Musique

Live à Montréal : Beck/Beth OrtonSoul BrainsMarc Anthony

Beck/Beth Orton
CEPSUM, 9 Février

Le chaos qui régnait à l’entrée du concert de Beck (une file pour les billets + une file pour entrer = congestion massive devant les portes) n’était qu’un avant-goût du bordel qui nous attendait à l’intérieur. On ne s’étendra pas sur les innombrables défauts du CEPSUM, mais on se contentera de dire que dans cette salle complètement mésadaptée (avez-vous déjà vu des toilettes chimiques à l’intérieur?), le meilleur sonorisateur du monde perdrait tous ses moyens. Passons.
On se faisait du sang de punaise pour la charmante Beth Orton, jetée dans la fosse aux lions pour assurer la première partie avec ses petites chansons intimistes, mais la dame a assuré, malgré des conditions pour le moins désastreuses. Vers la fin de son concert, difficilement audible, lorsqu’elle entonna Best Bit, l’énergie avait monté d’un cran et on sentait même une vague de sympathie émanant de la foule. Maintenant, qu’on nous la ramène au Cabaret, et au plus vite!
La scène étant assez basse, on a décidé de quitter le parterre en faveur des gradins, histoire de constater l’ampleur de la scène. Malgré quelques éléments comiques (décor plastico-débile et inévitables chorégraphies), l’aspect scénographique était beaucoup moins grandiose que lors de son passage au Métropolis. Si Beck a su s’imposer ce soir-là, c’est surtout par sa maîtrise des divers genres: poussant le mimétisme princier de Debra à outrance, il est allé jusqu’à chanter sur un lit couvert de satin rouge; puis, revenant seul au milieu de la scène, il se transforme en folk singer plus vrai que vrai. Plus le concert avançait, moins on sentait la mauvaise énergie de la salle: au vu de l’excitation qui régnait lors du sprint final (Where It’s At, Nicotine & Gravy et Sexx Laws), on se disait que cet homme pourrait mettre de la vie dans un Club Price désaffecté. En guise de premier rappel, DJ Swamp a livré un set de scratching absolument furieux, dansant, tournant et évoquant quelques cassiques (?) du rock à l’aide des grincements de ses platines. De Smoke on the Water à The Eye of the Tiger (!), en passant par Paint it Black, l’homme aux tables tournantes a carrément soulevé la foule par sa maestria. À son retour, Beck devait assurer, et en balançant Beercan et une version complètement échevelée de Devil’s Haircut, qui s’est terminée dans un chaos absolu, il n’a pas manqué son coup. En quittant la scène avec les morceaux du décor, c’était comme Beck emportait sous son aile l’impossible agrégat folk, funk, hip-hop, blues et punk qu’il avait forgé deux heures durant.

Soul Brains
Foufounes le 11 février
Si le groupe qui est invité à se produire aux Foufounes Électriques un soir de weekend est retenu des heures durant aux douanes canadiennes, on fait face a un problème potentiel: puisqu’on «vide» la place à 23 heures pour faire place aux danseurs, les inconditionnels qui ont déboursé 25$ pour le spectacle n’auront qu’à en subir les conséquences, comme ce fut le cas avec HR et ses Soul Brains vendredi dernier. Avec deux heures de retard, la légendaire et erratique formation a tout de même eu le temps de nous offrir près de soixante minutes de son répertoire, des titres hardcore décapants à souhait, sur lesquels son excellente section rythmique (Doctor Know à la guitare – on reconnaît là la principale influence de Vernon Reid – Darryl Jenifer, virtuose de la basse et Earl Hudson, relativement discret mais tout aussi efficace à la batterie) n’a pas perdu de temps à impressionner la gallerie. Dans cette prestation écourtée d’environ huit chansons, deux extraits reggae tranchants, la populaire I and I Survive que la foule reprend en coeur et une longue version de The Young Are Getting Restless, pendant laquelle on présenta un gâteau d’anniversaire à HR, qui mit fin abruptement au spectacle, sans rappel. HR, qui au cours de sa prestation révèle une personnalité eccentrique empruntant autant à Bob Marley qu’à Pee Wee Herman s’est alor transformé en «lounge lizard» et se mit à demander aux membres du public de lui raconter leurs meilleures farces. Alors qu’une fan lui entonnait «bon anniversaire» nous fûmes forcés de quitter la salle, en se disant qu’on aurait bien mérité une deuxième partie… (Richard Lafrance)

Marc Anthony
13 février, Métropolis
L’ovation faite à Marc Anthony dimanche soir au Métropolis va rester dans les annales ! Réputé pour sa grande sensiblité; mais toujours aussi frêle et sobrement vêtu, le chanteur d’origine portoricaine a pris droit au coeur la réaction de la foule. Dans une salle en feu archi bondée, le nouveau poulain de Sony était presque décontenancé et n’arrivait même pas à calmer la clameur d’extase qui a suivi le morceau d’ouverture son Y Hubo Alguien exécuté avec un panche extraordinaire par ses dix-sept musiciens. C’est vrai que tous les billets s’étaient envolés en deux heures mais pour un artiste aussi sous-estimé par les disquaires québécois, ça faisait drôle d’entendre un public aussi enflammé qui reconnaissait chaque chanson à la première note de guitare. Perfectionniste à l’extrême, le gentleman de la salsa avait même pris le soin pris le soin d’amener avec lui cinq musiciens «complémentaires» afin d’exécuter proprement les titres pop de son nouvel album éponyme en anglais. Alternant deux à deux les ballades parfois un peu plates et les morceaux plus fougueux de ses quatre disques en espagnol, Anthony a fait la brillante démonstration qu’il n’est pas un Ricky Martin, et que son répertoire à grand déploiement (je pense entre autres à Te Conozco Bien et Nadia Como Ella) a encore bien du coeur . À bon entendeur…