Les dernières semaines ont démontré que tous ne s’entendent pas sur la mesure des taux de décrochage scolaire. Certains croient que nous serions sur la bonne voie, d’autres (comme moi) pensons qu’il n’y a eu aucun progrès notable, en particulier chez les garçons.
Je prends à témoin ce tableau issu de la Banque de données des statistiques officielles sur le Québec qui montre que de l’année scolaire 1999-2000 à 2007-2008, les « taux de décrochage (sorties sans qualification ni diplôme) du secondaire, en formation générale des jeunes » ont globalement augmenté de 1,8%. Depuis cette année, Québec aurait à la fois modifié sa méthode de calcul du taux de décrochage annuel et le niveau de sa promotion des programmes préparatoires à l’emploi qui procurent des diplômes de sortie (CEFER, CPMT et CFMS) bien en deçà du Diplôme d’Études Secondaire (DES). Résultat : on risque de se présenter en élections avec des débats sur des chiffres qui comparent des réalités sur des bases complètement différentes, escamotant ainsi la vraie question, « Qu’est-ce qu’on peut faire de différent pour réellement combattre le fléau du décrochage scolaire ? ».
Personnellement, je me suis déjà commis dans deux billets où je suggère quelques pistes d’action (1, 2) :
- Améliorer l’école
- Compter sur de meilleurs profs
- Les parents font partie de la solution, pas des problèmes
- Les nouvelles technologies de l’information et des communications
- Évaluation institutionnelle, présence de la culture et plus grande tolérance à la différence
Les détails de chacune de ces propositions sont contenus dans ce billet.
S’il y a eu amélioration, elle n’est sûrement pas de nature à nous réjouir de la situation actuelle. Il me semble urgent d’agir sur le fait qu’un garçon sur trois (Égide Royer le disait en 2007 et en 2011) et qu’une fille sur quatre n’obtiennent pas son diplôme du secondaire à 20 ans.
Je crois qu’il y a eu si peu de progrès qu’il nous faut revoir toute notre stratégie d’intervention sur cette problématique.
Mise à jour du 19 février : Quelques articles dans des quotidiens paraissent aujourd’hui sur le sujet, « Hausse du décrochage scolaire dans plusieurs régions » à La Presse et « Des taux de décrochage alarmants » au Journal de Montréal.
ouin une chance que c’est pas tous les nouveaux blogueurs du voir qui se servent de leur nouvelle tribune pour ploguer leurs vieux articles…
non, ce que tu aurais dû faire, c’est de reprendre une seule des pistes, soit « améliorer l’école », et raffiner ta proposition.
après tout, il serait surprenant qu’après tous les colloques et les congrès auxquels tu as participé ces dernières années, ton opinion soit demeurée figée depuis 2009!
ensuite, dans une semaine, tu fais la même chose avec la deuxième piste, et ainsi de suite.
ainsi, tu aurais du feedback beaucoup plus précis, sur des propositions, espérons-le, concrètes.
aujourd’hui, tu nous dis « c’est pas vrai qu’on s’améliore » et tu conclus par « il faut revoir toute notre stratégie ». rien pour encourager tes lecteurs à embarquer dans ton truc, sinon pour surenchérir par de négatives banalités.
Vous êtes bien avisé, Monsieur Asselin, de revenir comme vous le faites sur la malheureuse question du décrochage scolaire.
Il y a une cinquantaine d’années, la chose était déjà préoccupante.
Alors, aujourd’hui, on pourra bien nous servir des meilleures aux pires excuses pour expliquer la situation, ou encore modifier les méthodes de calcul pour déterminer combien d’ignares viennent annuellement grossir les rangs des «sans avenir» de la société, ni les excuses ni les calculs ne m’intéressent.
Simplement, j’aimerais beaucoup comprendre pourquoi – sauf en cas de circonstances vraiment exceptionnelles – on décroche et on se condamne soi-même du coup à une existence presque certainement misérable. Économiquement et culturellement.
Pourquoi?
Grosse question M. Perrier. Pas certain qu’il n’y ait qu’une réponse possible englobant toutes les causes possibles chez ceux qui interrompent leur cheminement à l’école sans avoir obtenu la qualification.
Je veux bien « essayer » quelques pistes…
Je me dis qu’au moment de passer à l’acte – de quitter l’école – une jeune garçon ou une jeune fille doit peut-être se dire qu’il est possible de réussir sa vie sans diplôme. L’environnement de plusieurs jeunes est truffé d’exemple de gens qui ont aussi réussi sans formation académique minimale. Je crois que c’est une erreur, mais plusieurs adultes vont même jusqu’à témoigner de leur fierté d’avoir pu se passer de l’école et d’avoir bien réussi; j’imagine que ça entre en ligne de compte.
Ensuite il y a ceux que l’école écoeure. Je veux dire qu’à chaque jour où le jeune potentiellement décrocheur se lève, il voit sa journée remplie de moments où il perdra son temps, ou encore il craindra pour sa sécurité ou son estime de soi. La faute de l’école ? La faute du jeune ou de ses parents ? Un mélange des deux ? Reste qu’au moment où un jeune n’entretient plus « d’espérance psychique » de pouvoir surmonter son « écoeurantite aigüe », il est tenté par la fuite par en avant. Si personne à ce moment intervient pour lui permettre de retrouver de l’espoir, il élabore son plan de sortie (se faire mettre à la porte, prouver son point à ses parents, planifier l’échec, devenir insupportable ou simplement quitter prouvant qu’il a mieux à faire ailleurs) et l’actualise.
Enfin, il y a ceux qu’on attire hors de l’école parce qu’on a besoin d’eux au travail ou dans la famille. Ce jeune quitte à regret, bien souvent.
Il doit bien y avoir d’autres motifs, j’imagine.
Qu’en pensez-vous ?
Hum… vous me renvoyez la balle (qui a la taille d’un ballon), Monsieur Asselin…
Bon. Je vais donc tenter de dribbler un peu.
Tout d’abord, peu importe le nombre d’élèves, la qualité des enseignants, le toupet ou la calvitie du directeur bedonnant ou pas, malgré tout cela et le reste, pourquoi quitter l’école sans au minimum un petit diplôme de secondaire? Est-ce tellement demander?
Qu’on me permette une anecdote qui tient en quelques mots: à la fin des années 1950, alors que je n’avais encore que sept ou huit ans, notre famille partait de temps à autre en voiture pour un trajet durant environ deux heures et demie. De la parenté à visiter.
Plus ou moins à mi-chemin, nous traversions un village dont l’air était immanquablement pestilentiel. Allez donc savoir à quoi on s’affairait là! Je ne l’ai jamais su. Mais, ce n’était finalement qu’un mauvais quart d’heure à passer car, peu après, nous arrivions enfin à destination, bien contents de ne pas avoir bêtement rebroussé chemin à l’abord du village nauséabond…
Bien sûr, l’école n’est pas un petit village malodorant… habituellement, du moins… Et puis même si c’était le cas, serait-ce une raison suffisante pour préférer en baver pendant les soixante ou soixante-dix prochaines années plutôt que de se résigner à se boucher le nez pendant quelques années s’il le faut?
Il est certes important de veiller à avoir de bons professeurs, que les parents s’impliquent, que le ministère de l’Éducation finisse par se brancher sur des programmes sensés, que les établissements ne soient pas surdimensionnés.
Important, mais le cœur du problème n’est pas là.
Le vrai cœur, il bat dans la poitrine du jeune. Il faut lui faire comprendre que les désagréments et les efforts sont le prix – bien petit prix – à payer pour accéder au podium, là où sont distribuées des médailles.
(Quiconque a appris à jouer de la guitare se rappelle à quel point les cordes lui faisaient mal aux doigts, les premières fois. Mais quel plaisir aujourd’hui d’avoir malgré tout persévéré…)
bravo pour l’analogie du village qui pue. vraiment maintenant je comprends mieux le problème du décrochage scolaire.
plus important encore, voilà mario équipé d’un nouvel outil qui l’aidera j’en suis certain à pondre l’éventuelle stratégie caquiste.
le village qui pue! merci claude.
Aux raisons du décrochage scolaire déjà citées, il faut ajouter l’importance accordée par la société (ce qui inclut particulièrement les médias et le monde politique) à l’instruction: c’est-à-dire très faible, quand elle n’est pas négative:
Ex:
1) Un gouvernement canadien qui méprise ouvertement les spécialistes et l’approche scientifique (pas seulement dans l’affaire des changements climatiques, mais jusque dans la lutte à la criminalité); propagande appuyée par les officines néo-libérales et les populistes de cette idéologie (les radio-poubelles et autres Duhaime n’étant que les plus bruyants d’entre eux).
On y présente régulièrement des gens sérieux comme des « idéologues enragés » qui trichent les données pour passer leur idéologie et les études sérieuses comme de simples « opinions », aussi valables (et même moins) que le « vrai monde » que sont censés incarner les chantres de la médiocrité intellectuelle.
2) Les mêmes milieux vomissent les « artistes » de toutes sortes en les présentant comme des « parasites » vivant « gras dur » au crochet de la société au lieu de faire un « travail productif » en « travaillant comme tout le monde ».
3) Que dire du discours contre les étudiants « paresseux », qui « gaspillent » (il semblerait que presque tous les étudiants ont TOUS les gadgets (Iphone, Ipad, etc.) et du dernier modèle bien sûr, et qu’ils prennent tous des vacances sur les plages des pays du sud).
Ces étudiants « lâches » qui refusent de travailler à temps plein tout en étudiant à temps plein pour payer des hausses de frais de scolarité décidés par le gouvernement, en suivant les demandes des recteurs et des milieux financiers.
Ce genre de discours n,est pas vraiment fait pour valoriser le statut d’étudiant.
4) Les attaques répétées contre les études « inutiles » (sciences humaines, sociologie, histoire, travail social, etc.) laissent peu de place aux étudiants qui peuvent avoir un intérêt pour ces domaines. Tout le monde ne rentre pas dans le même moule.
Sachant que les études en sciences offrent peu de débouchés (je le sais pertinemment, ayant une maîtrise en Physique), qu’est-ce qui peut motiver les étudiants qui ne se voient pas dans une carrière de médecin, d’ingénieur, d’avocat ou de comptable ?
5) Que dire du discours préjudiciable de certains, repris par certains politiciens qui prétendent que les problèmes de l’éducation provient des profs « incompétents », « paresseux » et « corporatistes » (soit-disant accrochés à leurs « prérogatives syndicales »). Ce qui ternit l’image des profs en laissant croire qu’ils ne sont pas intéressés par le succès de leurs élèves.
Discours renforcé par les prétentions de certains qui avancent l’idée que l’essentiel des problèmes de l’éducation seront réglés quand on instaurera un système d’évaluation des « compétences » des enseignants.
mario!
j’aimerais beaucoup que tu donnes ton point de vue dans la section commentaires du blog de normand baillargeon au sujet des ipads et autres bidules comme outils pédagogiques.
toi qui aimes beaucoup les technologies du futur, tu pourrais expliquer aux intervenants tous les bienfaits que ces cossins promettent.
voici le lien:
http://voir.ca/normand-baillargeon/2012/02/15/technologies-et-education-ce-que-font-ceux-qui-nous-les-vendent/