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Tête-à-tête avec Philippe Falardeau 2

MD : J'ai l'impression qu'avec cette pratique, on va élargir davantage le fossé entre la critique et le public. En ce moment, on semble ne jurer que par le « vrai monde » qui parle des « vraies affaires » et qui « n'a pas peur de ses opinions ». À la longue, la critique finira-t-elle par nuire aux réalisateurs? J'entends parfois des trucs du genre : « la critique a aimé, donc, c'est plate ». Les gens vont-ils finir par se fier à Marie-Ève plutôt qu'à un « vrai » critique?

PF : J'aimerais ça préciser que vous m'avez nui, finalement (rires).

MD : On lui a nui! Je m'excuse (rires).

PF : La critique a nui à Congorama!

MD : (Fous rires)

PF : Quand je suis allé accepter le prix de la critique aux Rendez-vous, j'ai dit qu'on allait m'accuser de faire des films pour plaire à la critique, ce qui au Québec est odieux (rires).

MD : Devrions-nous nous éliminer, alors?

PF : .

MD : Entre confrères, on se fait des blagues parfois. On se dit que maintenant que Marie-Ève 14 ans et Alexandre 12 ans font de la critique, on n'aura plus qu'à donner des étoiles. et écrire des niaiseries sur nos blogues.

PF : Y a-t-il une solidarité entre critiques de cinéma au Québec? Est-ce que vous pourriez faire des critiques « incitables »? Quand tu lis une critique d'un gars comme Martin Bilodeau, tu sais que quand c'est mauvais, c'est mauvais, mais quand c'est bon, tu cherches le « one liner » et c'est de plus en plus difficile. C'est peut-être une fausse idée que je me fais, mais j'ai l'impression que vous êtes très prudents pour ne pas nous donner des supports à « one liner », des « one liner » qu'il faut modifier, auxquels il faut mettre des crochets. Tu sais, il n'y a plus de phrases punch, ça n'existe presque plus, comme s'il y avait une certaine prudence. Je me dis des fois si la critique pouvait faire des textes « incitables », sans étoiles, sans note pour ainsi dire « ok, vous voulez citer Cinéma Montréal, mais vous nous citerez pas ».

MD : Moi, je n'ai jamais demandé à personne d'écrire des phrases « punchées » dans le but d'être cité dans le journal. Moi-même, quand j'écris je ne me dis pas « ah oui, ça, c'est la phrase à citer ».

PF : Oui, je sais, mais j'ai l'impression à l'inverse que vous êtes prudents pour justement ne pas offrir vos phrases sur des plateaux d'argent.

MD : Oui, parce qu'on a peur d'être mal cités. Dernièrement, c'est arrivé à Marc-André Lussier pour À vos marques. party! , Marc Cassivi a même écrit là-dessus. Marc-André, qui n'a pas aimé le film, avait titré ironiquement sa critique « De la belle jeunesse avec des belles valeurs »; or, c'est ce titre qui s'est retrouvé dans la pub du film! Ce n'est pas la première fois que ça arrive. et sûrement pas la dernière.

(Je dois quitter. je vous promets que dans les autres parties de l'entrevue, on parle des bonus du DVD et du prochain film de Falardeau.)