Dans un communiqué en provenance du site www.electionsquebec.qc.ca, j’apprends que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et six syndicats affiliés voient leur demande d’autorisation d’en appeler d’un précédent jugement refusée par la Cour suprême du Canada. L’histoire remonte « aux élections générales de 2003, alors que la FTQ avait lancé une offensive de communication pour inciter les électeurs à ne pas voter pour l’Action démocratique du Québec/Équipe Mario Dumont ».
Dans un contexte où l’année 2012 pourrait être une année électorale au Québec et où plusieurs des enjeux risquent de titiller mes amis des syndicats, j’avoue avoir lu très attentivement ce communiqué.
On parle ici du pouvoir de dépenser « de tiers possédant de larges moyens financiers et qui viendraient rompre l’équilibre des forces en présence par des campagnes de communication agressives ». Pas banal…
« Le régime québécois de contrôle des dépenses électorales interdit à des tiers d’intervenir dans une campagne électorale en défrayant le coût de biens ou de services pour favoriser ou défavoriser un parti ou un candidat. La loi québécoise place ainsi le citoyen-électeur, qui verse une contribution politique, au centre du processus électoral. Elle protège en effet son pouvoir en empêchant que des tiers fortunés puissent influencer le cours d’une campagne électorale en faisant des dépenses non autorisées. »
À retenir.
Mais (parce qu’il y a un « mais ») ça ne veut pas dire que la FTQ va se conformer à la décision si j’en crois ce que je lis au Soleil de Québec…
« Le syndicat a réagi jeudi à la fin de non-recevoir opposée par la Cour suprême à sa cause. Défiant les juges, son secrétaire général a laissé entendre qu’il n’hésiterait pas à s’ingérer à nouveau dans un scrutin si les intérêts de ses membres étaient en jeu. »
Je me retiens à deux mains sur le clavier de ne pas terminer ce billet par un « on verra » bien senti…
C’est intéressant Mario, mais donnons un peu de perspective à tout cela si tu le veux bien — c’est trop facile de prendre un cas particulier pour « faire l’exemple » (à plus forte raison quand c’est un syndicat qui en est le sujet principal).
Je suis d’accord avec toi, le sujet n’est pas banal — et l’esprit de la loi est important. Tu as raison de rappeler qu’il est important de s’assurer que des « tiers possédant de larges moyens financiers » ne viennent pas « rompre l’équilibre des forces en présence » [lors d’une élection], et notamment « par des campagnes de communication agressives ».
Est-ce que tu admets avec moi que les conglomérats médiatiques entrent aujourd’hui dans la catégorie des « tiers possédant de larges moyens financiers »? Est-ce que tu reconnais que leur influence pourrait, lors d’une élection « rompre l’équilibre des forces en présence »? Est-ce que tu crois, par exemple que les sondages à répétitions commandés par conglomérats, et analysés ad nauseam en lieu et place des véritables enjeux de l’élection peuvent être assimilés à des « campagnes de communication agressives »?
Si tel est le cas, utilisons le cas que tu cites pour soulever ces enjeux, pas simplement pour condamner les syndicats. Posons la véritable question: comment pouvons-nous assurer aujourd’hui les conditions propices à un processus électoral sain et véritablement démocratique?
Est-ce que nous ne devrions pas, par exemple, interdire la publication de sondage pendant une élection — ou à tout le moins quinze jours qui précèdent le vote?
Il me semble indispensable que la CAQ prenne position sur ces sujets dans les prochaines semaines. Est-il prévu que ce soit le cas? Ce serait dommage, en tout cas, que les appels à la vertu démocratiques soient à sens unique — adressés uniquement aux acteurs qui sont susceptibles d’être plus critiques des messages dont le parti aura choisi de faire la promotion.
Comment s’inspirer de l’esprit de cette loi pour baliser le comportement de tous les tiers en général et des tiers-médias en particulier, de façon à ce qu’ils s’adaptent et que leurs influences s’inscrivent dans le respect du principe que seuls les citoyens-électeurs doivent être au centre du processus électoral ?
Gros sujet pour un petit samedi matin Clément.
Mon premier réflexe est de me tourner vers un débat auquel j’ai participé récemment sur le thème du rôle des médias en éducation. Deux de mes partenaires au panel étaient Dominique Payette (professeur à Université Laval et auteur du rapport «L’information au Québec : un intérêt public») et Réjean Parent (Président de la Centrale des syndicats du Québec). Je me souviens d’avoir insisté sur l’importance que les lignes éditoriales et les biais des grands groupes médias soient mieux connus du grand public. Quand Le Devoir et La Presse entrent en campagne électorale, nous savons toi et moi que « leur objectivité » comporte certaines limites; est-ce qu’il y aurait moyen tôt en campagne de connaître précisément ces balises ? Pourquoi pas.
Est-ce qu’il faut demander au DGE d’agir pour que ces informations soient communiquées aux citoyens-électeurs ? Ce serait une idée…
Tu sais que je ne m’exprime pas au nom de la Coalition Avenir Québec, que je ne peux offrir que mon point de vue personnel. Néanmoins, je suis certain que plusieurs militants à la CAQ sont préoccupés par ces questions.
Pour ce qui est d’interdire la publication de sondage pendant une élection, je suis moins certain que les intérêts du citoyen-électeur seraient bien servis par l’absence de repères liés aux mouvements d’opinions de la société. Nous sommes en réseaux toi et moi, nous ne souffrons pas d’isolement et nous disposons probablement de bonnes antennes pour sentir le côté et la force du vent, mais priver ceux qui sont moins réseautés de moyens de savoir ce que pensent les autres n’améliorera pas la démocratie. Encore ici, il faut davantage creuser du côté des « petits caractères », il faut mieux expliquer les intentions de celui qui commande le sondage, il faut mieux connaître les pratiques des entreprises qui les réalisent.
Je suis d’accord pour dire que les conglomérats médiatiques sont des tiers qui prennent beaucoup d’espace. Ce ne sont pas des « tiers ordinaires » cependant. Ils contribuent à informer et ne peuvent pas être amalgamés aux groupes de pression, même s’ils participent aux pressions exercées sur l’électorat. Autrement dit, je reconnais leur influence, mais je crois moins en notre capacité de les rendre neutres qu’en celle des citoyens-électeurs à juger de leurs biais, s’ils sont mieux informés de ces biais.