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Monsieur Foglia,

Monsieur Foglia,

Tout d’abord, je tiens à vous dire que j’ai un très grand respect pour votre travail et que je vous estime au plus haut point. Je me sens même un peu insolant de vous adresser la parole comme je le fais présentement. Mais d’un autre côté, à force de vous lire, j’ai cru comprendre que vous éprouvez un malin plaisir à parcourir les lettres qui vous sont envoyées alors…

Donc, trêve de tataouinages, lundi matin, comme chaque matin, j’ai ouvert l’application iPhone de la Presse et j’ai regardé les articles dans la section Les plus populaires. À mon grand bonheur, vous aviez publié une nouvelle chronique. Mon parcours dans le métro allait être plus agréable. Voilà qui commence bien une semaine.

Dans cette chronique, donc, vous parlez  en partie des étudiants présentement en grève. Vous avouez les trouver incroyablement matures, intelligents et bons communicateurs. Je partage entièrement votre point de vue. J’ai encore marché avec eux vendredi soir et j’ai été agréablement surpris de voir à quel point ils étaient organisés et pacifiques. À ce propos, dès que la tension montait d’un cran, la plupart s’asseyaient par terre et faisaient des « signes de paix » avec leurs doigts. Vous voyez de quel signe je parle? À vrai dire, ce qui m’a le plus frappé au cours de ces deux heures de marche, c’est le sentiment d’unité qui régnait. En effet, une cause commune unit les étudiants et il y avait là une énergie quasi tangible qui émergeait. Vous me pardonnerez cet aparté, monsieur le chroniqueur, mais je voulais seulement illustrer à quel point vous aviez raison lorsque vous disiez qu’ils sont intelligents et tout.

En revanche, plus loin dans votre chronique, vous ajoutez que, d’un autre côté, les étudiants vous font chier. Si j’ai bien compris, c’est l’aspect financier à l’origine du conflit qui vous agace. Vous semblez trouver incroyablement égoïste le fait qu’ils se soient soulevés pour une question financière; vous semblez penser que les étudiants auraient dû s’activer bien avant, et pour d’autres raisons. Ils auraient notamment dû crier en voyant que les universités étaient gérées comme elles l’ont été; ils auraient également dû manifester pour que les professeurs et autres chercheurs soient plus libres, pour que leur éducation soit meilleure. Vous pouvez me corriger si je me trompe, mais c’est ce que j’ai cru comprendre dans votre texte.

Monsieur le chroniqueur, j’ai lu Je ne suis pas un PME de Normand Baillargeon – un homme que je respecte énormément et qui, je vous l’apprendrai peut-être, anime un blogue juste ici. J’ai été très interpelé par cet ouvrage mais, voyez-vous, ce dont je me souviens le plus – ce qui m’a le plus marqué -, ce sont les problèmes en lien avec le financement des recherches. En effet, monsieur Baillargeon tente de montrer dans son essai à quel point ce sont les entreprises privées qui tiennent les rennes lorsque vient le temps de faire de nouvelles recherches, et non le contexte environnemental. Mais, voyez-vous monsieur le chroniqueur, très peu d’étudiants font de la recherche dans les universités. Du moins, pour le moment. Lorsqu’on est au baccalauréat en histoire de l’art, on ne fait pas de recherches au profit de l’université. On aspire évidemment à en faire mais, pour l’heure, il faut d’abord faire ses classes. Bref, ce que je tenais à vous dire c’est que ce problème est marginal. Un peu comme les médicaments pour les maladies rares que vous évoquiez dans une récente chronique. Pour dénoncer l’absence de solutions, il faut d’abord savoir qu’il existe un problème. Si les étudiants ne se sont pas soulevés pour une plus grande intégrité académique, c’est qu’ils ignorent probablement qu’il s’agit là d’un enjeu et c’est peut-être davantage aux professeurs et aux chercheurs à se lever pour dénoncer ce genre de problème; un peu comme l’a fait M. Baillargeon en rédigeant son essai.

Néanmoins, la bonne nouvelle avec la grève c’est que, comme le disait Louis-Gilles Francoeur hier à Tout le Monde en Parle, les étudiants ont actuellement une leçon de science politique nettement supérieure à celle qu’on leur sert sur les bancs d’école. Conséquemment, ils sortiront selon moi de ce conflit plus avertis, et assurément plus instruits. En effet, au fil des semaines, les étudiants se sont informés et ce qui était hier un conflit purement en lien avec l’augmentation des droits de scolarité est devenu beaucoup plus grand. Et lorsque quelques uns d’entre eux occuperont des postes clés au sein des universités et autres institutions québécoises ou canadiennes, ils seront davantage aptes à déceler les manques à gagner et les failles qui enveniment  les systèmes.

C’est grosso modo ce que je voulais vous dire, monsieur Foglia. J’aurais certes pu ajouter un dernier paragraphe à propos de vos allusions au « pas si gros sous que ça », mais j’ai appris à choisir mes batailles au fil du temps.  Et tandis que je vous tiens, je vous remercie très sincèrement pour vos chroniques. Pour moi, elles conjuguent ce dont les Québécois ont le plus besoin, drette là: fraîcheur, intelligence, humour et parcours de métro plus agréables.