Musique

Prise de son : Version 2.0

C’était, honnêtement, quasi inévitable. Les premières impressions laissées par cette nouvelle équipe d’interprètes de Notre-Dame de Paris ne pouvaient échapper à la comparaison. On n’a pas le choix, tellement la version originale nous a marqué, qu’on le veuille ou non, par son grand succès radiophonique. Amorçons donc cette critique par ce grand jeu.

En partant, précisons que les trois Québécois ayant remplacé les trois Français de la distribution originale sont vraiment meilleurs, avec une mention toute spéciale pour France D’Amour qui donne au personnage d’Esméralda une sensualité, un côté animal qu’Hélène Séguerra n’a jamais eue et n’aura fort probablement jamais. Cette animalité n’est pas tant dans le jeu de France D’Amour (qui a, par ailleurs, un peu de difficulté avec son costume: pendant tout le show, elle ne cesse de tenir sa robe ou de la replacer, histoire de ne pas découvrir trop de jambe…) que dans sa voix plus basse que celle de sa prédécesseure. Aucun doute que France D’Amour sort grande victorieuse de ce pari audacieux.

Natasha Saint-Pierre, malgré le côté un peu vide de son personnage de Fleur-de-Lys, remplit son rôle avec une force de caractère que Julie Zenatti ne possédait pas. Et, vendredi soir, Jean Ravel endossait le costume de Phébus, jadis porté par le sous-Patrick Bruel qu’est Patrick Fiori. Encore là, Ravel est gagnant: plus d’intensité, une meilleure compréhension du personnage, plus de force tranquille et plus «groundé».

Pour le reste, il y a – il faut bien le dire – des hauts et des bas. Le cas de Robert Marien, dans le rôle de Frollo, tenu au départ par Daniel Lavoie, est typique. Marien est un professionnel du spectacle musical, ayant joué, entre autres, dans Les Misérables. Tout le long du spectacle, on le sent jouer, à la manière de la comédie musicale. C’est-à-dire: trop. Ce qui faisait la grandeur de Lavoie, c’était qu’il ne jouait pas. Il était Frollo, avec toute sa raideur, toute la fragilité que sa voix pouvait avoir, tous les doutes possibles également. Là, c’est certain, on y perd malheureusement au change.

Charles Biddles Jr. interprète Clopin, le chef des sans-papiers, qui avait auparavant les traits de Luck Mervil. Là aussi, défaite. Parce que Biddles n’a pas le quart du charisme de Mervil. Parce que Mervil est bien dans sa peau et possède une souplesse physique que Biddles n’a toujours pas. De plus, vocalement, ce rôle est tellement marqué par la voix originale de Mervil que Biddles tente simplement de coller le plus possible à l’interprétation originale. Ce qu’il ne devrait peut-être pas faire.

Mario Pelchat, qui joue Quasimodo, et qui doit se glisser dans les très grands souliers de Garou, essaie de s’en démarquer, dans la première partie du spectacle. Mais, plus la représentation avance, plus sa voix s’éraille, se rapproche de celle de Garou, et il finit par une version de Danse Esméralda qui ressemble beaucoup à l’originale. Ce qui, soyons francs, ne peut que nous plaire. Parce qu’il fait quand même un peu bizarre d’entendre le bossu Quasimodo avec la voix parfois trop parfaite de Pelchat…

Reste Sylvain Cossette remplaçant Bruno Pelletier, certainement l’une des meilleures voix masculines en ce moment dans toute la francophonie, par sa puissance et son aisance. Bien sûr que Sylvain Cossette n’a pas l’expérience de Pelletier et ne possède pas encore vraiment le rôle. Cependant, il faudrait peut-être retourner voir cette version de Notre-Dame de Paris dans quelques mois et, à ce moment, l’une des plus grandes surprises pourrait justement être Sylvain Cossette.

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Une fois ce jeu des comparaisons terminé, on peut certainement, maintenant, déboucher sur une conclusion plus globale quant à Notre-Dame de Paris. Est-ce que le show dans son ensemble (écriture – tant le livret que la musique –, mise en scène, éclairage, décor, chorégraphie, etc.) est assez bon pour supporter d’être interprété par de nouveaux arrivants?

Un gros «oui» bien clair. Ce drame musical a beau être inspiré du roman de Victor Hugo, Luc Plamondon, aux textes, et Gilles Maheu, à la mise en scène, en ont fait quelque chose de contemporain, qui nous parle encore avec vigueur aujourd’hui. Bien sûr, la plupart des ingrédients étaient déjà dans l’oeuvre originale. Restait à l’incarner de façon moderne, ce que les créateurs de Notre-Dame de Paris ont très bien réussi. À cela, il faut évidemment ajouter que la très belle musique, composée par Richard Cocciante, est exactement la même que dans la version originale: normal, comme diraient les dirigeants de la Guilde des musiciens: il ne suffisait que de faire une seconde copie de l’enregistrement…

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Le week-end dernier, alors que MusiquePlus diffusait six heures de Woodstock 99, on a eu une autre preuve de la grande hypocrisie américaine. Tout le monde le sait, Woodstock 99 a été la plus grande foire de l’été dernier. Sur les images provenant de l’organisation du Festival, on a «blurré» les seins des filles dans le public et les fesses de Flea des Red Hot Chili Peppers. De plus, chaque fois que le mot fuck était prononcé, il était remplacé par un magnifique bip.

Quelle imbécillité!