Denys Bouliane : Musique du présent
Musique

Denys Bouliane : Musique du présent

L’événement MusiOctobre au Festival de musique nouvelle à l’Université McGill est présenté, sous l’égide de DENYS BOULIANE, pour la deuxième fois. Au pgrogramme: la découverte de compositeurs européens méconnus ici. Cette année, Louis Andriessen, un Hollandais, est à l’honneur.

Depuis plusieurs années, Denys Bouliane consacre son énergie inépuisable à la cause de la musique contemporaine. Outre le festival Musiques au présent de l’Orchestre symphonique de Québec et les Rencontres de musique nouvelle du Domaine Forget, il organise à Montréal, depuis deux ans, des événements autour d’importants compositeurs européens. Professeur à l’Université McGill, Bouliane utilise l’infrastructure de l’institution afin de créer une sorte de «festival de musique nouvelle» aux multiples facettes: cours de maître, classes d’analyse, tables rondes, concerts, répétitions publiques. «L’idée derrière toute mon activité, explique le compositeur et chef d’orchestre, est de présenter la création pour ce qu’elle est vraiment, c’est-à-dire des oeuvres qui sont en relation avec notre temps, autant pour ce qui est des idées sociales, politiques, que pour le développement du concept de l’art.»

Le maître de musique
Pour illustrer son propos, Bouliane a invité, cette année, le compositeur hollandais Louis Andriessen à être le centre d’intérêt de MusiOctobre.

«Andriessen s’est posé les questions fondamentales, expose l’organisateur avec conviction. Il s’est demandé quelle était sa relation avec sa culture, avec son public potentiel, comment devait-il communiquer ce qu’il avait à dire et qu’avait-il à dire vraiment.» Ces questions, Bouliane se les pose lui-même, puisqu’il n’envisage pas qu’une musique puisse ne pas être enracinée dans sa culture. «Dans notre société, au Québec, et je ne dis pas ça pour m’en plaindre, le musical a toujours tendance à être quelque chose d’accessoire, une décoration. Ça fait partie des choses que l’on croit nécessaires, sans qu’on y accorde vraiment d’importance. Il faut se poser les vraies questions, se demander d’où vient la musique qu’on écrit, et quel est son feed-back possible dans la société. C’est toujours à deux voies: le compositeur s’imprègne de quelque chose, le renvoie et espère que ça aura un impact. Je ne parle pas de gloire et de succès, simplement de relation de perception.»

Le compositeur québécois notait récemment que sur la ligne aérienne KLM, les serviettes sur les plateaux arborent des extraits de partitions de compositeurs hollandais, dont Louis Andriessen. De même sur Luhftansa, dans le magazine de bord, on trouve toujours des entrevues avec ceux qui font la musique aujourd’hui. Et lorsqu’on arrive en Allemagne durant la triennale de Cologne, événement majeur consacré à la création musicale, les posters que l’on voit sur les colonnes de l’aéroport sont ceux des créateurs en musique! «La relation que certains pays entretiennent avec leurs créateurs est assez différente de la nôtre et c’est là-dessus que je travaille, dans toutes mes activités. C’est le nerf de la guerre», insiste Bouliane.

Musique engagée
Ainsi, Andriessen constitue un cas type de compositeur s’étant interrogé sur l’impact social du langage musical. «Dans les années 70, il s’est engagé énormément socialement et politiquement, rapporte Denys Bouliane. On peut dire que ça n’est pas le rôle des artistes; peu importe, lui l’a fait, et sa musique en a été transformée. Au début, Andriessen fait siens certains propos de l’avant-garde musicale des années 50, volontairement non connectée à une réalité culturelle précise. Toutefois, il y a eu une institutionnalisation de cette musique, très soutenue par les politiciens, qui voyaient d’un bon oeil qu’une musique soit supranationale, parce que c’est sur cette base qu’on voulait bâtir la nouvelle Europe. Pour une fois dans l’histoire de la musique, le projet politique et le projet artistique convergeaient! Mais, au début des années 60, plusieurs musiciens se sont rendu compte que cette démarche avait les défauts de ses qualités.»

On ressent encore aujourd’hui les effets de cette désincarnation du langage musical, ayant mené à une suprématie de la mécanique sur le désir d’expression. Pour Andriessen, comme pour Denys Bouliane, la musique a une signification. Pas sémantique, certes. Elle reste néanmoins un objet symbolique important dans une culture, malgré tout le flou interprétatif qui l’entoure. «Andriessen a donc réagi, il a voulu se démarquer, raconte l’instigateur de MusiOctobre. Et sa réaction a été radicale. Il est devenu un marxiste convaincu, ce qui a changé sa façon d’envisager la musique. Il a tourné le dos à toute la musique institutionnalisée et s’est mis à faire presque une musique de rue. Il a utilisé les instruments typiques de la fanfare, des instruments mobiles, qui pouvaient participer aux manifestations politiques. Il a également simplifié son message en essayant de voir quels étaient les idiomes musicaux que le peuple – dans son sens le plus large et le plus noble- comprenait, afin de pouvoir augmenter sa conscience. C’est ce qui fait que dans sa musique, on retrouve le dénominateur commun de la culture populaire, ou tout au moins de la culture médiatique. Il a fait une musique simple, réductrice, avec une grande force d’impact; ce qui fait qu’au début des années 70, on ne pouvait plus passer à côté d’Andriessen.»
Au fil des ans, le compositeur hollandais a construit une oeuvre imposante dans laquelle son propos radical de départ a pris de l’extension. Si l’idée de communication directe y reste prépondérante, la forme, elle, s’est élargie, donnant naissance à des oeuvres monumentales, comme De Materie, présenté par la Société de musique contemporaine du Québec, sous la direction de Walter Boudreau, dans le cadre de MusiOctobre, le jeudi 14 octobre.

En plus de cette pièce majeure du XXe siècle, interprétée par 65 musiciens, on pourra entendre l’Ensemble Kore jouer les oeuvres de trois jeunes compositeurs hollandais également présents à Montréal pour l’événement: Richard Ayres, Richard Rijnvos et Peter Adriaansz. L’Ensemble de musique contemporaine de McGill, sous la direction de Denys Bouliane, interprétera quant à lui une autre oeuvre importante d’Andriessen, M is for Man, Music, Mozart. Classes d’analyse, cours de maître, répétitions publiques et une table ronde sur le thème «Musique et société» complètent ce MusiOctobre où l’on pourra rencontrer le compositeur Louis Andriessen. Du 12 au 15 octobre, à la Faculté de musique de l’Université McGill, et à la salle Pierre-Mercure pour la SMCQ.

Les lundis classiques au Rideau Vert
Fort du succès de son concert classique donné la saison dernière, le Théâtre du Rideau Vert se lance dans la production d’une série de concerts. Les «Lundis classiques du Rideau Vert», placés sous la direction artistique de la pianiste Francine Chabot, débutent cette semaine, plus précisément le 11 octobre. Le premier événement de la nouvelle série est un concert dédié à Jean-Sébastien Bach, dont nous célébrerons en 2000 le 250e anniversaire de la mort. Les interprètes de cette soirée Bach seront les clavecinistes Luc Beauséjour et Yves-G. Préfontaine, le violoniste Olivier Brault et le baryton Vincent Ranallo. Au programme, des airs de cantates, des oeuvres pour clavecin et pour violon. Quatre autres concerts seront présentés durant la saison, en novembre, décembre, février et mars. On y jouera Poulenc, Mozart, Schubert, Chostakovitch, Rachmaninov et Prokofiev.
Le 11 octobre, à 20 h, au Rideau Vert.

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Disque

Karina Gauvin, Marc-André Hamelin Fête galante (Riche Lieu, collection chaîne culturelle)

Cet enregistrement, qui fait se rencontrer deux de nos plus grands interprètes, est tout en délicatesse. Le raffinement de la soprano Karina Gauvin, associé à l’extraordinaire sens musical du pianiste Marc-André Hamelin, ne pouvait que donner un résultat admirable. Se nourrissant l’un l’autre, les interprètes de ce disque en sont arrivés à une parfaite intelligence, que l’on ne rencontre que chez les vieux partenaires. Les deux musiciens mettent ici leur art au service de la mélodie française, avec Poulenc, Debussy, Honegger, Fauré, Ravel et Vuillermoz. Nous ne pouvons que souhaiter que pareille rencontre se produise à nouveau!