Neko Case : Épi phénomène
Musique

Neko Case : Épi phénomène

Les aficionados de punk-a-billy qui ont vu Neko Case aux Foufounes ou au Jailhouse cognant sa batterie derrière le groupe Maow ont dû être soufflés, à l’été 1997, lorsqu’a surgi son premier album solo, The Virginian. Un album de pur, pur country qui, malgré sa parité avec les vieux vinyles de Kitty Wells, a joué des coudes sur les palmarès des collèges canadiens. Un album triomphant comme un épi, que ce journal a classé parmi les meilleurs crus de 1997 (parfaitement!). Une ouvre plus proche de la tradition du Grand Ole Opry que le dernier compact de Randy Travis, et plus cohérente que tout ce que Dwight Yoakam a enfanté depuis trois ans. Avec de splendides versions de Bowling Green des Everly Brothers, de Duchess de Scott Walker, de Thanks a Lot, l’extraordinaire succès d’Ernest Tubb, de Somebody Led Me Away de Loretta Lynn, et des compositions originales qui se fondent à l’ensemble parce qu’elles sont bonnes. Très bonnes.

Que Neko Case, née en 1970 en Virginie (même date, même État que Patsy Cline), ait réussi à convaincre ses copains de la scène alternative canadienne (et le légendaire mandoliniste John Reischman) d’enregistrer avec elle The Virginian n’est pas le fait le plus étonnant de son histoire. Elle le dit elle-même au bout du fil: «Le punk et le country transportent le même cri de la classe pauvre, blanche et ouvrière; les deux sont nés du même sentiment d’être exclu, exploité, stigmatisé.» De là à dire que Kurt Cobain aurait pu jouer du banjo, il n’y a qu’un pas. Après avoir habité Vancouver pendant cinq ans, Case s’apprête d’ailleurs à transporter ses pénates à Seattle, où elle a déjà vécu, parce qu’elle a déniché dans le berceau du grunge les meilleurs tireurs d’élite pour l’accompagner en spectacle.

Non, ce qui étonne le plus dans son histoire, c’est qu’avec une voix aussi admirable, elle ait attendu si longtemps avant de chanter. «En Amérique, on dit que tout le monde peut poursuivre ses rêves les plus fous et réussir. Mais à l’école, à la maison, à la télé, ce n’est pas du tout ce qu’on enseigne aux enfants. On leur dit: "Ne vous dirigez pas en art ou en musique, car c’est absurde." Lorsque j’étais jeune, l’industrie de la musique populaire me semblait donc inaccessible, mais pas la scène punk. Quand j’avais dix-sept ans, je n’avais aucun problème à m’imaginer derrière un drum, à faire du tapage dans un club près de chez moi. Pour m’imaginer faire une musique qui allait plaire à plus de gens, il aurait fallu que je sente un encouragement dès le départ.»

Liée à la compagnie de disques Mint Records, à Vancouver, Case a signé cet automne un contrat de distribution avec Bloodshot Records, une maison basée à Chicago et baptisée «The Home of Insurgent Country». Jusqu’à présent, The Virginian a récolté d’excellentes critiques aux États-Unis, et Neko prendra part à la tournée Lilith Fair. Elle ne voit toutefois pas le jour où elle bivouaquera à Nashville. «Ce serait la pire chose qui pourrait m’arriver. Je serais en compagnie de milliers de gens qui, comme moi, veulent être reconnus, et ma musique ne serait même pas appréciée.»

En août 1997, Neko devait se produire à Montréal pour la première fois depuis la sortie de The Virginian, mais elle a préféré participer à un festival en compagnie de son idole Loretta Lynn (comment lui en vouloir?). Cette fois, elle promet qu’elle sera au Jailhouse le 11 juin, à l’occasion du cabaret multidisciplinaire qui réunira la formation polka-punk The Subumiauts, la «funky-ass folk babe» Tiff et Mitsiko Miller, et les Abdigritionistes.

Croyez-moi, on n’est jamais aussi dissident que lorsqu’on fait du country pur.

Le 11 juin
Au Jailhouse
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