Musique

Nouveautés discographiques : Bonnes notes

Voici une sélection des meilleurs disques qui viennent d’atterrir sur les rayons. Haendel est en vedette et, surtout, les artistes québécois et canadiens.

Vivaldi, concertos pour cordes. Les Violons du Roy, dir. Bernard Labadie. (Dorian Recordings xCD-90255)
l’habitude de nous gâter avec leurs productions discographiques – qu’on pense aux enregistrements de cantates profanes de Jean-Sébastien Bach ou au disque consacré à la musique de ses fils. C’est encore le cas cette fois-ci, avec un enregistrement de concertos pour cordes de Vivaldi. On y retrouve neuf de ces ouvres qui furent souvent décriées à cause de leur aspect répétitif, Vivaldi ayant composé une quantité impressionnante de concertos. Les notes détaillées et intéressantes – bien qu’un peu trop techniques – rédigées par Kevin Bazzana cherchent à modifier cette perception défavorable, encore très répandue.

Musicalement, Les Violons du Roy nous aident d’autant plus à ressentir la diversité d’invention de ces concertos qu’ils donnent un relief étonnant à chacun des mouvements. Comme à l’accoutumée, Bernard Labadie insuffle vigueur et énergie à ses musiciens. Un souffle emporté traverse l’enregistrement d’un bout à l’autre, comme si chaque instrumentiste ressentait l’urgence de jouer cette musique. L’articulation, d’une grande rigueur, évite à tout moment l’empâtement romantique qui a trop souvent desservi le compositeur. Fougue et précision cohabitent donc dans cet enregistrement qui jouit, comme tous ceux de Dorian, d’une prise de son naturelle laissant s’épanouir les instruments. Chapeau également aux solistes, Nicole Trottier et Julie Triquet au violon, Carla Antoun au violoncelle.

Haendel. Andreas Scholl, Akademie für Alte Musik Berlin. (Harmonia Mundi HMC 901685)
Ce récent enregistrement de l’alto masculin Andreas Scholl et de l’Akademie für Alte Musik Berlin fait entendre des airs d’opéra célèbres ainsi que de la musique instrumentale de Haendel. La très belle sélection qui constitue ce disque n’est qu’une de ses nombreuses qualités. Cet ensemble berlinois de musique ancienne, jouant sur instruments d’époque, est parmi les plus renommés du genre. L’ampleur de son jeu, l’intelligence de ses phrasés, sa sonorité et le grain des instruments nous captivent immédiatement. Il en va de cet ensemble comme d’un chanteur: il respire. Quant à Andreas Scholl, un des nombreux artistes de grande renommée à avoir travaillé avec l’Akademie, il est presque parfait. Presque, parce que la perfection n’est pas de ce monde. Le jeune chanteur allemand – que l’on peut désigner comme contre-ténor ou comme alto masculin- maîtrise admirablement son art, à la fois techniquement et émotionnellement. La pureté de son timbre impressionne, tout comme le dosage qu’il réussit entre passion et retenue, émotion et pudeur. Un des plus beaux moments du disque reste l’aria Verdi prati, extrait d’Alcina.

Haendel. Karina Gauvin, Tafelmusik, dir. Jeanne Lamon. (Analekta fleurs de lys FL 2 3137)
Un autre disque Haendel paraissait récemment, cette fois avec des interprètes canadiens. On y trouve des extraits d’Agrippina et d’Alcina, que chante la soprano Karina Gauvin, accompagnée par l’ensemble torontois Tafelmusik, dirigé par Jeanne Lamon. De la musique instrumentale tirée des mêmes opéras complète le disque. En écoutant l’enregistrement de l’Akademie für Musik Berlin avec Andreas Scholl et celui de Tafelmusik avec Karina Gauvin, construits sur le même modèle, une conclusion s’impose: un chanteur, aussi doué soit-il, ne peut sauver entièrement un disque. En d’autres mots, la qualité de l’ensemble instrumental est primordiale si l’on veut apprécier à sa juste valeur la musique de Haendel. Toutefois, le problème de Tafelmusik n’est pas technique; il est musical. En regard de ce que l’on peut entendre aujourd’hui en musique baroque, l’ensemble manque singulièrement de vie, de souffle, de présence. La soprano montréalaise a beau se démener pour donner de l’intensité à son propos, les instruments ne la suivent pas sur ce terrain. La souplesse de sa voix, l’aisance qu’elle semble éprouver dans ce répertoire ne sont malheureusement pas suffisantes pour donner à la musique de Haendel ce tout-puissant relief, qui doit être soutenu par l’orchestre. Et l’ennui nous gagne, insidieusement.

Verdi et variations. I Musici de Montréal, dir. Yuli Turovsky. (Chandos CHAN 9662)
Énième disque d’I Musici sous étiquette Chandos, cet enregistrement nous présente plusieurs facettes de Verdi, sans la voix… On peut y entendre deux ouvres virtuoses pour soliste et ensemble, dans le genre connu du thème et variations sur des airs d’opéra. Dans la Fantaisie sur des airs de La Traviata, de Marc-Olivier Dupin – un premier enregistrement -, nous entendons un des gagnants du Concours international du Centre d’Arts d’Orford, le violoniste russe Alexander Trostriansky. Fougueux, avec une sonorité pleine et parfois agressive, Trostriansky est un musicien plus que prometteur. Dans le Grand concerto sur des thèmes des Vêpres siciliennes de Verdi d’Antonio Pasculli, le soliste est le hautboïste québécois Philippe Magnan, qui réussit une performance virtuose impressionnante dans une ouvre sans grand intérêt. Seul le Quatuor en mi mineur de Verdi – dans une version de Yuli Turovsky pour ensemble à cordes – nous permet d’entendre les véritables qualités du compositeur… et d’I Musici.