Musique

Prise de son : Faire tourner les tables

Le Festival International de Jazz de Montréal nous y avait préparés depuis quelques années avec ses séries de spectacles groovy aux Foufounes électriques, où l’on avait pu apprécier Bran Van 3000, Herbaliser, Federation, Nils Petter Molvaer, Purple Penguin, etc. Cette année, plus de niaisage: une série est consacrée uniquement au D.J.
Pas de live, pas d’instrumentation, rien de tout ça. Juste un gars, des tables tournantes et des disques de vinyle. Point à la ligne. Comme si, plutôt que de consacrer une série à la clarinette ou au violon, les programmateurs voulaient nous montrer que la table tournante est devenue un réel instrument.

Pourtant, de Joe Clausell à Amon Tobin, en passant par Carl Craig et Frédéric Galliano, les D.J. sont aussi différents les uns des autres que le sont les contrebassistes ou le clarinettistes. Joe Clausell, par exemple, se l’est jouée club. Il semblait n’avoir qu’une seule idée en tête: faire danser les gens. Et il a réussi avec un son très New York, plein de basses vrombissantes et de grooves tendance soul sale.

Trois nuits plus tard, toujours au Savoy, l’ambiance est fort différente lorsque le D.J. d’origine brésilienne Amon Tobin fait tourner ses vinyles. On a ici affaire à une musique intelligente, exigeante, où les pistes rythmiques se multiplient, les beats se superposent, et les trames musicales se chevauchent. Lorsque j’étais adolescent, on dansait sur du King Crimson. Aujourd’hui, le même genre de personnes dansent sur les mix savants d’Amon Tobin.

Entre les deux, tel qu’on aurait pu le prévoir, Carl Craig a joué à la superstar: avant de faire lui-même un court (mais brillant) set de moins d’une heure, on l’a vu, dans le cubicule du D.J., choisir les disques que son assistant devait mixer! La méthode de fonctionnement n’était pas très orthodoxe, le résultat n’a pas été extraordinaire non plus: un bon D.J. ne se contente quand même pas d’enchaîner les vinyles…

Le meilleur, dans cette première tranche de la série DJ 1999, a certainement été Frédéric Galliano, français d’origine, qui nous a servi un set très varié, dynamique, riche, entre world, soul, funk et un peu d’électronique. Un set beaucoup plus énergique que ce que j’avais entendu au dernier Printemps de Bourges. Galliano était dans un club, le sentait bien, et s’est adapté à la situation. J’ai l’impression qu’on le reverra assez rapidement celui-là…

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J’avais, avant même qu’elle monte sur scène, un préjugé très favorable à l’égard de Natacha Atlas, qui était au Spectrum, samedi dernier. Et, il faut bien le dire, la première partie du spectacle fut loin d’être à la hauteur, malgré la qualité générale de la musique, mélange d’intrumentation traditionnelle moyen-orientale et de technologie récente. Si la voix de la chanteuse de Transglobal Underground n’a jamais été remise en cause, on ne peut en dire autant de son attitude: au mieux, elle n’avait pas l’air de s’amuser; au pire, elle s’ennuyait mortellement.

Au début de la deuxième partie, les choses se sont replacées: on a vu Natacha Atlas sourire, et même esquisser quelques pas de danse. Bref, plus le spectacle avançait, plus celle qui voudrait être Oum Kalsoum à la place d’Oum Kalsoum s’emballait…

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Mais c’était trop peu, trop tard. 23 h sonnaient, et il me fallait aller jeter un oil sur Lulu Hughes, qui chantait à l’extérieur, et que j’avais vraiment envie de voir avant qu’elle ne s’envole pour Paris, où elle sera Marie-Jeanne dans Starmania, pendant plusieurs longs mois.

Si Natacha Atlas s’avérait peu démonstrative, Lulu, elle, exultait le bonheur. Son spectacle, qu’elle aurait pu intituler The Lulu Hughes rhythm’n’blues review, composé en grande partie de reprises de classiques du genre, faisait un bien fou à voir. Enfin un groupe complet (et ils étaient neuf, dont le fidèle Dan Georgesco à la guitare!) qui s’amuse sur scène et qui n’a pas peur de le montrer.

Mais, par-dessus tout ça, ce qui frappe et étonne encore aujourd’hui, c’est la qualité indéniable de la voix de Lulu Hughes. Non seulement elle est dotée d’une véritable richesse et d’une profondeur inouïe, mais elle a un vrai groove naturel qui fait qu’elle peut rivaliser avec n’importe quelle chanteuse du moment.
Si au mojns elle nous avait chanté davantage de ses compositions, nous aurions apprécié plus encore…

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Jeudi dernier, au Métropolis, grosse soirée de blues avec (par odre d’apparition sur scène) Steve Hill, Jimmie Vaughn et Buddy Guy. Prédiction: dans très peu de temps, Steve Hill sera en tête d’affiche de ce genre de soirées. Au moins, on vous aura prévenus…