Tel que je le vous soulignais hier en vous parlant des deux plus récentes nominations à la table de l’académie Goncourt, j’ai le bonheur de compter Philippe Claudel parmi mes amis. Je me suis donc permis, en le félicitant, de lui faire remarquer qu’il allait être le plus jeune à cette table. Je lui ai aussi demandé, du même coup, si, avec Assouline qui blogue, on pouvait voir leurs nominations comme le début d’un changement de garde au sein de la vénérable académie…
Je vous partage avec bonheur sa réponse, que je viens tout juste de recevoir.
« L’ancien petit punk branleur et énervé que j’étais est toujours bien vivant en moi, tout au fond, caché dans la cave. C’est lui qui m’inspire beauté, colères, rires, larmes, énervements divers face à la marche du monde et énergie de haut voltage. Je l’ai habillé avec la chair respectable et un peu flapie d’un très bientôt quinquagénaire. Je trompe donc mon monde, mais en toute sincérité. J’espère bien pouvoir avancer d’autres noms, d’auteurs, d’éditeurs, à cette vénérable table où j’aurais mon couvert – ça sent le sapin tu crois? Et puis c’est l’amour des livres, de ceux qui les écrivent, de ceux qui les lisent qui m’a fait accepter de rejoindre les Goncourt : une académie sans uniforme et sans trompette, ce qui me plaît.
Pour le reste, que je sois le plus jeune ne veut pas dire que je ne peux pas être le plus con ou le plus ringard. L’âge mental est la véritable datation. Edmonde la présidente a 91 ans et elle pète le feu. J’ai rencontré Gracq quand il avait plus de 95 ans et c’était un formidable vieux jeune homme curieux et affable, vif, s’intéressant au monde et aux autres, et je croise souvent des gamins de 20 ans bêtes comme leurs pieds et plus fossilisés que des squelettes de dinosaures. Alors….
Quant à l’ouverture, c’est vrai que depuis quelques années, l’académie Goncourt a accueilli un formidable promoteur et amoureux des livres mais qui lui même n’était pas romancier (Pivot), un garnement talentueux et a priori adorablement peu fréquentable, ancien soutier et nègre des lettres (Rambaud), un Marocain (Ben Jelloun) – notre cul ranci de parti d’extrême droite a dû en bouffer son chapeau –, et un médiologue ancien copain du Che, ancien Mao, formidable esprit gymnaste qui scrute le monde sous un angle souvent cocasse et perçant (Régis Debray). Aujourd’hui un journaliste blogueur (Assouline) – mais où est la différence entre un journaliste et un blogueur, sinon de support et la constante recherche de la réactivité immédiate à l’événement – ce qui me gêne car c’est oublier que le temps est l’allié de la réflexion –, et le blaireau provincial qui est ton serviteur : ma pomme. Tu le vois, l’académie Goncourt n’est pas la dernière, mine de rien, à pratiquer l’ouverture.
La seule qui manque à mon goût : l’ouverture aux femmes!!!!! Deux femmes pour huit hommes. J’aimerais que ça change. Bordel, il y en a un paquet des femmes qui écrivent, et formidablement!
Je ne dirai qu’une chose pour finir. Vive Bérurier Noir! Vive Joe Strummer! Good shave the Queen ! Hommage à la belle petite Amy Winehouse qui a su faire brûler de nouveau la comète!
Vivement le punk en littérature. Pour l’instant, je ne l’ai pas vu, et n’arrive pas moi-même à l’écrire!
Je te bise, te pogote, et lève ma bière à ta santé!
Philippe, 50 balais, trois accords en poche et plus grand poils sur le caillou. »