À titre de militant dans un autre parti politique, il est de mise d’avoir à l’oeil un événement comme celui d’en fin de semaine où le Parti québécois tenait un Conseil national thématique sur fond de réconciliation. Je n’aime pas l’idée de passer beaucoup de temps à observer le voisin, car la façon la plus constructive de faire de la politique me paraît être de s’occuper de son jardin. Je me permets néanmoins cette petite parenthèse du genre « regardons ce qui s’est passé au P.Q. », au sortir de la rencontre qui s’est terminée voilà quelques minutes.
Le leadership de Mme Marois
Au moins jusqu’à la prochaine élection générale, on n’entendra plus de contestation sérieuse de la légitimité de Mme Marois à la tête de sa formation politique. Il devient clair cependant que le seul gain réel pour Mme Marois était l’assurance de ne pas devoir se livrer à un vote de confiance d’urgence pendant la fin de semaine. Le fait d’avoir vu « son plancher » adopter des propositions contre lesquelles elle s’était déjà prononcée dans un passé récent prouve qu’elle sort tout de même affaiblie des travaux des dernières semaines. La meilleure façon de caractériser l’état d’âme de ceux qui pourraient encore entretenir des réserves serait de citer Pierre Dubuc du SPQ Libre : « On va faire avec » (source). Sur Twitter, de nombreux souverainistes pressés ont démontré que cette fin de semaine passée à discuter de tout sauf d’indépendance ne leur a pas donné de raison de retourner au Parti québécois. Sur ce point, on peut dire que Mme Marois a maintenu le cap de sa gouvernance souverainiste…
Les référendums d’initiative populaire
Si j’ai bien compris, il s’agirait de modifier la loi sur la consultation populaire pour permettre qu’un certain nombre de citoyens via une pétition (disons de 15% des électeurs inscrits) puissent contribuer plus ou moins automatiquement à déclencher un référendum. Un R.I.P. (on me permettra de penser que l’acronyme pourrait signifier que cette mesure risque de mourir rapidement puisque Mme Marois a souvent dit qu’elle n’était pas très chaude à cette idée), selon M. Drainville, aurait permis (si la mesure avait existé) « lorsque la souveraineté était à 65 % dans les sondages » (?) que les citoyens se soient mobilisés « pour forcer le gouvernement Bourassa de tenir un référendum » (source). Les chances que cette proposition fasse partie de la plate-forme électorale ne me paraissent pas assurées étant donné que l’étiquette d’un parti déjà atteint du mal de la « référendite » prête flanc à continuer à traîner le boulet muni d’une chaîne encore plus solide avec cet item au programme. À suivre…
Élections à dates fixes
En fin d’événement, Mme Marois a semblé vouloir mettre de la pression sur les autres formations politiques pour que dès la rentrée parlementaire du 14 février, cette question soit à l’agenda. Mon réflexe a été de me demander comment le Parti québécois était capable de concilier le principe d’élections à dates fixes avec celui d’un référendum sur l’indépendance au moment jugé opportun ? Indépendamment du fait que je suis de ceux qui trouvent que cette possibilité doit être étudiée sérieusement (je parle de l’élection…), je trouve que les péquistes ont du culot de faire la leçon aux autres formations politiques sur ce sujet.
Muguette Paillé
L’un des moments forts de la journée de samedi a été l’appui à Mme Marois d’une « des vedettes » de la dernière campagne électorale, Mme Paillé. Comme le rapportait Martine Biron de Radio-Canada, le passage synchronisé de Mme Marois au moment d’un scrum accordé par Mme Paillé me fait craindre une utilisation plutôt douteuse politiquement d’une dame respectable dont on a laissé croire qu’elle pourrait même devenir candidate aux prochaines élections. On ne peut que souhaiter que Mme Paillé soit traitée correctement… Avec les nombreuses attaques du vendredi soir envers M. Harper et la présence « vedette » de Muguette Paillé, le PQ essaie de reprendre là où le Bloc a échoué. S’affirmer aux dépens des « méchants » au Canada est une stratégie qui me paraît être passéiste; elle a peu de chance de profiter au Parti québécois, d’autant que pendant qu’on fait cela, on ne s’occupe pas de faire avancer le Québec en éducation, en santé, et dans tous les autres domaines où on se contente depuis longtemps chez les péquistes d’attendre la venue du grand soir avant d’agir.
* * * * *
Un mot enfin sur le droit de voter à 16 ans qui a été adopté contre l’avis des jeunes, si j’ai bien suivi. Au moment où le Québec demande au gouvernement Harper le maintien de l’esprit de nos pratiques en matière de protection de la jeunesse qui veut que des enfants de seize ans ne soient pas jugés automatiquement comme des adultes, on voudrait accélérer les choses pour élargir la base électorale. L’idée d’intéresser les jeunes de seize à dix-huit ans à la politique est tout à fait noble, mais, encore ici, j’ai bien hâte de voir si la mesure deviendra un enjeu électoral via le PQ.
(Ajout : lire le point de vue de Mathieu Bock-Côté)
(Autre ajout : cette caricature de Ygreck qui illustre bien mon point…)
Je n’analyserai pas trop longuement l’adoption de la proposition d’une loi anti-transfuge parce que je crois qu’elle est circonstancielle. Le parrain de cette mesure, Yves-François Blanchet, n’a pas convaincu Marie Malavoy de voter en faveur même s’il a parlé de « voleurs de sièges ». Parions que Mme Marois qui avait invité les adéquistes à joindre son parti en 2008 et les circonstances entourant la création du Bloc québécois vont peut-être refroidir les ardeurs de ceux qui n’ont pas du tout digéré les départs de François Rebello, Benoît Charette et Daniel Ratthé.
Je termine en disant que le rythme de ce Conseil national était excellent, la discipline des membres s’étant avérée exemplaire sous la présidence efficace de Lyne Marcoux. Un bon mot aussi pour l’initiative « L’atelier » qui pourrait permettre à d’autres internautes de mieux comprendre l’importance d’échanger sur le Web sur ce beau sujet de la politique.
Assez méprisant comme chronique.
Ça m’intrigue… Vous le voyez où « le mépris » ?
Non… pas de mépris en vue, Monsieur Asselin…
Peut-être de la «frustration», par contre, chez les partisans inconditionnels de Mme Marois.
Le fait de rapporter – plus factuellement – que celle-ci a subi à divers égards des reculs (tout en maintenant sa position de chef du parti), que de décrire l’événement comme ayant été un «triomphe» pour elle aura-t-il pu contrarier?
Pas de victoire pour Mme Marois, lors de ce Conseil national. Qu’un répit. Et un répit motivé dans l’intérêt du parti, principalement. Et un peu plus de «lest» apporté par des mesures-repoussoirs venues s’ajoutées au fardeau de la chef péquiste.
Les prochaines semaines de Mme Marois seront peut-être moins agitées à l’interne, mais très vraisemblablement beaucoup plus pénibles à l’externe. Et c’est ce que j’ai perçu de ce compte rendu, Monsieur Asselin.
Pas de mépris.
Mario, comme tu le sais, j’ai eu la chance de participer à ce Conseil national. Je dis bien la chance, parce qu’un événement comme celui-là est vraiment une grande expérience de démocratie. Sans compter que la très grande majorité des gens que j’ai côtoyés au cours de la fin de semaine se préoccupaient bien moins des qu’en-dira-t-on que du projet de société auquel il voulait donner forme. Des personnes véritablement engagées, envers et contre tout.
Je ne commenterai pas sur chacun de tes points — ça ne me semble pas utile — mais je me permettrai d’apporter une précision et de faire une remarque générale.
La précision concerne la proposition sur le droit de vote à 16 ans. Il est tout à fait faux de dire qu’il été adopté « contre l’avis des jeunes ». Le débat a été vigoureux en atelier. Il l’a encore été en plénière. Il y a eu des avis positifs et des avis négatifs dans tous les groupes d’âge, et le résultat est le fruit de ces échanges. Note aussi au passage que la proposition est un peu plus complexe que tu le rapporte — le droit de vote est conditionnel à une amélioration préalable de l’éducation civique.
Quant à mon commentaire général, je te dirai que je m’inquiète un peu du regard très sélectif que tu sembles avoir posé sur la fin de semaine. Il y a eu, bien sûr, quelques propositions qui ont « volé le show », mais il y a beaucoup plus large et, peut-être, beaucoup plus important aussi: sur la décentralisation, sur les finances publiques et sur « le gouvernement ouvert », notamment.
Si ton texte avait une intention de donner un « spin partisan » par rapport à ce qui s’est passé au Conseil national, ton résumé me semble de bonne guerre. Mais s’il avait pour intention de « réfléchir les mains sur le clavier » et de participer à une réflexion plus large (et même si c’est dans le cadre d’une démarche partisane différente de la mienne) alors, je te suggère de regarder un peu plus loin que ce que les médias en ont rapporté. Je pense que tu y trouveras des propositions bien plus intéressantes, et dont il sera plus stimulant de débattre que de la présence de Mme Paillé au Conseil national.
Si mon analyse ne peut vraiment pas être autre chose que « partisane », je n’avais pas l’intention d’en faire « un spin » politique.
Tu étais là, sur place; j’étais devant mon ordinateur à visionner la diffusion en direct, à lire sur Facebook et Twitter et à m’informer via les médias. J’ai écrit à partir de ce que j’ai perçu, sans essayer de ne sélectionner que ce qui faisait « mon affaire ».
Par exemple, j’écoute ce que dit Michel David ce matin à propos du fait que « les référendums d’initiative populaire au Parti québécois constituent un « couac » dans la gouvernance souverainiste » et que « ça risque d’ajouter à la confusion dans la population »… M. David n’étant pas réputé pour « spinner » des messages de la C.A.Q., je me dis que je ne dois pas être trop dans le champs sur ce point…
Si j’avais à réécrire mon analyse après t’avoir lu (ou parlé), je nuancerais mon affirmation sur l’adhésion des jeunes à la proposition adoptée sur le droit de vote à 16 ans. Par contre, j’ai en mémoire l’intervention au micro d’un militant qui, ayant écouté les arguments d’une étudiante de seize ans contre la proposition, s’est servi du fait que ses arguments étaient tellement bons et bien présentés qu’elle faisait la preuve qu’on devrait accorder le droit de vote à tous ses semblables… J’étais un peu mal à l’aise de ce procédé et tu conviendras avec moi qu’il faut au moins mentionner que des jeunes sur place étaient parmi les opposants à cette proposition.
Disons que je réfléchis de façon partisane, « les mains sur le clavier », sans vouloir causer de préjudice aux bonnes intentions derrières vos propositions, en reconnaissant que, vu de l’extérieur, ça avait l’air « d’une expérience intéressante de démocratie ». Intéressante, mais plutôt improductive, si tu veux mon avis.
Sur Mme Paillé… Dois-je comprendre que la présence de Mme Paillé au Conseil national t’a… ? Bof… OK, on passe à un autre sujet !
@Mario: Merci de ta réponse.
« Intéressante, mais plutôt improductive » —
Intéressant: ça se juge dans l’instant. Productive: ça se juge avec le temps.
Alors, on verra. 😉