Christian Marclay : Danse à disque
Musique

Christian Marclay : Danse à disque

Si l’on considère que les manipulateurs de tables tournantes ont enfin accédé au statut d’artistes à part entière, il serait grand temps de rendre à César ce qui lui appartient, en reconnaissant le rôle de pionnier joué par Christian Marclay dans ce domaine.

Depuis 1979, Marclay a repoussé les limites de l’utilisation des platines en tant qu’objets de création sonore. Plus près des principes de la musique concrète que de l’animation de planchers de danse, le travail de Marclay se concentre presque autant sur l’objet que sur le son. À plusieurs reprises, son travail d’artiste conceptuel a d’ailleurs croisé ses expérimentations sonores. Ainsi, lors d’une exposition à la galerie Shedhalle à Zurich, il avait recouvert le plancher de 3 500 copies d’un disque intitulé Foot Steps. Durant les six semaines qu’a duré l’installation, les visiteurs ont piétiné des disques sur lesquels se trouvaient des enregistrements de bruits de pas!

Dans le même ordre d’idées, son Record Without a Cover, paru en 1985, était, comme son nom l’indique, un vinyle vendu sans pochette, de sorte que les manipulations de l’auditeur en altéraient forcément la surface et le son. «Ma théorie est que le son enregistré est un son mort, c’est-à-dire qu’il a cessé d’être live, a-t-il déjà déclaré. Les vieux disques portent en eux la marque du temps passé, et on y sent une sorte de perte, la musique y est embaumée. J’essaie simplement de la ramener à la vie parle biais de ma démarche artistique.»

En 1989, lors de l’exposition Broken Music, le sillon de Marclay a croisé celui du Montréalais Martin Tétreault (l’expression est de ce dernier). Sans se connaître, les deux artistes partageaient plusieurs techniques, dont celle d’apposer sur les vinyles des petites pastilles autocollantes de manière à faire sauter volontairement l’aiguille. Les deux ont aussi été des pionniers de la technique «cut and paste» prise au sens littéral, en découpant plusieurs disques en pointes de tarte pour les recoller ensuite de façon aléatoire. Comme Tétreault, Marclay est aussi un improvisateur chevronné, qui a travaillé avec certains des plus grands noms de la scène new-yorkaise. Il fut, à un moment ou à un autre, un collaborateur de choix de plusieurs des invités de la présente édition du FIMAV, participant à certains des meilleurs albums de John Zorn (en concert le 21 mai, au Cinéma Laurier) dont Spillane, Cobra, The Big Gundown et plusieurs autres; il a échangé avec Elliott Sharp (en concert le 22, au Colisée) sur In the Land of the Yahoos; et enregistré un Live avec Günter Müller (qui jouera le 23, au cégep de Victo); et il prépare un album avec le turntablist nippon Otomo Yoshihide, qui jouera avec le groupe I.S.O. au Colisée, le 21 mai. Quant à son concert de cette semaine avec les guitaristes Thurston Moore et Lee Renaldo, connaissant le penchant radical des récents travaux de Moore et Renaldo en marge de Sonic Youth, on peut s’attendre à une symphonie bruitiste des plus stimulantes.

Le 24 mai à 20 h 30
Au Colisée des Bois-Francs
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