Plein la vue : Haute tension
Musique

Plein la vue : Haute tension

Plein la vue est un événement qui s’adresse aux yeux mais aussi aux oreilles: la rencontre sur scène entre interprètes et musique enregistrée, dite aussi «musique mixte». Le pianiste JACQUES DROUIN est de la fête, et nous explique pourquoi ce genre musical le fait planer.

La musique acousmatique, grâce à la société de concerts Réseaux, se fait de plus en plus entendre à Montréal ces dernières années. Sous le titre de Rien à voir, l’organisme produit régulièrement des séries de concerts pour orchestre de haut-parleurs. Cette fois-ci, Réseaux nous en met Plein la vue avec un événement de musique mixte, présenté au Théâtre La Chapelle. La musique mixte, c’est une rencontre entre interprètes et musiques pré-enregistrées sur bande. Jacques Drouin – pianiste du Nouvel Ensemble Moderne et organisateur de l’événement Refus global, présenté le printemps dernier -, qui participe à Plein la vue, a consacré ses études de doctorat à ce répertoire très spécial, à l’éventail sonore illimité. «J’ai pataugé dans cet univers-là pendant quatre ans, en faisant exclusivement de la musique mixte», rapporte Drouin, dont l’engouement s’explique par un premier contact avec l’électroacoustique. «Au départ, j’avoue avoir été ébloui par un concert de l’ACREQ (Association pour la création et la recherche en électroacoustique du Québec). J’ai été saisi par la beauté inouïe du son mais aussi par ses infinies possibilités, par l’insondable de la matière sonore. J’y voyais l’occasion de sortir des contraintes de la facture instrumentale.»

Eloge de la différence
Comment, toutefois, concilier une expérience de pianiste avec la découverte de cet univers si vaste? «En apprenant qu’il y avait des compositeurs qui avaient écrit pour réunir les deux aspects, je ne me suis plus posé de questions. J’ai tout de suite commencé à chercher des pièces et à voir ce qui pouvait être fait.» La réserve que l’on oppose toujours à ce type de rencontre instrument-machine est celle du manque de liberté. La bande étant une composition sonore figée, l’artiste n’est-il pas tenu de donner toujours la même interprétation d’une oeuvre mixte? «En musique instrumentale non plus, on n’a pas le choix, on ne peut pas commencer à déplacer le temps. D’autre part, il y a des pièces qui permettent beaucoup plus de latitude que d’autres. Je crois avoir trouvé des réponses à une certaine forme de scepticisme qui frappe la musique mixte», confie Jacques Drouin. En effet, si on pense, par exemple, à une des pièces les plus magistrales composées ces dernières années au Québec, Chute/Parachute de Michel Gonneville – que Jacques Drouin jouait l’hiver dernier à Paris dans le cadre du festival Présences de Radio-France -, on se rend compte que la pièce a connu autant d’interprétations différentes que d’interprètes.

Le musicien qui joue avec une bande peut aussi rechercher une plus grande variété de timbres à partir de son propre instrument. L’infini des possibilités offertes aux compositeurs de musique électroacoustique est un puissant stimulant pour le musicien, même s’il peut s’y perdre au début. «L’océan est immense, témoigne Drouin. Il faut faire des catégories, constater les ressemblances, les différences. Après un certain temps et beaucoup de pièces, on se rend compte qu’il y a de la définition dans cette infinité. On fait des rapprochements, on perçoit différentes esthétiques. Par exemple, certains créateurs travaillent avec des sons instrumentaux; d’autres, pas du tout. On finit par apprivoiser tout ça. Pour moi, c’était une belle occasion de sortir des sentiers battus.»

Doubles messieurs
Plein la vue explore de différentes façons les sentiers de la musique mixte. D’une part, le compositeur Robert Normandeau, membre de Réseaux, songeait à organiser une nouvelle série de concerts électro avec des instrumentistes. D’autre part, le compositeur Gilles Gobeil et le guitariste René Lussier travaillaient conjointement à une création pour guitare, daxophone et bande, d’une durée de soixante minutes, Le Contrat, les deux musiciens ayant déjà créé ensemble une courte pièce intitulée Associations libres, en 1990. On a donc cherché à compléter l’événement, ce qui convenait à merveille à Jacques Drouin et au percussionniste Julien Grégoire, qui avaient projet, pour leur part, de monter une pièce du compositeur français Luc Ferrari, Cellule 75. L’oeuvre, écrite par un des pionniers de la musique électroacoustique, sera donnée en première montréalaise. Drouin interprétera également, en «solo» avec bande, une oeuvre de Robert Normandeau, Figures de rhétorique, qui lui est dédiée. La pièce a valu à son auteur de recevoir le Premier prix au concours international Musica Nova, à Prague, à l’automne 1998.
Plein la vue, avec les musiciens René Lussier à la guitare acoustique et au daxophone, Jacques Drouin au piano et Julien Grégoire aux percussions, ainsi qu’un orchestre 20 haut-parleurs, sera présenté au Théâtre La Chapelle les 4, 5 et 6 novembre, à 20 h. Mentionnons également qu’à cette occasion, l’étiquette empreintes DIGITALes lancera ses 44e et 45e disques – Figures, le troisième disque de Robert Normandeau et Le Voyage d’hiver, premier disque de Daniel Leduc – le 5 novembre, en présence des compositeurs qui diffuseront des extraits de leurs disques en salle.

Agnès Grossmann de retour au Centre d’Arts Orford
La nouvelle a de quoi surprendre mais l’ancienne directrice artistique du Centre d’Arts Orford et de l’Orchestre Métropolitain, Agnès Grossmann, revient parmi nous et réoccupera, l’été prochain, son poste à Orford. Depuis son départ, en 1995, Yuli Turovsky avait repris la baguette, qu’il laissait à son tour en août dernier. Agnès Grossmann, qui avait dirigé le Centre de 1989 à 1995, n’aura donc pas été absente très longtemps. Après avoir conduit les Petits chanteurs de Vienne durant plusieurs saisons, elle revient au Québec où elle fera, de plus, ses débuts avec l’Orchestre symphonique de Montréal en décembre prochain, dans Le Messie de Haendel.

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Disques

Collegium Musicum 90, Simon Standage
Boyce, l’intégrale des sonates en trio
(Chaconne, Chandos early music)
Voici un exemple d’interprétation d’une telle intelligence et d’un tel raffinement de sensibilité qu’on a l’impression d’être en présence de l’esprit même du compositeur. Parmi la pléthore de nouveautés discographiques en musique baroque, voici une perle, qui propose une vision pénétrante d’une partie de l’oeuvre du compositeur baroque anglais William Boyce. Le Collegium Musicum 90 y interprète l’intégrale des sonates en trio, répartie sur deux disques, que l’on écoute volontiers l’un à la suite de l’autre, sans se lasser. La prise de son est, elle aussi, remarquable.