Live à Montréal : Muzion
Musique

Live à Montréal : Muzion

Le 1er août, au Spectrum
Lorsqu’on avait choisi la formation hip-hop Muzion pour nos Nouveaux Visages, au printemps 1998, il faut bien l’avouer, on était assez sûr de notre coup. Un travail de fond avait été effectué dans l’underground, et chaque fois qu’on voyait les M.C. Impossible, Dramatik et J.Kyll et la chanteuse LD-One à l’ouvre, on constatait qu’ils gravissaient les échelons du professionnalisme à une vitesse étonnante.

Dimanche dernier, ils sont montés sur la scène du Spectrum, après une performance énergique mais tout de même un peu linéaire du duo français Ärsenik, gonflés à bloc par l’accueil unanimement positif réservé à leur superbe album Mentalité Moune Morne (Ils n’ont pas compris). Le spectacle a débuté par une mise en scène vaguement inspirée de Public Enemy (projecteurs de poursuite, bruit d’hélicoptère, chorégraphie de supporteurs sur scène), pour ensuite se poursuivre dans la plus pure tradition hip-hop: trois M.C. interagissant de façon particulièrement fluide, un D.J. scratchant sobrement, sans surenchère, et une chanteuse r’n’b sachant être efficace au bon moment et plus discrète quand il le faut.

Mais ce qui frappait surtout, c’était l’aisance avec laquelle Muzion enchaînait ses pièces pourtant très diversifiées sur le plan musical, et la facilité des membres du groupe à communiquer avec un public qui réagissait à chacun des morceaux de l’album qu’il avait, de toute évidence, parfaitement assimilé. Que ce soit lors de Rien à perdre, Tel père, tel vice (une chanson sur l’inceste interprétée de façon très émouvante par J.Kyll avec le chanteur r’n’b Corneille), Lounge With Us (le prochain single audacieux) ou le futur hit assuré La Vie ti-neg (un hymne rassembleur à l’accent haïtien tout simplement irrésistible), on a eu l’assurance que Muzion avait résolument tout compris. (Eric Parazelli)

La Caravane Hip-Hop
Le 30 juillet, au Métropolis
Les chiens auront beau aboyer que le rap francophone n’est qu’une mode éphémère, ça n’a pas empêché la Caravane Hip-Hop de passer en trombe dans un Métropolis plein à ras bord, vendredi dernier. En ouverture de cette rencontre franco-québécoise, on a eu droit à quelques gouttes du duo parisien Ärsenik, juste ce qu’il fallait pour nous donner l’envie d’aller les voir au Spectrum, le surlendemain. La soirée s’annonçait chaude jusqu’à ce que les Montréalais de Rainmen jettent une douche froide sur l’auditoire, boudant leur seul hit (Pas d’chilling), au profit d’un interminable cafouillage improvisé. On admettra que les Rainmen ont fait du chemin (ils ne se regardent plus les pieds), mais c’est pas parce qu’on appelle ça freestyle qu’on peut faire n’importe quoi, les mecs. Pour des raisons qui demeurent obscures, le groupe de Québec La Constellation n’a pas mis les pieds sur la scène du Métropolis. À en croire certains spectateurs sectaires, ce fut une bonne chose. Passons. On attendait beaucoup de Sans Pression, la plus hardcore des formations montréalaises, et les gars n’ont pas déçu avec un set aussi enfumé qu’enlevant. On n’a pas pigé grand-chose à la musique, carrément enterrée sous les vociférations des M.C., mais le joyeux bordel qui régnait sur scène s’est vite transmis à la foule. Pas chiches, Ti-Kid et son comparse SP ont laissé la place à leur pote Yvon Crevé, qui nous a gratifiés d’un de ses propres morceaux. Le public, jusqu’alors assez enthousiaste, malgré les insupportables interventions du jeune maître de cérémonie de la soirée, a carrément explosé lorsque la Fonky Family a mis le pied sur scène. Le groupe de Marseille, qui fut le seul de la soirée à bénéficier d’une sono adéquate, n’a pas tardé à nous mettre le feu avec ses grooves imparables. S’il vous fallait une preuve de la santé du hip-hop franco, c’est au Métropolis qu’elle se trouvait. (Nicolas Tittley)

Roger Waters
Le 31 juillet, au Centre Molson
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Roger Waters a su garder le mystère autour de ce retour inespéré. La halte montréalaise (à guichets fermés) était le septième concert seulement de la tournée. Les attentes demeurent toujours élevées quand il s’agit de celui qui, rappelons-le, a cofondé Pink Floyd en 1966, avec Syd Barrett, dont le visage est apparu à plusieurs occasions sur l’immense écran derrière la scène pendant la chanson Shine On You Crazy Diamond. Anachronisme troublant.

Waters a apposé son nom au bas des meilleures chansons de Pink Floyd, et il n’a pas perdu de temps à le prouver avec trois pièces de The Wall, dont la version intégrale de Another Brick in the Wall. En toile de fond, a défilé tout au long de la grande messe un fondu enchaîné de l’absurde: un squelette habillé en mariachi, une grosse madame nue et une bagnole rouge flottant dans l’espace… Le seul irritant de ce modeste visuel fut le fameux mur, projeté dans un immobilisme bête telle une diapositive. Faible.

Pour le reste, surtout la divine deuxième partie, ce fut une très grande soirée. Oui, le maître d’ouvre a largué son matos des albums Amused to Death et Radio Kaos, mais sans en abuser. Les grappes d’enceintes acoustiques réparties dans l’amphithéâtre ont permis la célèbre quadraphonie floydienne: Animals, Wish You Were Here (fallait entendre la foule chanter: «So, so you think you can tell…»), Welcome to the Machine… Puis l’état de grâce: Time, Eclipse, Money, Breathe, chantées dans l’esprit de David Gilmour par le Texan Doyle Bramhall III, la grande révélation à la guitare de la soirée. Un seul rappel: Comfortably Numb. Waters a fait le pari de présenter un show nettement moins spectaculaire visuellement que ceux de Pink Floyd. Une sobriété de singer-songwriter acceptée ipso facto par les fidèles. Des nouvelles chansons maintenant? (Claude Côté)

La chanson de la semaine
Moby Run On (V2/BMG)
Premier extrait du nouveau Moby, Run On en est la quintessence: vieux échantillonnages, groove irrésistible, scratchs judicieusement placés, mélange audacieux et réussi de l’ancien et du moderne. On commence à avoir hâte d’entendre ça live… (Laurent Saulnier)