Musique

Cibo Matto : Rire jaune

Il se passe actuellement quelque chose d’intéressant en Amérique, un pays que l’on accuse souvent de protectionnisme culturel. De la pop française à la bossa brésilienne, les States découvrent les vertus de l’exotisme, ce qui explique peut-être le succès grandissant d’artistes japonais, depuis longtemps habitués à ces références culturelles. Avec Cibo Matto, un duo d’expatriées nipponnes établies à Manhattan, l’Amérique a découvert le parfait mélange de bossa nova, de hip-hop, de funk et de hard-rock dont les Nippons semblent avoir le secret.

Mais toute japonaise qu’elle soit, la chanteuse Miho Hatori se considère avant tout comme une fille de New York, sa ville d’adoption depuis le début des années 90. Et si elle ne maîtrise pas encore la parlure «noo yaawk», ce n’est qu’une question de temps, comme en témoigne l’évolution saisissante de son chant sur le récent Sterotype A. «Mon anglais n’est pas encore parfait, mais je pense que je maîtrise la langue beaucoup mieux que lorsqu’on a fait Viva! La Woman, explique Miho. J’arrive maintenant à écrire des textes qui reflètent mieux mes sentiments, et je prononce de mieux en mieux; mais, à force de me promener en tournée, je risque d’avoir un mélange d’accents du Texas, de Géorgie et de Boston!»

Lorsqu’on lui suggère que c’est dans le son et les textes de Stereotype A que l’on sent le plus l’esprit de la Grosse Pomme, Miho s’extasie: «Tu crois? Ça, c’est vraiment cool! Je pense que le fait d’enregistrer à New York a sûrement aidé. Lorsqu’on a fait Viva! La Woman, on était à L.A., et c’était assez déstabilisant. On ne connaissait pas la ville, tandis qu’à New York, on est dans notre élément: on connaît les bons restaurants, on sait où sortir, et il y a toujours des amis qui viennent nous dire bonjour.»

Parlant d’amis, la liste des collaborateurs de Stereotype A a de quoi impressionner: de John Medeski à Marc Ribot, en passant par Sebastian Steinberg de Soul Coughing, ou encore Smokey Hormel, guitariste de Beck, c’est une véritable équipe toute étoile qui s’est pointée en studio pour donner un coup de main au groupe. «Ce sont tous des esprits libres, capables de se glisser dans n’importe quelle situation, mais ce sont avant tout des amis, explique Miho. On est très à l’aise avec ces échanges, surtout que le groupe s’est beaucoup modifié, avec les arrivées successives de Sean (Lennon), de Timo (Ellis) et de notre nouveau membre Duma Love, qui joue des tables tournantes et qui rappe.»

Du coup, Stereotype A est beaucoup plus live que Viva! La Woman, qui était presque entièrement construit autour des échantillonnages de Yuka Honda, l’architecte sonore du groupe. Quant à savoir s’il reste quelque chose de typiquement japonais dans leur approche, Miho brandit le titre de l’album et refuse de se laisser enfermer dans les stéréotypes. «Lorsque je retourne au Japon, j’éprouve un drôle de sentiment: je me sens comme un saumon qui revient instinctivement à la rivière où il est né, mais je n’ai pas l’impression d’appartenir à une quelconque "scène" japonaise. En fait, je ne connais pas grand-chose de ce qui s’est fait au Japon depuis les huit ou neuf dernières années. On nous dit souvent qu’on fait de la pop japonaise, et on nous classe dans la même catégorie que Pizzicato Five, Shonen Knife ou Buffalo Daughter, alors que ce sont des groupes qui n’ont strictement rien en commun! Cibo Matto a toujours refusé systématiquement de s’enfermer dans un genre précis.» Bienvenue à l’ère de la world pop…

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