qui n'avait pas rejoint un large public. Qu'en penses-tu, toi, du pouvoir de la critique?

PF : On est allés à New York récemment pour le New Director New Films, un festival qui passe 24 films par année et qui est vraiment une porte d'entrée pour le marché de la distribution indépendante aux États-Unis. Le jour où on arrivait, on savait qu'il y avait un article d'Anthony Scott qui porterait probablement sur Congorama dans le New York Times. Il paraît que c'est le critique qui casse les films à la rentrée ou qui leur permet une distribution. On était énervés. On ouvre le New York Times et en fait, il y avait une article sur la deuxième semaine du festival où il disait que le film à voir dans cette deuxième semaine était Congorama; il en parlait un peu et on lisait en se demandant où il se situait. À la fin, il disait qu'il réservait son analyse parce qu'il devait le voir une deuxième fois. Il y avait une grosse photo du film. Luc Déry et moi, on est à l'aéroport et on se demande si c'était bon ou non. Pendant deux jours, les gens de l'industrie ne comprenaient pas. C'est extraordinaire, ce que le gars est en train de dire, c'est que si un distributeur vous prend, je vous fais une bonne critique, je vous donne quatre étoiles et vous êtes garantis de 25 000$ en partant avec ça. Nous, on était incapables de lire ça, parce qu'aucun critique n'a ce pouvoir chez nous.

MD : Est-ce que c'est une bonne chose, selon toi?

PF : Non, je ne pense pas que c'est une bonne chose. Honnêtement. On a dérapé à l'inverse. Moi, je continue d'aimer lire une critique qui réfléchit sur le sujet du film. Aux Rendez-vous du cinéma québécois, lorsque j'ai fait mon speech, j'ai essayé de lancer une espèce de message de solidarité avec la critique en disant que j'avais beaucoup de respect pour ce métier-là, pour ceux qui exercent ce métier-là et pas nécessairement le métier de chroniqueur qui fait de la critique ou de journaliste qui fait de la critique, mais bien celui de critique en soi. Je disais que l'attitude, la démarche de marketing venait dévaloriser le métier de critique. En citant Bernard Landry ou Marie-Ève sur cinemamontreal.com, c'est totalement discréditer la réflexion autour d'un film. Dire qu'un 10/10 de Marie-Ève équivaut à quatre étoiles de quelqu'un qui pratique ce métier-là depuis 20 ans, ça n'a aucun bon sens.