Dorothée Berryman : Faire ses classes
Musique

Dorothée Berryman : Faire ses classes

Le théâtre. La dramaturgie québécoise. Les pièces de Feydeau. Le Déclin de l’empire américain. La série Réseaux. Voilà un abrégé aussi sommaire qu’incomplet, de l’univers dans lequel Dorothée Berryman a frayé depuis vingt ans. Avec une telle expérience de la scène, faut-il s’étonner qu’elle se lance corps et âme dans une carrière parallèle de chanteuse de jazz; ce qui en fait, la cinquantaine bien entamée, une inespérée late bloomer? Bien sûr que oui. Vous saviez, vous, que Dorothée Berryman chantait? Moi, non.
Je suis allé voir l’actrice et son quartette jazz, mercredi dernier. Sans attente aucune. Et j’ai été agréablement surpris. Pas comblé, mais tout de même content de m’être déplacé dans l’intime salle du Saint-Sulpice, au quatrième. Pourtant, avec une terrasse arrière aussi grosse qu’un terrain de football et ses files d’attente notoires, le «Saint-Supplice», comme disent les habitués, n’a sûrement pas besoin de son Cabaret pour survivre.

«Quand j’ai décidé de faire une Woody Allen de moi-même (Allen est un fana de vieux jazz, il joue de la clarinette), j’ai voulu, comme le veut l’expression, "payer mon dû", donc faire mes classes modestement. Je ne voulais rien médiatiser de tout cela. Puis, avec l’aide des gens du Sofa, l’automne dernier, j’ai joué pendant quatorze semaines, jusqu’en février. Ce qui me motive, c’est de me retrouver avec des musiciens une fois par semaine, et de chanter pour le simple plaisir de le faire. J’ai toujours aimé ces chansons, j’ai grandi avec elles. J’ai été élevée en anglais par mon père, et je me souviens avoir vu Lena Horne au Ed Sullivan Show. J’ai aussi passé plusieurs années à New York, tout en visitant les boîtes et les cabarets. Les standards du jazz m’intéressent, point à la ligne. Je trouve les musiques mélodieuses et les textes sophistiqués. Moi, mon rôle, c’est d’être interprète. Il n’est pas dit qu’un jour je ne construirai pas un spectacle autour d’un thème.»
Le quartette de Berryman fait bien le boulot. Il faut voir Christian Lajoie à la batterie, caresser délicatement ses chaudrons, lui, le bluesman énergique que j’ai connu avec Kat Dyson. Et il y a le polyvalent Jean Cyr, à la contrebasse, un autre qui fraie avec le blues ces temps-ci, dans le groupe de Bob Walsh. Au piano, on retrouve Sylvain Daigneault, que je ne connaissais pas. Le répertoire est classique: Lena Horne, Cole Porter, Fats Waller, Gershwin, et même Monk! Les chansons, vous les connaissez: I’m Gonna Sit Right Down And Write Myself a Letter, You’d Be So Nice to Come Home to, etc. «Mais il y a plusieurs chansons moins typées, moins connues du répertoire», a voulu préciser Dorothée.

«J’ai autant le trac avant de chanter qu’avant de jouer au théâtre ou sur un plateau de tournage. Mais chanter, c’est davantage de responsabilités: le choix des musiques, les arrangements, les atmosphères, etc. Dans les deux cas, toutefois, tu recherches un moment de vérité. C’est certain que j’ai peur. Il m’arrive d’être en coulisses et de me demander pourquoi je fais ça.»

Dorothée Berryman a passé le premier test. Sa voix couvre des registres étonnants, sa présence et son sourire espiègle ne mentent pas. L’avenir nous dira si elle peut porter les deux chapeaux, comme l’ont fait Dutronc, Léveillée, Mitchell, Montand… et Clint Eastwood!

Le 16 juin
Au Cabaret du Saint-Sulpice
Voir calendrier Jazz, Blues, etc.