Steve Poltz : Les fleurs du mâle
Musique

Steve Poltz : Les fleurs du mâle

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais si je vous annonce qu’il est coauteur de You Were Meant For Me, de Jewel – qui a établi un record en demeurant le plus grand nombre de semaines au Billboard Hot 100 -, et qu’il brillait torse nu aux côtés de la fée blonde, dans le vidéo du même titre, vous ferez peut-être: «Hummmmmm…»

Depuis cette époque, toutefois, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts: Jewel, délestée de dix millions d’exemplaires de Pieces of You, a publié un recueil de poésie (A Night Without Armor, Harper Collins) et Steve Poltz a achevé son premier album solo, One Left Shoe, qui, d’après mes tympans, renferme les refrains les plus tendres depuis Other Songs, de Ron Sexsmith.
L’ouvre a été réalisée par J. Steven Soles (Victoria Williams, Peter Case) et enregistrée en quinze jours («le plus live possible», précise Poltz) avec des musiciens qui ont joué sur plus de disques que vous n’en écouterez jamais: Benmont Tench (ex-Heartbreakers), Leland Sklar (James Taylor, Jackson Browne), Dean Parks (Lyle Lovett), Jerry Scheff (Elvis Presley, Elvis Costello)… Au menu: chansons sentimentales, mélodies folk (style James Taylor), guitares soyeuses, cuivres badins (gracieuseté des Mighty Mighty Bosstones), vers tendres («That’s me / One left shoe, lonely without you»), clins d’oil narquois et doo-wop à la Randy Newman (Impala). Bref, l’ensemble est aussi ensoleillé qu’un matin de juin.

La figure matinale n’est pas fortuite, puisque Poltz, un lève-tôt, compose la plupart du temps dans son lit, en ouvrant les yeux, comme sur la photo de la pochette de One Left Shoe. C’est pourquoi il n’a aucun mal à fixer notre entrevue à six heures trente du matin (!) et à péter le feu au bout du fil. En attendant qu’une voiture vienne le cueillir pour l’emmener à l’aéroport (direction London), il me décrit sa petite enfance à Halifax, les années qu’il a vécues à Palm Springs («A l’Halloween, j’allais sonner chez Liberace pour avoir des bonbons, et je rencontrais Bob Hope tous les dimanches à l’église.»), et me fredonne, d’une voix vanille, Wichita Lineman, de Jimmy Webb. «C’est la chanson la plus romantique que je connaisse», dit-il pour faire charmant.

Mais Steve Poltz n’a pas toujours été délicat et sensible. Pendant quinze ans, il a fait partie des Rugburns, dont les frasques et beuveries légendaires ont contribué à forger la scène alternative de San Diego. «Je n’aurais jamais pu faire cet album avant aujourd’hui, avoue Poltz; j’étais trop jeune psychologiquement, j’avais trop de plaisir à faire du chahut. Je n’étais pas prêt à m’ouvrir ainsi et à montrer mes émotions.»

Cette transformation soudaine est-elle due à l’influence de Jewel, dont Poltz s’est épris alors qu’elle était serveuse chez Java Joe’s, à San Diego? Hummmmmm…

«J’aime cette fille, admet-il candidement. On s’est fréquentés un bout de temps, et on s’est mis à composer ensemble avant même que l’un de nous obtienne un contrat de disque. Silver Lining (le premier extrait de One Left Shoe) a été écrite avant You Were Meant for Me, durant le même voyage au Mexique. Tu peux entendre sa voix sur Silver Lining, Impala et I Thought I Saw You Last Night, qu’elle a aussi faites avec moi. Quand ça a démarré pour elle, elle venait me voir pour obtenir des conseils; maintenant, c’est moi qui l’appelle tous les jours pour savoir comment survivre dans cette business.»

L’ex-bum de trente-huit ans arrive en ville, la guitare en bandoulière. Son synchronisme est parfait: après avoir été aplatis par le grunge et déclassés par Shawn, Sheryl, Jewel et autres sorcières, les mâles auteurs-compositeurs n’ont jamais été aussi à la mode.y

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