BloguesA la mano

Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les Libéraux

Ainsi donc, après La Presse, il faut boycotter Renaud-Bray.

Du moins, c’est ce que le délégué syndical de la succursale Saint-Denis-Champigny, également blogueur, nous invite à faire depuis hier.

Semble-t-il, suite à des plaintes reçues de la part de certains clients, l’administration de Renaud-Bray punira sévèrement les employés de la chaîne qui porteront le carré rouge à l’intérieur du magasin. Il n’en fallait pas plus pour qu’une armée d’internautes prennent d’assaut la page Facebook de l’entreprise, l’accuse de brimer la liberté d’expression de ses employés, et la menace de boycott.

En réaction, la direction de Renaud-Bray a publié cette note sur son site Web aujourd’hui.

Avec l’essor du mouvement de protestation contre la hausse des frais de scolarité, un rappel de la politique d’entreprise a été acheminé aux succursales, mentionnant que Renaud-Bray « s’attend à ce que ses employés demeurent neutres lorsqu’ils sont en fonction, en évitant d’arborer un quelconque signe distinctif en support à une cause ou une autre ». Cette politique a été adoptée en 2005, et se conforme à la vaste majorité des pratiques adoptées dans le commerce de détail, peut-on y lire.

Ainsi donc, si l’on se fie à ce mémo, une politique empêchant notamment le port du carré rouge, vert, jaune, noir et blanc existerait depuis 2005. Pour mieux comprendre cette politique, attardons-nous à la mission de l’entreprise qui devrait orienter les différentes décisions prises par cette dernière.

Notre mission : contribuer à l’expansion et à la diversification de l’offre de produits culturels de langue française et jouer un rôle de premier plan dans la promotion et la diffusion de la culture. Nous voulons avant tout être un lieu convivial de rencontres, d’échanges et de découvertes, peut-on lire sur le site Web renaud-bray.com.

Je ne veux pas parler pour vous (ça vous arrive trop souvent), mais on peut assurément conclure que la librairie dont il est question ici répond plutôt bien à sa mission. Bon, ok, ils ont un peu trop de gogosses et de bébelles à vendre mais, si ces dernières n’enlèvent pas trop d’espace tablette aux produits culturels, qu’est-ce que ça peut bien foutre? En plus, ça amuse les enfants pendant que les parents bouquinent un brin. Voulons-nous vraiment boycotter cette expansion et cette diversification de l’offre de produits culturels de langue française? N’avons-nous rien de mieux à faire? Nous en sommes vraiment là? La situation est-elle rendue à ce point polarisée que l’on peut en entendre certains paraphraser involontairement George W Bush? Either you are with us, or you are with the terrorists devient ainsi Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les Libéraux!

Je me souviens, quand j’étais plus jeune, une amie qui travaillait dans une crèmerie devait cacher son piercing au sourcil à l’aide d’un pansement lorsqu’elle était en fonction. Pour ma part, lorsque j’étais au Collège privé (ça n’a duré que deux ans avant que je ne me fasse montrer la porte de sortie), l’on m’empêchait de porter mes Nike Air Jordan et mon chandail de N.W.A. Aussi, un autre de mes amis qui a déjà été gardien de sécurité devait quant à lui porter une chemise à manches longues pour cacher ses multiples tatouages. Pourtant, même amputé de ces accessoires, mes amis et moi portions en nous cette idéologie qui faisait en sorte que nous étions qui nous étions. J’étais habillé comme tous les autres écoliers, mais je demeurais néanmoins le petit marginal qui écoutait Ice-T et Public Enemy pendant que tous les autres se brisaient les tympans avec Metallica et Pantera. Quant à mon ami tatoué, aucune vieille dame n’a jamais eu peur de lui demander où sont les toilettes pendant qu’il regardait discrètement un film gore sur son lecteur DVD portatif.

Tout ça pour dire que, armé de son carré rouge ou non, lorsqu’il est en fonction, les valeurs du travailleur demeurent certes les mêmes, mais il n’a pas à les afficher ouvertement pour les communiquer. Le gouvernement a suffisamment polarisé la province ainsi. Et s’il y tient vraiment, le commis-libraire qui souhaite afficher ses couleurs n’a qu’à conseiller à ses clients la lecture de Je ne suis pas une PME de Normand Baillargeon plutôt que le dernier Marc Lévy. Ce serait déjà pas mal!