Musique

Louise Marcotte : Le sacre du printemps

Plusieurs concerts, la sortie d’un premier disque de mélodies françaises, où s’exerce sa musicalité raffinée: la soprano québécoise LOUISE MARCOTTE connaît un printemps  chargé.

En cette fin de printemps, la soprano québécoise Louise Marcotte ne chôme pas. Sortie il y a trois ans de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, où elle a acquis une expérience profitable pour sa jeune carrière, la chanteuse vole maintenant de ses propres ailes. Si elle souhaite bien sûr aller travailler à l’étranger afin d’élargir son univers, elle reste très heureuse de travailler chez elle.

Après avoir participé au Gala de la Société philharmonique de Montréal, le 2 juin dernier, la soprano sera soliste dans l’oratorio Paulus de Mendelssohn, avec le Chour classique de Montréal, sous la direction de Marthe Lacasse, les 6, 9 et 13 juin. Le 20, elle ouvrira un tout nouveau festival de musique, qui se tiendra à Saint-Césaire. En récital avec le pianiste Réjean Coallier, Louise Marcotte interprétera alors de la musique canadienne, mais aussi, selon ses dires, «un peu de tout», Schubert, entre autres. «C’est un festival qui est là pour faire connaître la musique aux gens qui n’ont pas l’occasion d’en entendre souvent dans leur région. Il va y avoir une partie parlée, parce qu’il s’agit d’un genre d’initiation. Chacun va présenter son instrument, les compositeurs au programme, et dira pourquoi ils ont écrit certaines ouvres…», explique la chanteuse.

Deux jours plus tard, le 22 juin, la soprano se rendra au Camp musical des Laurentides pour donner un autre récital, en compagnie de la pianiste Janine Lachance. Puis, le 16 juillet, Louise Marcotte ouvrira cette fois le Festival de Lachine, un événement qui a lieu tous les étés dans cette municipalité toute proche de Montréal. Ensuite, la musicienne souhaite prendre du repos, et se relancer dans les concerts et les enregistrements à l’automne. Au programme: un enregistrement de mélodies d’André Caplet, sous étiquette Fonovox encore une fois. «On connaît un peu ses mélodies à cause des Fables de La Fontaine qu’il a mises en musique, parce qu’Elly Ameling en a enregistré quelques-unes. Mais il y a beaucoup d’autres choses vraiment magnifiques», témoigne Louise Marcotte. Avec deux cartes de visite consacrées à des compositeurs peu enregistrés, la soprano court beaucoup plus de chances d’être entendue aussi à l’étranger.

Le 6 juin, à l’église Pie-X à Laval
Le 9 juin, à l’église Saint-Jean-Baptiste, à Montréal
Le 13 juin, à l’église Saint-Pierre-Apôtre, à Laval

Jean Langlais, Mélodies. Louise Marcotte, soprano, Brigitte Poulin, piano. Fonovox (VOX 7841-2)
Louise Marcotte nous livre ici un premier enregistrement exigeant et sans concession. Un disque complet de mélodies françaises accompagnées au piano, ouvres d’un compositeur peu connu du XXe siècle, n’est pas ce qu’on peut appeler un choix facile et aguichant. On admire l’intégrité de la musicienne qui s’est lancée dans l’aventure, en compagnie de la pianiste Brigitte Poulin. Jean Langlais, mélodiste «tardif» qui a refusé d’adhérer au courant atonal, écrivit des mélodies jusqu’à la fin des années quarante, déclarant ensuite que le genre était devenu obsolète. Les vingt-neuf mélodies entendues sur ce disque ont donc été écrites entre 1934 et 1949, et plusieurs n’avaient pas encore été enregistrées. Variées stylistiquement, elles donnent néanmoins toujours la primauté au texte, mis en valeur grâce au sens aigu de la prosodie qu’avait Langlais. Très doué pour la mélodie, le compositeur recherchait la simplicité afin de laisser s’épanouir les mots de Pierre-Jean Jouve, Jacques Prévert, Jean Cayrol, André Romane, Michel Poissenot, Clément Marot, etc. «C’était un musicien très humble, souligne Louise Marcotte, qui s’effaçait devant les poèmes qu’il mettait en musique.»

!=Éminemment français dans son écriture, Jean Langlais évoque les impressionnistes, mais reste attaché à ses racines bretonnes et au folklore musical de cette région. Certaines de ses mélodies sont tout à fait folkloriques, telles que Frère Lubin, même si la première pièce du disque – Une dentelle s’abolit, sur un poème de Mallarmé – laisse croire le contraire. Je retiens surtout la qualité de mise en musique de certains Prévert, Pour toi, mon amour, ou Quartier libre, de petits bijoux de mélodies françaises. Pour apprécier pleinement l’enregistrement, il faut apprivoiser l’univers du compositeur, délicat et tout en transparence. Les musiciennes ont très évidemment fait ce travail avant nous, puisqu’elles semblent avoir intégré parfaitement l’esprit de Langlais. Leurs interprétations sont finement ciselées, subtiles et sans excès vocaux ni pianistiques. Le fait de «faire de la voix» dans ces pièces risquerait de gâcher les atmosphères particulières qui s’en dégagent.

Louise Marcotte a mis sa voix fraîche et souple, sa musicalité à la fois instinctive et raffinée au service de ces très belles mélodies, sans chercher les effets vocaux. La pianiste lui offre un soutien intelligent et sensible. La prise de son, qui se veut sans doute intimiste, a le défaut d’éteindre les sonorités et de donner l’impression que le lieu d’enregistrement ressemblait à un placard. Malgré tout, on s’habitue, et la musique passe…