Musique

Live à Victo : FIMAV

Mais qu’est donc la musique actuelle? Chaque nouvelle édition du FIMAV ramène le débat sur le tapis, et cette seizième édition, qui s’achevait lundi soir, n’a rien fait pour clarifier les choses. Ainsi, la performance du saxo John Zorn, en compagnie du monument du free jazz Milford Graves, purement jouissive, au demeurant, n’aurait-elle pas charmé le public du FIJM? Le vieux Graves, habité par quelque esprit vaudou, délaissait souvent sa batterie pour crier, se rouler par terre, et sauter dans la foule en haranguant son partenaire de jeu, qui a fait preuve d’une certaine modestie en présence de tant de folie. Dans le même ordre d’idées, la prestation lumineuse de la chanteuse et violoniste tchèque Iva Bittova, qui a revu et corrigé le folklore est-européen de manière très ludique, n’aurait-elle pas fait la joie du Festival d’été de Québec? Vain débat, à mon avis: actuelles ou pas, ce sont des musiques stimulantes que l’on entend à Victo, et si Michel Levasseur ne faisait pas venir de tels artistes, nous ne les verrions probablement jamais.

D’ailleurs, la variété de styles présentés à Victo témoigne, selon moi, de la vitalité de ce Festival en constante évolution. La délégation nippone n’a pas failli aux attentes: le trio féminin Hoahio nous a charmé, avec un mélange d’électronique et de tradition (grâce à la présence du koto) aux accents pop. I.S.O., qui complétait le programme, était de loin plus ardu: contrastant avec le travail tout en subtilité du D.J. Otomo Yoshihide et du batteur Ichiraku Yoshimitsu, les fréquences manipulées par Sachiko M. atteignaient des sommets insupportables que l’on s’attendait plutôt à entendre chez Merzbow le lendemain. Déjouant les attentes, Merzbow n’a pas percé les tympans, mais a organisé le bruit avec une dextérité époustouflante. L’homme sait rendre élastiques le temps et l’espace en nous donnant l’impression d’entendre une explosion étalée sur une heure. Une démarche fascinante, appuyée par une solide montée dramatique, assez proche de la performance donnée par David Kristian, la veille.

Samedi soir, Elliott Sharp a déçu: son concert avec Terraplane, qu’on annonçait déconstructiviste, s’est embourbé dans un blues fusion des plus classiques. Quant à sa rencontre avec DJ Soulslinger, bien que plus stimulante, elle a parfois manqué de souffle. En fin de soirée, l’excellent duo britannique Spaceheads nous a rassurés sur la possibilité d’échanges entre musique improvisée et techno, avec sa trompette digitalisée et ses rythmes acoustiques. J’ai choisi la journée de dimanche pour me reposer et mal m’en prit, puisqu’on m’a affirmé que le concert endiablé du Peter Brotzmann Tentet aurait charmé même les plus allergiques au free jazz. Retour à Victo lundi, pour voir les Montréalais Godspeed You Black Emperor! qui ont réussi à attirer plus de cinq cents personnes. La symbiose entre ces neuf musiciens (tous des cordes, à l’exception des deux percussionnistes) est ahurissante: développant, sans partitions, de longues pièces enveloppantes bourrées de subtiles variations, ils font penser à diz-huit mains que dirigerait une seule tête.

Pour la suite, on attendait beaucoup de la rencontre entre les deux guitares de Sonic Youth et le manipulateur de vinyle Christian Marclay. Thurston Moore, plutôt absent, ne semblait jouer que pour lui-même, s’éloignant rarement de ses grincements caractéristiques. Lee Renaldo s’est fait plus aventureux, tissant d’intéressantes textures à l’aide de ses fils et de ses pédales de distorsion. Malheureusement, les deux comparses ne reconnaissaient pas toujours le rôle de leader de Marclay, dont le travail, on l’a dit, est très proche de celui de Martin Tétreault. Cette seizième édition s’achève sur une note amère, puisque le FIMAV doit composer avec un déficit de 25 000 $. Il serait dramatique qu’un tel événement doive disparaître faute de subventions. (Nicolas Tittley)

La Chanson de la semaine
The Chemical Brothers Hey Boy Hey Girl (Virgin/EMI)
Pour une deuxième semaine consécutive, ce premier extrait de Surrender, un des albums les plus attendus de l’été, nous ravit. Surtout lorsqu’on sait qu’ils seront fort probablement à Montréal en juillet. Une bonne chanson + la saison chaude: la chimie idéale… (Laurent Saulnier)