Derrick Morgan : Ska fait là
Musique

Derrick Morgan : Ska fait là

«En 1959, Monty Morris et moi vivions dans la même yard. Un jour, nous avons décidé de participer au Vere Johns Opportunity Hour (un concours amateur populaire, qui avait lieu tous les mardis, au Palace Theatre, entre les deux films principaux), et j’ai remporté le premier prix avec mon imitation de Little Richard! Bim & Bam, le duo de comédiens le plus populaire de l’époque, m’offrirent de tourner avec eux, et, quelques mois plus tard, j’enregistrais Lover Boy (rebaptisée S-Corner Rock) pour Duke Reid. C’est ainsi que j’ai débuté», résume Derrick Morgan, le roi du ska, de sa résidence de Miami.

Au tournant des années soixante, celui que les musiciens surnommaient One Drop (parce qu’il réussissait presque toujours sa première prise de son) se retrouva en tête du palmarès… avec les sept premières positions, record jusqu’ici inégalé. «Il n’y avait quand même pas de quoi s’énerver… On faisait le métier par amour de la musique: on était payés dix livres la chanson, succès ou pas, et les disques se vendaient beaucoup plus à cette époque-là, rappelle-t-il. Après le succès incroyable de Housewive’s Choice à la radio, j’enregistrais pour n’importe quel producteur: Reid, Little Wonder, Beverley’s, Buster; et ils sortaient toutes ces chansons en même temps!»

Ce qui alimenta grandement son répertoire pendant quelques mois fut sa querelle publique avec Prince Buster, qui l’accusa, dans la chanson Blackhead Chinaman, de s’acoquiner avec l’ennemi (Leslie Kong, le producteur asiatique de Beverley’s Records). Les deux anciens partenaires – Derrick Morgan prétend qu’il n’y a jamais eu de véritable froid entre eux, que c’était une guerre strictement musicale – s’invectivaient par le biais de chaque nouvelle parution (Blazing Fire, No Raise No Praise; le musicien en a même oublié quelques-unes), au grand plaisir de leurs fans respectifs, jusqu’à ce que la situation réclame une trêve médiatisée.

Puis, quand la rage ska s’estompa et fit place au mouvement rocksteady et ses histoires de rude boys, notre homme enregistra, toujours avec Kong, une trilogie célèbre composée de Tougher Than Tough, Retrial of Rudie et Judge Dread in Court. Il se démarquait moins de ces crooners nouveau genre, mais connut quand même un succès considérable avec Greedy Girl, en 1967. Tout en s’adonnant à la réalisation pour, entre autres, Max Romeo (Let the Power Fall For I), Lloyd and Devon (Red Bum Ball), et pour lui-même (Conquering Ruler), il travailla jusqu’à la fin des années soixante-dix avec Bunny Striker Lee, son beau-frère et illustre producteur de nombreux artistes roots-rockers de l’époque, tels que Horace Andy, Johnnie Clarke et Linvall Thompson.

Mais Derrick Morgan accorde la palme de la loyauté à son public britannique, particulièrement les skinheads qui l’ont pour ainsi dire canonisé à la fin des années soixante-dix – pas évident, considérant leurs dispositions raciales – en adaptant son Moonhop Stomp en hymne skin international. «Je n’ai jamais su, avant d’avoir affaire à eux, que certains de ces jeunes étaient racistes. Je ne peux l’expliquer, mais ils adoraient me voir!» Même chose en Allemagne: la petite histoire veut que son public skinhead entonna «Derrick Morgan is God» à l’un de ses concerts!

Le 21 août
Au Café Campus
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