Ben Lee : Le péril jeune
Musique

Ben Lee : Le péril jeune

Cet Australien de vingt ans chante, écrit et compose comme s’il en avait le double. Il a déjà quatre albums à son actif, est encensé par à peu près tous les critiques rock, et compte Sonic Youth et les Beastie Boys parmi ses fans. Entrevue avec un jeune prodige qui n’a rien de l’étoile filante.

De tout temps, les jeunes prodiges musicaux ont suscité une certaine fascination. Attention, on ne parle pas ici des boys bands qui accrochent plus par leur côté bubble-gum que par leurs capacités créatrices, mais bien des véritables prodiges: ceux qui, à l’adolescence, écrivent et chantent avec le talent et la maturité d’un adulte. L’Australien Ben Lee fut l’un de ceux-là. À treize ans, en 1993, il décrochait un premier contrat de disque avec son groupe Noise Addict; par la suite, des pointures telles que Thurston Moore de Sonic Youth et Mike D des Beastie Boys se sont intéressées à lui. C’est d’ailleurs sur le label de ce dernier (Grand Royal) qu’il enregistra ses trois albums solos: Grandpaw Would (1995), Something To Remember Me By (1997), et son dernier, Breathing Tornados, lancé il y a quelques mois. Trois albums pop teintés de folk et de rock qui firent s’incliner plus d’un critique musical, certains le consacrant même «meilleur auteur-compositeur australien de tous les temps»! Rien de moins!

«Pendant un certain temps, j’ai peut-être cru un peu trop à tous ces compliments, raconte Lee, maintenant un Américain d’adoption, à l’autre bout du fil. Mais maintenant, j’essaie de ne plus y penser du tout. Je crois que c’est très important de ne pas tout lire ce que l’on peut dire sur moi, ou de ne pas faire de recherche sur Internet en tapant mon nom. Il ne faut pas être trop conscient de l’idée de soi que se font les gens. Il en résulte une trop grande pression de continuer à leur plaire.» Est-ce la raison qui l’a poussé à quitter Sydney? Pour se débarrasser de la pression du regard de ses pairs? Il semble que non: «L’endroit où je suis n’a pas vraiment d’influence sur ma création car tout se passe au niveau de l’imagination. De plus, comme je suis constamment en tournée, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour vivre réellement ma vie d’Américain. Si je suis déménagé ici, c’est que j’avais besoin de vivre de nouvelles expériences. Et je me suis rendu compte que pour trouver un peu d’espoir et d’énergie positive, il vaut mieux aller là où il y a davantage d’aspects négatifs.»

Effectivement, avant d’être un album «américain», Breathing Tornadoes est surtout un album d’appartement. C’est dans un appart de Los Angeles que Ben et le réalisateur Ed Buller (Suede, Pulp, Spiritualized) se sont retrouvés pour enregistrer des chansons directement sur un ordinateur. Une technique choisie d’abord et avant tout pour sa maniabilité: «Les machines ne sont que des outils de création. Elles m’ont permis de sauver beaucoup d’argent au niveau de la production et donc de passer plus de temps à peaufiner mes chansons. Et si la musique que l’on fait avec des machines manque de sensibilité ou de chaleur, c’est que celui qui l’a faite en manquait. Parce que trop souvent, les gens ont peur d’innover et essaient plutôt d’imiter leurs héros.»

Et les héros de Ben Lee, qui sont-ils? «Les artistes qui changent de registre seulement parce que les gens s’y attendent ne m’intéressent pas. Par contre, ceux qui sont téméraires et qui essaient constamment de trouver de nouvelles chaussures à leur pied me stimulent beaucoup plus. Un artiste intéressant devrait être comme un bon leader: avoir une longueur d’avance sur les autres. Quant à moi, j’ai quelques tours de retard, mais j’y travaille…», ajoute-t-il, souffrant probablement d’une petite montée d’humilité.

«Quand j’écris des chansons, conclut-il, elles ont trois fonctions: elles doivent me soulager de quelque chose; semer la confusion dans l’esprit de l’auditeur; et faire la promotion de la crème glacée… Si une seule personne, grâce à mes chansons, développait un amour de la crème glacée, ce serait déjà un pas dans la bonne direction pour l’humanité…»

Le 28 juillet
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