BloguesMon père a plus de likes que le tien

Mon p’tit Bibi et mon chat Pipi

Ça a l’air que pour s’entraîner à s’occuper de quelque chose de vivant, des couples se greyent de chiens et de chats. « Aaww un ti-pitou ouuiii on va voir si on est des bons parents bé! »

C’est une très mauvaise idée de faire ça. Je suis moi-même complètement parentalement déformé à cause de Pipi.

J’ai dû me départir de Pipi quand j’ai emménagé avec ma blonde, trois semaines après la confirmation de l’enceintage. Il tripait pas pantoute dans le nouvel appart, il mangeait moins, sentait qu’il était de trop. Pauvre chaton. Ma blonde savait qu’elle était allergique, mais elle m’avait dit avant de déménager que c’était correct, que je ne pouvais pas le faire adopter, que c’était comme un membre de la famille. Mais une fois sur place, les allergies ont pogné solide et on a découvert que Pipi était infesté de puces (j’aurais préféré que ce soit moi qu’elles choisissent de piquer). En plus, Pipi avait l’habitude de sauter sur le lit en pleine nuit et zigner mes jambes, comportement que je tolérais, parce qu’avec mon tempérament j’aurais fait la même chose si j’avais été un chat. Tel maître tel chat que ma blonde disait, mais là ça la gossait. La chicane a pogné entre nous deux, j’ai déployé draps et oreillers sur le divan et passé une nuit à pleurnicher en câlinant Pipi. Le lendemain, les yeux pleins d’eau, j’écrivais un statut Facebook pour lui trouver un autre foyer.

Heureusement, il a été accueilli par la meilleure famille au monde, avec deux amis chats et une belle cour en plus, un milieu de vie beaucoup plus sain que la monoparentalité que j’avais à lui offrir. J’ai été le porter le lendemain. Il est devenu calme aussitôt qu’il s’est couché sur son nouveau lit. J’étais soulagé, j’ai repris la cage de transport vide et j’ai marché un petit bout dans la neige, un peu échauffé par le whiskey que m’avait offert sa nouvelle maman, pour panser mon cœur.

J’ai eu l’occasion de revoir Pipi quelques fois. Je n’ai pas craqué, je ne m’ennuie pas de lui, mais il y a quelque chose qui s’est mal recâblé dans ma tête. Je ne sais pas si c’est la séparation qui a déréglé ça ou si c’est les deux ans et demi de vie commune avec Pipi, c’est comme si j’étais programmé à traiter mon bébé comme un chat.

Avant de me juger, je veux juste vous signaler que ça part mal, parce que ma conjointe et moi surnommons adorablement notre rejeton « le bibi ». Vous comprendrez qu’il ne suffit que d’une pichenotte pour que les « b » se revirent de bord et que ça switch : allô mon bibi aaooon mon petit chat mon beau ti-pipi tu as bien dormi tu veux du lait? J’essaie très fort de ne pas parler à l’enfant avec la même petite voix aiguë attardée que je prenais pour appeler le chat, mais c’est dur. Je lui chante aussi la même toune que je chantais au chat, je change les paroles du refrain de « Let it be » pour « le bibi ».

Oui oui prenez le temps ici de chanter à voix haute les quatre premiers « let it be » en les remplaçant par « le pipi » ou « le bibi », tout dépendant si vous aimez mieux les chats ou les enfants.

D’ailleurs c’est comme ça aussi dans la vie. Y’en a qui sont pas capables d’endurer les chats et d’autres pas capables d’endurer les enfants. Y’a aussi les folles aux chats, un profil très différent de la folle aux enfants, une espèce rare, c’est pas tous les jours qu’on rencontre des madames qui vivent cloîtrées entourées de vingt enfants.

Mon fils ressemble quand même beaucoup à un chat. Il veut de l’attention quand je suis occupé, mais quand je vais le voir il veut pas se coller. Il est indépendant, mais si je l’embarre dans sa chambre il va chialer. Il fait tomber des affaires par terre. Il veut monter sur les comptoirs, il mange les morceaux de nourriture qui traînent sur le plancher. Il mord des choses. Il rapporte la balle quand je la lance. Il grimpe beaucoup, du mieux qu’il le peut, du haut de ses onze mois. Je l’imagine déjà d’ici quelques années monopoliser une couple de camions de pompier parce qu’il va être pogné sur une branche d’arbre.

Ce que je faisais aussi avec mon chat avant qu’il soit trop gros, c’était l’amener dans un sac, la tête sortie, quand je faisais des commissions. Tout le monde dans la rue trouvait ça cute, une fois j’avais même fait un vingt secondes de zoothérapie avec une prostituée. C’est pas aussi évident avec un bébé faire ça, surtout que j’haïs ça quand le monde le touche. Il se fait pogner les jambes, pincer les joues, flatter les cheveux… c’est là qu’on réalise qu’on vit vraiment dans une culture du viol quand des madames n’attendent même pas le consentement des parents pour mettre leurs mains sales dans la face des enfants. Je me suis promis que la prochaine qui me fait ça je lui fous mes doigts drette dans le sillon! Œil pour œil dent pour dent! Haha! Ben non, chu pas game, même pas de lancer une bière dans la face de l’agresseuse. De toute façon quand je picole en promenant mon enfant c’est toujours avec de la bonne bière de microbrasserie, les chances que j’aie une Coors Light à gaspiller sur une face sont plutôt minces.

Ah! Ça me rappelle des beaux souvenirs de parler de Pipi… comme quand je tournais des vlogs avec lui. Ce qui m’a pincé le cœur en le donnant, c’est les likes qu’il rapportait. Ça m’a fait plaisir que sa nouvelle famille fasse le plein de likes avec les photos de Pipi, mais de mon bord j’avais un manque à combler. Je pensais que les chats c’était des bonnes machines à récolter des likes, mais ayoye les photos de bébés ça cartonne total. Je ne m’attendais pas à ça. Ça m’a sensibilisé à liker les photos de bébés à mon tour, chose que je ne faisais jamais dans mon ancienne vie avec Pipi. Et l’algorithme Facebook a compris, il me propose encore plus de photos de bébés dans mon fil de nouvelles, au détriment des articles sur la politique. Pis devinez quoi, j’ai moins le temps de lire sur la politique depuis que j’ai un bébé! Si c’est pas du Big Brother qui rentre avec ses gros sabots dans le confort de votre maison je me demande ben ce que c’est han!

Tous ces parallèles entre les chats et les bébés vous font peut-être sourire, mais là où ça se complique, c’est que j’ai eu la maladresse de raconter à ma blonde la fois où Pipi s’est blessé. À cette époque j’habitais avec mon ex, c’était elle qui avait acheté Pipi sur Kijiji. Moi, tsé, je voulais pas vraiment de chat (vous voyez, je me déresponsabilise déjà en vue de ce qui s’est vient). Pipi a sacré le camp du balcon du troisième étage en pleine nuit. Je l’ai retrouvé seulement le lendemain matin, affalé sur le balcon du premier, souffrant dans ses excréments. Je l’ai remonté avec précaution et il a été se cacher sous le lit toute la journée. Le lendemain, il boitait. On a pris la décision de ne pas aller chez le vétérinaire parce qu’on était sans le sou tous les deux. On se disait que ça allait s’arranger tout seul pour Pipi. Ça a fini par s’arranger tout seul effectivement, mais avec du recul j’aurais peut-être dû emprunter de l’argent. Quand j’ai raconté ça à ma blonde, elle m’a engueulé rétroactivement d’avoir été irresponsable avec Pipi, qu’il avait dû souffrir et elle m’a interrogé à savoir si j’allais avoir la même attitude avec notre enfant. J’ai déconné un peu. Je lui ai dit que oui, j’allais lui faire une place sous le lit et lui glisser un bol de bouffe pour qu’il puisse récupérer en paix quand il sera malade.

C’est fini maintenant je ne fais plus de cette sorte de joke là.

J’en conviens, pour ceux qui m’ont déjà lu sur ce blogue, ce texte était beaucoup plus loufoque que les deux premiers, mais je vais quand même insérer une petite fin touchante : dans un monde idéal, j’aurais aimé que Pipi veille sur mon garçon lorsqu’il sera malade. Pipi était docile, il ne griffait jamais, mordillait juste un peu quand on jouait avec lui. Il aurait été parfait pour lui apprendre la douceur. Mais je me serais tout le temps mélangé entre les deux… pis anyway kessé je dis là…. dans un monde idéal, les enfants tombent pas malades!

Retour à la réalité, demain matin j’amène mon garçon à la garderie après les vacances d’été.

C’est le plus jeune de la gang et je ne veux pas qu’il se fasse intimider. Ne le dites pas à sa mère, mais pour ne pas qu’il s’en laisse imposer, je vais lui raser des touffes de cheveux et faire croire aux amis à la garderie qu’il s’est battu dans la ruelle! Je t’aime mon grand matou!!!