Daniel Thouin/Kurt Rosenwinkel : Plan américain
Musique

Daniel Thouin/Kurt Rosenwinkel : Plan américain

Depuis un an et demi, le pianiste Daniel Thouin organise des soirées jazz au Cabaret du Saint-Sulpice. Ou plutôt des rencontres. Vous voulez voir la face de tous ces jeunes effrontés qui aspirent à former la relève? Ceux qui, la plupart dans la vingtaine, s’abandonnent à un art en pleine mouvance, mais qui le font au-delà des conventions? Avec une ouverture lucide sur tout ce qui se fait en jazz (et ses dérivés) actuellement? C’est au grenier du populaire bar que le laboratoire prend forme toutes les semaines; et ce week-end, Thouin et sa bande seront les hôtes du guitariste new-yorkais Kurt Rosenwinkel, une «bibitte», selon son homologue québécois, le guitariste Sylvain Provost. Le situer dans son environnement est relativement simple: apôtre avoué de Pat Metheney et successeur éventuel des John Scofield, John Abercrombie et Mike Stern. Bill Milkowski, qui, en journalisme jazz, est considéré comme un Monsieur, osait avancer, dans les notes du disque de Tim Hagans (Animation-Imagination), auquel participait Rosenwinkel, que ce dernier est le guitariste le plus fluide et le plus inventif depuis Allan Holdsworth. Est-ce vraiment un compliment? Quoi qu’il en soit, Rosenwinkel sortira son quatrième album, Under it All (son premier sur Verve), au début de l’automne, à la même période où Daniel Thouin lancera, quant à lui, de son premier disque (déjà enregistré).

Rosenwinkel, si l’on décode l’affirmation de Milkowski, est un guitariste de textures sonores, un marchand de notes insolites et un quasi-pourfendeur de la tradition. Ses élucubrations sont nettement plus subtiles qu’une simple série d’accords. Joe Pass et Herb Ellis, ce n’est pas pour lui. À vingt-huit ans, il a joué dans le groupe du vibraphoniste Gary Burton, et dans l’Electric Be-bop Band du batteur Paul Motian et de Steve Swallow (sur la recommandation de Bill Frisell), avec lequel il se produit toujours. Bref, l’apprenti qui n’en est plus vraiment un. Mais Rosenwinkel a aussi sa gang. Comme Thouin a la sienne. Qu’on pense aux saxophonistes Seamus Blake et Mark Turner et au pianiste Brad Meldhau, trois cats de la même imposante ville, qui font beaucoup parler d’eux. Thouin, en important un tel calibre, provoque des comparaisons inévitables avec nos enthousiastes jeunesses. Une stimulante et salutaire leçon d’humilité. Comme l’ont servie auparavant les Caron, Cusson, Donato et j’en passe. La désormais célèbre connexion New York-Montréal.

«Des fois, on a tendance à oublier que ce sont des gars de notre âge, constate Thouin. Quand ils viennent ici, ils habitent chez moi, ça fait qu’à un moment donné, t’as pas le choix de te rapprocher. Quand je vais à New-York, ce sont eux qui me reçoivent. Je suis beaucoup influencé par le courant musical de ces musiciens-là. Nos musiques sont similaires. On va jouer les pièces de Kurt, comme il va jouer les nôtres. Je pense qu’il va rentrer dans notre musique comme un poisson dans l’eau», de dire Thouin, qui joue aussi avec Ann Victor, et qui a travaillé en studio, pour les disques de Mara Tremblay et Fred Fortin. Sans compter ses récents spectacles avec Yannick Rieu et Michel Donato. «Il y a comme une volonté de se connecter en ce moment. Je suis aussi influencé par O.K. Computer de Radiohead que par A Love Supreme de John Coltrane.»

Les 7 et 8 mai
Au Cabaret du Saint-Sulpice
Voir calendrier Jazz, Blues, etc.