Richie Hawtin : L'homme et la machine
Musique

Richie Hawtin : L’homme et la machine

Demandez à n’importe quel technohead qui se respecte, le Canadien d’origine britannique Richie Hawtin, également connu sous le nom de Plastikman (créateur des albums Sheet One, Musik, Artifakts et Consumed), n’est rien de moins qu’un des créateurs de musique électronique parmi les plus influents de ces dernières années. C’est en grande partie à lui que l’on doit l’invasion du son de Detroit en territoire européen au début des années 90. Les quelques kilomètre séparant Detroit de sa ville d’adoption Windsor ont facilité ses relations avec les pointures que sont Underground Resistance, Kenny Larkin ou Stacey Pullen.

Avec presque dix ans de bagage en création électronique, on peut imaginer que les machines n’ont plus de secrets pour lui. Dans une entrevue donnée à un magazine français, il avouait même qu’à ses yeux, les machines étaient devenues transparentes. À l’autre bout du fil, à la veille d’un départ pour le Japon, il précise: «Ça arrive après une certaine période de temps, lorsqu’on sait exactement ce que l’on peut faire avec cette machine ou ce qu’elle a à nous offrir. Ça peut nécessitr quelques heures ou quelques années… C’est lorsqu’on parvient à un stade où l’on sait comment l’utiliser tout en l’empêchant de nous utiliser à son tour. Et parfois, quand la machine ne peut accomplir quelque chose que l’on a en tête, ça nous permet d’aller vers des territoires insoupçonnés, et donc d’évoluer. C’est comme être obligé de tourner à droite ou à gauche alors qu’on avait prévu de continuer tout droit. C’est plonger dans l’inconnu. Et moi, ça me permet de mieux transmettre mes émotions aux machines.»

Sa présence au Sona, le 3 septembre (de 5 h à 8 h du matin! Eh oui…), dans le cadre du Cream, nous permettra de goûter, en avant-première, à son prochain album, un CD mixé intitulé Decks EFX & 909. Un CD mixé? Enfin, pas tout à fait… Il faut s’attendre à tout de la part de Richie Hawtin, sauf de le voir faire les choses comme tout le monde: «C’est plus qu’un CD mixé; ce sont mes disques et ceux des autres auxquels j’ajoute des effets et des instrumentations live pour accoucher de quelque chose de complètement différent. Il n’y a pas de grands concepts derrière ce disque; j’ai simplement essayé de capter sur un CD l’esprit de mes performances devant public. Mais il ne s’agit pas non plus d’un album live… Je ne crois pas qu’on puisse revivre ces moments magiques que l’on ne ressent que sur la piste de danse. Alors j’ai utilisé le même équipement, mais j’ai tout enregistré dans mon studio, pour faire en sorte qu’il s’agisse d’une expérience particulière à ce CD.» Pour appuyer ce projet, il ajoutera donc à ses platines quelques machines qui donneront une expérience à mi-chemin entre le set de D.J. et la performance live.

Et ne comptez pas sur Richie Hawtin pour s’asseoir sur ses lauriers. Il semble qu’au lieu de le rendre blasé, ses années d’expérience, autant en production qu’en tant que D.J., l’ont plutôt convaincu que la musique électronique est le support parfait pour se placer en position de constante évolution. «La musique électronique recèle plus de possibilités que n’importe quelle autre forme musicale actuelle. C’est dans sa nature de défricher de nouveaux territoires et d’innover. Et, chaque fois qu’on a l’impression d’en avoir fait le tour, il y a une espèce de fou qui invente une nouvelle machine qui pave tout à coup la voie à de nouvelles possibilités! C’est une musique intimement liée à la technologie et je ne vois pas de fin à son évolution… ni à la mienne par la même occasion!»

Quant au statut de star que l’on réserve de plus en plus aux D.J., Hawtin ne s’en fait pas outre mesure. Après tout, quand le public aime passionnément, qui peut l’en dissuader?

«J’ai vécu cette période un peu étrange d’idolâtrie il y a quelques années avec mon projet Plastikman. Mais je comprends ce besoin qu’ont les gens de mettre certaines personnes sur un piédestal. Je n’ai rien contre ça, même si je ne l’encourage pas… À partir du moment où ça ne m’empêche pas de demeurer créatif ni d’aller dans la direction que j’ai choisie, je peux vivre avec. Lorsque je suis parti d’Angleterre pour m’installer au Canada, je savais que la terre était grande, mais je ne savais pas apprécier sa dimension réelle. Maintenant je l’apprécie, mais je m’aperçois qu’elle peut aussi être très petite. Quand on comprend ça, ça change nécessairement notre vision des choses. Je sais mieux qu’il y a dix ans comment arriver plus directement aux buts que je me suis fixés. Et, pour ça, il faut à la fois faire abstraction et se nourrir de ce qui nous entoure.»

Le 3 septembre
Au Sona
Voir calendrier D.J.