Quatuor St. Lawrence : Cordes magiques
Musique

Quatuor St. Lawrence : Cordes magiques

Si le Canada était déjà considéré comme un pays de grandes voix, il est en passe de devenir également un pays de grands quatuors à cordes. Les quatuors Arthur-Leblanc, Alcan, Molinari et St. Lawrence, notamment, sont tous des ensembles de calibre international qui n’ont pas à rougir devant les meilleures formations du genre à travers le monde. Le Quatuor St. Lawrence, lui, participera aux Radio-Concerts du Centre Pierre-Péladeau. À découvrir.

Le Molinari donnait le printemps dernier un concert conjoint avec l’un des ensembles les plus renommés de la planète pour le répertoire contemporain, le Quatuor Arditti. Le Quatuor St. Lawrence, quant à lui, est sous contrat d’exclusivité avec la maison EMI, avec laquelle il a commencé à produire une série d’enregistrements de très haut niveau, comme en témoigne un disque tout Schumann, paru en mai dernier. Le St. Lawrence y a enregistré les Quatuors nos 1 et 3, avec une maîtrise digne d’une formation de grande maturité. Difficile de croire que le quatuor canadien, formé de Geoff Nuttall, premier violon, Barry Shiffman, deuxième violon, Lesley Robertson, alto, et Marina Hoover, violoncelle, n’a que dix ans de vie – on lui en donnerait 25!

Ces musiciens associent une cohésion et une profondeur de jeu fascinantes, avec l’énergie débridée de la jeunesse, mélange inusité qui ne cesse d’étonner les admirateurs de l’ensemble. Leurs Schumann foisonnent d’imagination, de poésie et d’intensité dramatique. On ne peut s’empêcher de ressentir leur interprétation comme étant très proche de la réalité émotive du compositeur.

Et que dire du relief que les quatre interprètes donnent à chaque phrase musicale! La feuille de route impressionnante du St. Lawrence s’explique par cette rencontre plutôt rare de deux aspects essentiels de l’interprétation: fougue et maîtrise technique, chacun permettant de transcender l’autre.

Formé en partie par le Quatuor Emerson, duquel son jeu semble souvent inspiré, le St. Lawrence a été quatuor en résidence à la Juilliard School of Music, et assistant d’enseignement du Quatuor Juilliard, de 1992 à 1994. En 1992, le quatuor canadien remportait le Banff International String Quartet Competition et le Young Artists Auditions.

De 1994 à 1996, il assiste le Quatuor Tokyo à l’Université Yale, avant de devenir quatuor en résidence à la Stanford University. Cette semaine, le St. Lawrence sera à Montréal, à la salle Pierre-Mercure, dans le cadre des Radio-Concerts du Centre Pierre-Péladeau. Le 18 octobre à 20 h, en salle et en direct à la Chaîne culturelle de Radio-Canada, nous pourrons l’entendre jouer Schumann, Mendelssohn et R. Murray Schafer.

La Nef présente Perceval, la Quête du Graal en version concert et sur disque
À l’automne 1998, La Nef présentait sa plus récente production, Perceval, la Quête du Graal, issue de la rencontre du roman de Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois – avec la musique celtique. «Ce qui est merveilleux avec Troyes, expliquait alors Sylvain Bergeron, concepteur du spectacle, c’est qu’il nous propose l’approche d’un poète français qui s’approprie une légende celtique, en la transposant dans son propre langage. Nous, on a retransposé son texte dans le monde celte, grâce à la musique.»

Musicalement, le Perceval de La Nef est donc une création. Plus de la moitié des pièces au programme – environ une vingtaine divisées en sept tableaux – sont dérivées d’une mélodie pré-existante. L’autre moitié, elle, est complètement originale. La sélection et l’adaptation des textes, faites par Claire Gignac, ont aussi représenté un énorme travail.

Au moment de la création, beaucoup sont restés surpris du changement survenu dans les choix esthétiques de La Nef. Avec Perceval, la compagnie s’est coulée dans un nouveau moule, celui de la légèreté, du divertissement à caractère médiéval, teinté de couleurs modernes. Certes, cette vision bucolique du moyen âge ne correspond pas à celle que nous avait jusque-là montrée La Nef. Mais est-elle moins réaliste?

Quoi qu’il en soit, le choix de la compagnie était clair: «Le parti que nous avons pris est de nous dire qu’il s’agit d’un mythe universel et intemporel. Notre premier spectacle, Jeanne la Folle, était plus historique, Montségur se passait à une époque précise. C’est tout à fait autre chose ici, parce que c’est complètement ouvert.»

Pour ceux qui n’auraient pas eu la chance d’entendre la version concert du «collage intemporel» que constitue le Perceval de La Nef l’an dernier, deux possibilités sont maintenant offertes: le disque, d’une très belle facture, qui vient de paraître sous étiquette Dorian, et la reprise du spectacle, les 15 et 16 octobre à 20 h, à la salle Pierre-Mercure, avec, encore une fois, Daniel Taylor dans le rôle-titre.

Nouveautés chez Analekta

Après une période difficile où le nombre de ses productions avait considérablement diminué, Analekta s’imposera cette année de façon plus vigoureuse dans le paysage discographique québécois, avec, en perspective, de nombreuses parutions. Bernard Lagacé y poursuit son immense fresque musicale avec l’intégrale de l’oeuvre pour orgue de Jean-Sébastien Bach. Cette fois-ci, il s’agit pourtant d’un disque consacré à des oeuvres rarement ou jamais entendues à l’orgue, les Inventions à deux voix et les Sinfonias, interprétées avec simplicité et grandeur tout à la fois, sur l’orgue Beckerath de l’église Immaculée-Conception. Bernard Lagacé nous explique, dans ses notes, les raisons l’ayant poussé à intégrer ces pièces à son intégrale. Le résultat en est plus touchant que surprenant, et donne une dimension humaine à cette impressionnante intégrale.

De son côté, la soprano Lyne Fortin réitère l’expérience chez Analekta avec un disque Mozart qui présente des extraits des Noces de Figaro et le Exultate, Jubilate K. 165. L’orchestre Métropolitain sous la direction de Joseph Rescigno aurait gagné à avoir plus de brillance et à être plus pétillant dans ses interprétations, qualités qui ne manquent pas à la soprano québécoise… Par contre, on sent parfois une certaine fatigue chez Lyne Fortin, comme si un voile passait devant sa voix… Défaut de prise de son, ou faiblesse passagère?

Nouveautés chez Atma
Atma a le vent dans les voiles. Maintenant dirigée par Johanne Goyette, qui réalisait depuis quelques années une bonne partie des enregistrements de la compagnie, cette maison québécoise de production de disques enregistre quelques-uns des meilleurs ensembles de musique baroque au pays. Tout récemment, paraissait un enregistrement des Concerts Royaux de Couperin, avec le hautboïste baroque Bruce Haynes. La sonorité riche et fruitée du hautbois de Haynes, à elle seule, vaut le détour. Les excellents musiciens qui l’entourent sont le claveciniste Arthur Haas et la gambiste Susie Napper.

Les Boréades nous offrent pour leur part un disque Telemann intitulé Suite et Concertos. Ici, c’est le flûtiste Francis Colpron, un de ces musiciens qui transcendent littéralement leur instrument pour en faire le canal de l’expression musicale pure, qui nous enchante le plus. Il y joue de la flûte traversière aux côtés du violoniste Manfred Kraemer dans le Concerto pour flûte traversière, violon principal, cordes et basse continue en mi mineur, ainsi que de la flûte à bec dans deux autres oeuvres du compositeur allemand. Un ravissement.

Une autre parution récente chez Atma nous fait entendre un instrument ayant rarement la vedette dans l’industrie du disque: le virginal. Intitulé Vox Virginalis, cet enregistrement de la claveciniste Rachelle Taylor, professeur à l’Université McGill, propose un survol de quelques oeuvres anglaises pour clavier, composées entre 1525 et 1650. «Durant la période des règnes Tudor et Stuart aux XVIe et XVIIe siècles, le mot «virginal» désignait tout instrument à clavier à cordes pincées, et non pas seulement l’instrument rectangulaire à un seul clavier», nous indiquent les notes d’accompagnement. Rachelle Taylor a donc alterné ici clavecin et virginal, ce qui permet de se faire une idée précise des différences de sonorités des deux instruments. Un peu monotone, mais intéressant.