BloguesMax Clark

The Pack A.D. @ Zaphod Beeblebrox – L’élan du bélier

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Crédit photo: James Lozeau

J’avais headbanger tout seul à job toute la journée. J’étais tellement d’dans. Ce soir-là, on s’en allait voir un show de garage dans la meilleure place en ville pour ça : et j’ai nommé le désormais légendaire Zaphod.

Quand on rentre là, on se r’place tout de suite. Les affiches écornées sur les murs noirs bariolés de lumières rouges, bleues. Derrière le bar de bois brut, des portes de fridge couvertes de stickers de bands. Une place qui transpire le rock, mais qui en même temps, regorge de belles faces pleines de sourires. Une maudite belle place.

Une fois entrés, on dirait qu’instinctivement on s’calme le pas, se laissant pénétrer par l’ambiance sombre mais profondément conviviale qui habite l’endroit. En tournant le coin, je n’manque pas de saluer discrètement ma vieille chum la pinball des Pierrafeu. On va se r’croiser plus tard ma belle, t’inquiètes. C’est les Clash qui jouent, la soirée s’ouvre et j’ai un p’tit papillon qui fait son cocon dans ma bédaine.

Fait qu’on monte au bar s’prendre une pinte pis on s’accote paresseusement dans un coin obscur de la pièce. On jase tranquillement en surveillant du coin de l’œil le tech qui monte le set-up sans se presser. On attend The Pack A.D. : une guitariste, une drummeuse qui font ensemble un espèce de blues du genre Cocktail molotov : bin huileux, sale et dangereusement explosif. Un blues de punk qui pogne din trippes solide.

Quand les filles arrivent sur le stage, on voit tout de suite le portrait. Il y a Maya Miller, la drummeuse, plus petite, costaude. Elle est tout sourire, les baguettes au ciel. Elle pète le feu. Dans l’autre coin, une grande brune énigmatique, son visage laiteux couverts par les mèches emmêlées qui nous laissent à peine entrevoir ses petits yeux pâles. C’est Becky Black. Deux personnages aux antipodes, côtes à côtes, puis face à face et ça décolle.

Un son lourd, percutant comme un coup d’tête dans l’sternum…des riffs solides, saturés de disto, des rythmes simples mais efficaces avec un snare qui pète l’oreillette. Quand ça vient d’en-dedans pour vrai, cette recette là est définitivement gagnante.

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Crédit photo: James Lozeau

Et puis sa voix, grave, détachée, qu’elle laisse couler entre ses lèvres comme un filet de fumée. Dans son regard absent, dans sa strap de guitare aux genoux, dans son corps maigre et nonchalant, Black est détrempée par le grunge. Mais, son attitude décrochée est balancée par quelque chose de tendre au fond de sa gorge qu’elle laisse sortir parfois, tout doucement. Quand les filles baissent un peu le volume et qu’elles s’en permettent une plus molle, on dirait que le temps reste suspendu, les veloutes de poussière flottant dans les faisceaux des projecteurs, l’ombre des rangées de têtes qui ondulent, on reste comme saisit à quelque part entre les planches et les étoiles. Ce qu’elle nous raconte arrive sur une ligne directe ploguée dans son cœur, ça se sent et c’est fort. Vraiment fort.

Puis, le pied sur la pédale, une couple de coups de pic et la houle vient nous reprendre par en-dessous et on danse les yeux fermés, comme si le lendemain et l’hier venait de s’effondrer. Sensation d’ivresse dans laquelle on se laisse submerger. Inévitablement, le vide laissé par la dernière note a fait mal.

En sortant, comme soufflés par une brise rebelle, on a déambulé dans les ruelles sombres, titubants, souriants, en se foutant du temps de merde qu’il faisait. Puis, accoudés au bar d’une taverne miteuse à râler jusqu’au p’tites heures. Et encore dans l’char, à s’étreindre à s’en faire péter les veines en espérant que ce foutu soleil ne se lève jamais.

Mais bon, il a bien fini par se pointer…bonne nuit beauté, à bientôt.