BloguesCinémaniaque

RIDM 2013 : Une Québécoise à Khartoum

Ces jours-ci, la journaliste et documentariste Alexandra Sicotte-Lévesque (Le silence est d’or) est à Montréal afin de promouvoir son nouveau film, À jamais pour toujours, lequel sera projeté aujourd’hui à 18h, à la Salle Cassavetes (Excentris) aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal.

Tourné au Soudan, principalement à Khartoum, À jamais pour toujours donne la parole à six jeunes Soudanais issus de différentes ethnies, cultures, religions et classes sociales qui expriment leurs rêves et leurs ambitions dans un pays encore marqué par la guerre civile.

Hier après-midi, j’ai eu le plaisir et la chance de pouvoir m’entretenir avec cette femme au parcours exceptionnel qui mériterait qu’un réalisateur de talent lui consacre un documentaire. Voici un petit aperçu de cette rencontre :

– Comment a débuté cette histoire d’amour avec le Soudan?

« C’est le Soudan qui m’a choisie. Cette histoire d’amour a commencé en 2008 par un appel que j’ai reçu pour un boulot aux Nations Unies. On était en train de mettre sur pied une radio au Soudan (Radio Miraya) après l’accord de paix qui a mis fin à 20 ans de guerre. J’ai accepté tout de suite; c’était un contrat de six mois, alors je me suis dit que ce n’était ni trop court, ni trop long. Ce pays me semblait si mystérieux, si fascinant même si ce qu’on entend dans les médias fait peur et est très négatif. J’avais beaucoup d’appréhension parce que je n’étais jamais allée dans un pays musulman où il y avait soi-disant la loi charia. En tant que femme, en tant qu’étrangère, je ne savais pas à quoi m’attendre. À dire vrai, j’avais très, très peur, mais une fois arrivée sur place, j’ai été agréablement surprise. J’ai rencontré des gens accueillants et ouverts d’esprit. À la radio, j’étais la seule étrangère, j’étais entourée de jeunes Soudanais de mon âge qui venaient du Nord et du Sud; certains d’entre eux étaient d’anciens enfants-soldats. Tous travaillaient dans le but de créer une radio indépendante qui représenterait tout le pays. J’ai eu une chance unique d’avoir des relations et de développer des amitiés avec ces gens-là. J’ai alors compris l’expression « quand tu bois du Nil, tu reviens toujours » car c’est ce qui m’est arrivé grâce à ces rencontres. J’ai donc senti un devoir, une responsabilité, un besoin de raconter leurs histoires. »

– D’où vient l’idée de cette approche lyrique et poétique?

« Partout à travers le Soudan, particulièrement à Khartoum, il y a quelque chose de tellement mythique et de tellement mystérieux. Au Soudan, qui est l’ancienne Nubie, il y avait une civilisation pré-égyptienne, il y a encore des pyramides. Il y a quelque chose de poétique par rapport au passé et au présent du Soudan. Toute la ma musique soudanaise est aussi très, très lyrique; il y a beaucoup de chansons qui traitent d’amour, de peines d’amour, de belles femmes, de propositions de mariage comme dans la culture arabe. Il y a quelque chose dans ce pays qui se reflète dans cette culture-là. »

– Ces thèmes se retrouvent d’ailleurs dans les propos des six jeunes que l’on rencontre dans le documentaire.

« À travers les témoignages des jeunes, le film traite de l’identité. Pour eux, le mariage est une question identitaire; on devient adulte une fois qu’on est marié, qu’on a une famille, un statut, qu’on vit cet amour-là, parce qu’il n’y a pas que des mariages arrangés. Il y a un vrai désir de vivre cette aventure-là; on se découvre soi-même quand on est amoureux. À sa façon, chacun a ce besoin de trouver un chez-soi, de construire un chez-soi à deux. C’est un besoin fondamental qu’on a partout. Dans ces pays où la vie est tellement difficile, où on a vécu la guerre, ce désir est encore plus fort. »

 

Avant de prendre l’affiche le 29 novembre, À jamais pour toujours sera projeté aux RIDM le 18 novembre, à 20h, au Cinéma du Parc.