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Cinemania 2012 : Bonnaire et Kline

Joueuse, premier long métrage de Caroline Bottaro, se veut un hommage à Sandrine Bonnaire, qui y joue au côté de Kevin Kline s’exprimant en français avec un irrésistible accent américain. Présenté par Dominique Besnéhard, le film sera projeté ce dimanche à 17h, à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise. En 2009, j’ai rencontré au FFM la réalisatrice et l’acteur venus promouvoir Joueuse. Voici leurs propos.

« Souriez de temps en temps, ça vous va mieux que cet air sérieux », lance Kevin Kline à Sandrine Bonnaire dans Joueuse, où la seconde s’initie aux échecs au contact du premier. Cette réplique, absente du roman La Joueuse d’échecs de Bertina Heinrichs qu’a librement adapté Caroline Bottaro, la réalisatrice l’a écrite en pensant à l’actrice.

« Il y a plusieurs choses écrites spécialement pour Sandrine dans le scénario, expliquait Bottaro rencontrée au FFM, le rôle a été écrit spécialement pour elle. J’avais aussi envie de faire un portrait de Sandrine et ça m’a fait plaisir en France lorsqu’on m’a dit que mon film était presque une somme de sa carrière, que certains de ses sourires font penser à À nos amours, à La Cérémonie. »

À propos de sa partenaire, Kevin Kline, également rencontré au FFM, confiait dans la langue de Molière: « C’est une actrice très intelligente… comme Meryl Streep. Malgré les passions que vivent nos personnages, notre jeu demeure intériorisé. C’était très agréable de travailler avec Sandrine, qui est très minimaliste, très subtile. »

Caroline Bottaro poursuit: « Ce qui m’intéressait dans ce roman, c’était le parcours de cette femme d’origine modeste qui semble prédestinée à une existence monotone. Dès qu’elle se découvre une passion pour les échecs, elle va se métamorphoser. Ensuite, je me suis dit: « Oh, mon Dieu! Il va falloir que je filme les échecs! » C’était anti-cinématographique au possible! Ce qui est une bonne chose, c’est que je ne sais pas jouer aux échecs; si j’avais été passionnée par cela, comme le sont les vrais joueurs, Joueuse aurait été un film sur les échecs, et non un portrait de femme. »

Afin d’interpréter l’étranger au contact duquel Hélène (Bonnaire) s’émancipe, Caroline Bottaro souhaitait travailler avec un acteur américain sachant parler français. La liste était plutôt courte, Kevin Kline est devenu le candidat idéal.

De dire la réalisatrice: « Kevin Kline a apporté une grâce, un charme qui a nourri le trouble existant entre Kröger et Hélène, lequel n’est pas pervers du tout. Pour ce rôle, je lui ai demandé de ne pas en faire trop, de ne pas tomber dans ce qu’il fait naturellement. Il s’est totalement abandonné à moi. Du coup, il fait montre d’une fragilité qui le rend encore plus séduisant. »

« J’ai été immédiatement attiré par ce scénario, renchérit le charmant acteur américain. J’aimais l’ambiguïté qui s’y trouvait. Je l’ai trouvé très différent d’un scénario hollywoodien. C’est rare, ça, d’avoir autant de zones grises… comme dans la vie. En rencontrant Caroline à New York pour me préparer à jouer ce rôle de misanthrope, je me suis rendu compte que je retrouvais bien là la sensibilité européenne que j’adore. »

Interrogé à propos de la différence entre les réalisateurs américains et européens, Kevin Kline s’est ainsi exprimé: « On retrouve des réalisateurs stricts tant américains qu’européens, il ne faut pas généraliser. Pour A Prairie Home Companion, Robert Altman m’avait dit de faire ce que je désirais, c’était très décontracté. Dans mon premier film, Sophie’s Choice, Alan J. Pakula m’a donné aussi beaucoup de liberté. Pour moi, les Européens incarnent la qualité, leurs scénarios et leur manière de tourner diffèrent de ceux des Américains. Pour les Français, j’ai l’impression que le cinéma est une expression artistique, alors que pour les Américains, c’est un business. C’est culturel, j’imagine. »

S’il n’a pas développé de passion pour les échecs, Kevin Kline a certainement cultivé son amour pour la langue française. D’ailleurs, l’idée de tourner en France ne lui déplairait pas du tout: « Jouer en français, c’est comme jouer en anglais avec un autre accent, cela en dit beaucoup sur le personnage. J’espérais qu’en jouant en français, on pouvait ajouter ou transformer quelque chose dans ma façon d’interpréter le personnage », a-t-il conclu avec son bel accent.

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JOUEUSE

Dans cette délicate et libre adaptation du roman La Joueuse d’échecs de Bertina Heinrichs, la lumineuse Sandrine Bonnaire incarne avec sensibilité une femme de ménage qui s’intéresse aux échecs après avoir vu une superbe Américaine (Jennifer Beals, parfaite pour ce tout petit rôle) et son mari y jouer. Afin de parfaire son jeu, elle suivra des leçons privées auprès d’un médecin veuf à la retraite (Kevin Kline, tout en nuances). Leur relation fera bientôt jaser dans les chaumières, au grand dam de son mari (Francis Renaud, efficace). Nul besoin de s’intéresser aux échecs pour prendre plaisir à voir s’émanciper graduellement le personnage de Bonnaire, ni pour goûter aux répliques toutes simples mais pleines de non-dits que s’échangent les personnages. Et plus encore, pour se laisser porter par cette atmosphère languissante propre aux vacances d’été (qui plus est, en Corse!) et par cette douce tension érotique liant le maître et son élève.