Musique

Retour de son : Richard Desjardins

Le 27 avril, au Grand Théâtre

Dire qu’il fut un temps où Richard Desjardins remplissait de peine et de misère des petits clubs de province… Dans un Grand Théâtre bondé, conquis d’avance, le chanteur et ami des arbres était bien loin des jours de vache maigre. Une guitare, un piano, cette voix de sinusite aiguë mais tellement pleine de poésie, quelques chansons et monologues ciselés au couteau le plus fin, n’en fallait pas plus pour combler son public. Tirés de l’album Boom Boom ou puisés dans un répertoire moins récent (on pense aux désormais classiques Señorita, Les Yankees ou J’ai couché dans mon char), les morceaux livrés dans le dépouillement le plus complet rappelaient à qui voulait bien l’entendre que la chanson à texte n’appartient pas qu’au passé. Visiblement en forme, Desjardins n’était pas avare; j’ai compté pas moins de quatre rappels, mais n’était-ce pas cinq? Le troubadour a même réussi le tour de force d’omettre Tu m’aimes-tu? et Le Bon Gars sans qu’on lui en tienne trop rigueur…

Sophie Anctil, à qui l’on avait confié la première partie, nous a rapidement fait oublier un léger manque d’assurance grâce à des chansons prometteuses et une complicité immédiate avec le public. À suivre.

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Orchestre de jazz de l’Union européenne de radio-télévision
le 30 avril, à la Maison de la Chanson

Après le ragtime, les manifestations festives de la Nouvelle-Orléans, Duke Ellington réussit à opérer une fusion géniale entre la musique européenne et la musique afro-américaine. C’est de cela dont témoignait l’Orchestre de jazz de l’Union européenne de radio-télévision (UER) vendredi dernier, à la Maison de la Chanson.

Le programme proposé par Andrew Homzy s’ouvrait sur des pièces de style jungle, comme The Mooche, sortes de tableaux impressionnistes évoquant la vie des Noirs. La sonorité de Bubber Miley étendue à tout l’orchestre. Le growl élevé au rang des beaux-arts! Puis, un pot-pourri de pièces illustrant différents styles (mood, concero, swing) s’étant développés dans les années 30. Mood Indigo ou Prelude to a Kiss rappelant la beauté des mélodies du compositeur. La musique d’Ellington donne aussi à jouer, à s’éclater; ceci n’est jamais aussi vrai que dans les pièces swing. Dans le C Jam Blues de la fin, il fallait voir les musiciens se bousculer au micro pour s’éclater.

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Nelson Minville
Le 1er mai, à la Maison de la Chanson

Entre la sortie de Centre-Ville et la présente série de concerts, Nelson Minville a tranquillement monté son spectacle. Grand bien lui fasse car, durant le processus amorcé quelques années plus tôt, l’homme est devenu un artiste. Le décalage qui existait entre ses disques et leur interprétation scénique, à mi-chemin entre celle du chansonnier statique et celle du chanteur pop effarouché, n’existe plus.

Comme il n’avait pas donné beaucoup de concerts à ses débuts, on a l’impression qu’il s’agit de son premier véritable show. D’entrée de jeu, il offre une version dramatique de Centre-Ville, le geste précis, la voix nuancée évoquant la présence des grands interprètes qui ont marqué la chanson.

Alternant entre ses rôles de musicien et de chanteur avec une aisance remarquable, Minville a offert la plupart de ses nouveaux titres et les quelques titres qui l’ont fait connaître. Judicieusement réarrangés, Les Bras de Satan, Il n’y aura que toi et Pour la suite des choses se mariaient bien au nouvel univers du chanteur qui réussit finalement à maintenir l’équilibre entre modernité et tradition, à la fois dans les thèmes et les sonorités. Il faut dire que son complice Christian Turcotte, à la guitare, apporte plus que son grain de sel dans l’aventure; idem pour Éric Sénécal de Villeray, derrière les claviers. Actuellement, rares sont ceux qui ont un show aussi solide à proposer. Surveillez son prochain passage.