Hervé Niquet : Gamme complète
Musique

Hervé Niquet : Gamme complète

Chef d’orchestre et compositeur, le Français HERVÉ NIQUET est aussi claveciniste, et il jouera en duo avec Luc Beauséjour, au Festival international de Lanaudière.

Hervé Niquet est de ces musiciens qui transcendent les genres, les époques. Claveciniste, chef, compositeur, il dirige depuis 1988 Le Concert Spirituel, ensemble vocal et instrumental à la discographie impressionnante, qui se consacre entre autres à faire mieux connaître les grands motets français des XVIIe et XVIIIe siècles.

Pourtant, ses débuts ne le destinaient pas à la musique baroque. À 21 ans, il occupe le poste de chef de chant à l’Opéra National de Paris, accompagnant au piano les plus grands chanteurs de notre époque. En 1985, pour la réouverture du Ballet de Monte-Carlo, il compose, à la demande de la princesse Caroline de Monaco, un ballet pour orchestre inspiré du roman de Stefan Zweig Vingt-Quatre Heures de la vie d’une femme. Il côtoie les grands danseurs, Serge Lifar et compagnie, qui lui parlent de Milhaud, de Poulenc, de Satie. Il travaille Ravel avec des partitions annotées par le compositeur. Aujourd’hui, il est un des piliers de la musique baroque française. Avec ceci de particulier que Schumann ou Schubert lui sont aussi familiers que Rameau ou Boismortier. Joint à son domicile à Paris, il nous a parlé de son regret d’avoir délaissé le piano, mais aussi de son plaisir de venir jouer du clavecin au Québec, le 29 juillet prochain.

«La direction prend de plus en plus de place dans ma vie et c’est ce qui m’intéresse le plus, confie Niquet. Je dirige maintenant Mozart, Haydn, Beethoven. J’ai même fait un disque Chabrier qui va sortir bientôt. C’est un peu un retour aux sources, à mes années de jeunesse. Mais je suis quand même triste d’avoir laissé tomber le piano et je suis heureux quand je peux me mettre au clavier. Le clavecin, c’est un peu mon jardin secret. Je n’ai pas beaucoup le temps d’en jouer ici et quand je le fais, c’est avec mes enfants, ou alors au continuo avec mon orchestre. Je dois dire que je suis assez ravi de pouvoir jouer ailleurs qu’en Europe, parce que chez vous, c’est un peu une terre vierge, les clavecinistes ne sont pas très nombreux. Ici, tout le monde se connaît, c’est très dur.»

Musique d’origine
C’est la venue d’Hervé Niquet, l’hiver dernier, à la tête de l’Ensemble Arion qui a permis ce retour estival au Québec, dans le cadre du Festival international de Lanaudière. Faisant part à la directrice artistique d’Arion, Claire Guimond, de son désir de faire quelque chose de différent, celle-ci lui suggère de rencontrer le claveciniste Luc Beauséjour. Suite à leur rencontre, les musiciens passent deux jours à travailler au clavier. «Nous nous sommes vraiment bien entendus, ça a marché tout de suite, témoigne Niquet. Du coup, Analekta, qui avait entendu parler de notre association, puisque nous avions planifié plusieurs concerts pour la saison 1999-2000, a voulu qu’on enregistre un disque. Le concert à Lanaudière et l’enregistrement se sont organisés très tard mais très bien, comme tout ce qui se fait en Amérique!»

La vision qu’a Hervé Niquet de la musique est très vivante. Il parle de ses expériences, rapporte des anecdotes, trouve suspecte la spécialisation tellement à la mode ces années-ci. «Quand j’ai monté Vingt-Quatre Heures de la vie d’une femme, se souvient le musicien, j’ai répété sur le piano que Stravinsky utilisait pour répéter avec Diaghilev à Monte-Carlo. Satie s’en est servi, Milhaud aussi. C’est ça, la musicologie, l’histoire!»

Son approche du deux clavecins est tributaire de cette vision rien moins que poussiéreuse. «C’est une approche orchestrale, qui est le propre de la musique de chambre de l’époque baroque, où on n’a pas Internet, ni la radio, ni de chaîne hi-fi. La musique, il faut la faire soi-même. La moindre partition, on la joue, qu’il s’agisse d’opéra ou de musique de chambre, même si on n’a qu’une flûte et un clavecin.»

Le répertoire que joueront Luc Beauséjour et Hervé Niquet à Lanaudière est donc constitué d’ouvres de musique de chambre pas du tout écrites pour deux clavecins. Bach, Dieupart, Duphly, Leclair, Boismortier sont au programme. Des transcriptions, alors? «En fait, nous prenons la partition et nous la jouons selon les préceptes du temps, directement. Évidemment, il faut connaître un peu la technique», précise Niquet. Le concert sera suivi d’un disque sous étiquette Analekta, et les deux comparses préparent pour le mois de mai 2000 plusieurs concerts. Nous pourrons les entendre dans la série de récitals de Luc Beauséjour donnés à la Chapelle de l’église Saint-Jean-Baptiste, ainsi que dans des concerts à Ottawa et à Toronto. Une association que l’on souhaite des plus fructueuses.y

Le jeudi 29 juillet
À l’église Saint-Alphonse-de-Rodriguez, 20 h
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