Musique

Prise de son : Folie très douce

On peut aisément dire que le premier week-end des onzièmes FrancoFolies montréalaises a bien rempli sa mission. Artistiquement, les chanteuses et chanteurs établis ont assuré à plein; et même mieux que l’on s’y attendait. Des exemples?

Il est très périlleux de monter un show comme Belle et rebelles, qui réunissait, sur la scène du Saint-Denis, vendredi dernier, Diane Dufresne, Claude Dubois et Kevin Parent: trois ego forts, trois artistes intègres, qui n’ont pas grand-chose en commun et qui ne veulent surtout pas perdre la face devant deux mille personnes. Pourtant, malgré l’inévitable peu de temps consacré aux répétitions, malgré l’amalgame bizarre que cette réunion peut représenter, il faut bien l’avouer, l’émotion, la vraie, était réellement au rendez-vous.
On retiendra longtemps dans nos mémoires le sourire indécrochable de Kevin Parent pendant le numéro d’ouverture, alors que les trois interprétaient Artistes de Dubois. On retiendra deux duos magnifiques: Femme de société avec Dubois et Parent, et l’inusable Duodadieu (composé par Serge Fiori) avec Dubois et Dufresne. On retiendra les interprétations magnifiques de Dufresne, alors qu’elle était accompagnée au piano par André Gagnon. Et celle, magistrale, en trio, de Pour un ami condamné (n’est-ce pas, Constance?)…

Une soirée d’ouverture placée sous le signe de l’émotion, c’est toujours de bon augure pour la suite des choses…

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Parmi les talents confirmés – mais, dans son cas, c’est tout de même très récent -, il faut souligner la très bonne tenue de la première des deux «Carte blanche» consacrées à Isabelle Boulay. De nombreux invités: Claude Léveillée (la plus grosse ovation), France D’Amour (le meilleur moment de la soirée avec Tombée de toi), Jim Corcoran (en deuxième position avec une superbe interprétation en duo de Perdus dans le même décor), NoDéjà, Michel Rivard, Dan Bigras, M. Pointu (sait-il qu’un violon, ça s’accorde?), et même Normand Brathwaite qui est venu toucher les percussions pendant Couleur café, un classique de Gainsbourg.

Au-delà de la qualité des invités, ce qu’il faut retenir, c’est la performance d’Isabelle Boulay, interprète de grand talent, et dont la personnalité s’ajuste aussi bien à des classiques à la Amsterdam qu’à des chansons plus rythmées et récentes à la Tandem, popularisée par Vanessa Paradis. Si la chanteuse gaspésienne parvient à bien rendre ces chansons, sa plus grande réussite reste néanmoins d’avoir monté, avec son deuxième album, États d’amour, un répertoire aussi solide qu’efficace. On ne s’est toujours pas lassé d’entendre des chansons comme Les Yeux au ciel, Je t’oublierai, je t’oublierai, Le Saule ou Le Banc des délaissés. Vivement un nouveau disque!

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De Stephan Eicher, qui était au Spectrum samedi en début de soirée, honnêtement, on ne s’attendait plus à rien. Son dernier concert au Spectrum n’avait pas été très bon, son album 1000 Vies, pas plus réussi. On a recommencé à espérer à l’écoute de Louanges, son plus récent compact, mais, franchement, on n’osait pas trop avoir de grandes attentes face au nouveau spectacle.

Erreur. Samedi, on a retrouvé le Eicher que l’on chérissait il y a plusieurs années. Un Eicher qui a du plaisir à être sur scène avec ses musiciens (dont le guitariste Bill Dillon et son fidèle claviériste Achim Meier). Le show s’amorce d’ailleurs avec le chanteur suisse seul en scène, puis, un à un, les musiciens viennent le rejoindre au centre de la scène pour une trentaine de minutes acoustiques vraiment magnifiques. Ce n’est que lorsque le spectacle devient rock et électrique que l’on reconnaît la «recette» Stephan Eicher avec les breaks aux bons moments pour accentuer la tension, avec les retours en force des guitares électriques, avec la voix qui tente désespérément de s’élever au-dessus de cette fusion des sons. Déçu qu’il n’ait pas interprété Pas d’ami (comme toi), j’attends désormais son retour sur une scène montréalaise.

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Quelques notes en vrac…

M, au Spectrum, fut éblouissant de spontanéité et de rigueur. On devrait le revoir rapido, celui-là.
Lili Fatale, également au Spectrum, a été déprimant. Voilà un groupe qui a tout eu tout cuit dans le bec et qui est fondamentalement paresseux.

PierPolJak, à l’extérieur, a amorcé son show de façon bancale (effet de l’herbe locale?). Heureusement, il s’est bien repris par la suite et la finale fut presque à la hauteur de mes attentes.

Natali Lorio, qui chantait également à l’extérieur, a beaucoup fréquenté l’école Tina Turner. Si elle avait des musiciens à sa hauteur, elle ferait beaucoup mieux.

Les Mauvais Quarts d’heure semblent avoir repris du poil de la bête. Moins grunge qu’avant, le trio montréalais explore des avenues plus arabisantes. Aurait-on subitement hâte au prochain album?
Tryo, quartette français qui donne dans le reggae acoustique, n’est résolument pas pour moi. En fait, on a la drôle d’impression qu’il s’agit de chansons pour enfants en camp de vacances. Désolé, j’ai passé l’âge…