Évidemment Jazz : Ciel variable
Musique

Évidemment Jazz : Ciel variable

La troisième édition d’Évidemment Jazz, fidèle à son mandat, renouvelle sa programmation dans la diversité. Jetez vos passeports, les frontières n’existent plus…

On jette un coup d’oeil sur la quinzaine de concerts prévus, on répertorie la lutherie variée des musiciens invités et le constat se fait de lui-même: impossible de ne pas y trouver son compte. Un exemple? À la lumière des programmes proposés, nos vétérans de la scène n’ont jamais paru aussi désireux d’innover, de poser une nouvelle brique à cette fondation abstraite qu’est le jazz. Parce que le mot-clé, ici, c’est innovation. Pas par goût, mais par besoin. Certains le font depuis toujours, comme Pierre Tanguay; d’autres, comme le quatuor Motocross, peaufinent leur recherche et prennent des risques.
À preuve, le coup d’envoi du mercredi 15 mars, qui offrait une paire de chanteuses aguerries, Sylvie Tremblay et la choriste de vocation Monique Fauteux (Harmonium et plusieurs autres), qui se lancaient corps et âme dans les filets tricotés serré du jazz. Les standards du répertoire jazz? Non, plutôt ceux de la chanson, mais passés à la moulinette jazz.
Le 16, on retrouve avec plaisir l’ensemble du vétéran contrebassiste Daniel Lessard. Justement, parlant chanson, ce Lessard aux doigts experts a déjà accompagné Gilles Vigneault on and off de 1963 à 1994, Diane Dufresne en 1974 et 75, Charlebois et moult artistes de jazz réputés tels Joe Pass, Kenny Burrell et Jimmy Heath. Récemment, il nous donnait un très beau disque, Toucher les continents (Lost Chart). Pour son concert, il garde sa formation de studio intacte: le batteur Pierre Béluse (Coleman Hawkins!, Paul Bley, René Thomas, etc.), le trompettiste Pierre Lafrenaye (Horace Parlan, Benny Green) et le polyvalent saxophoniste Roberto Murray (L’Orkestre des pas perdus, Kappa, etc.).
«Les sons naturels se marient mieux entre eux, explique Lessard. Sur mon disque, on a joué avec beaucoup de douceur. C’est ça, l’esprit de l’approche acoustique. Comme langage musical, à part la musique traditionnelle, nous n’avons pas au Québec d’autres héritages. C’est pourquoi j’ai voulu souligner la musique des autochtones d’ici, en la mélangeant vec la base du jazz américain, dit-il en parlant de Toucher les continents. Jouer avec nos grands de la chanson a certainement apporté plus de rigueur à mon jeu, tout en améliorant mon sens de l’écoute. Ce qui m’a toujours plu, c’est la rencontre sociale entre musiciens. C’est la raison pour laquelle je fais ce métier.»
Le vendredi 17 mars – à dix heures trente du matin! -, la chanteuse soul et R&B d’origine américaine Geraldine Hunt mettra un peu de caféine dans vos oreilles et, le soir même, le pianiste Matt Herskowitz, avec sa dualité classique et jazz, se fera accompagner entre autres par l’excellent Frédéric Alarie à la contrebasse
Le lendemain 18, Les Quatre Basses, un concept qui tient magnifiquement la route même sans autre accompagnement, sera l’affaire de Normand Guilbeault (Riel), Norman Lachapelle, Michel Donato et du jeune Alarie. Un «sommet»÷, comme le veut l’appellation, où, il va sans dire, tout ÷sera permis.
Karen Young sera au Cégep Maisonneuve le 21, proposant un atelier-spectacle: une courte prestation suivie d’une rencontre-discussion avec le public. Curieux? Le 18, Vince, une formation de vieux de la vieille (Robert Ménard, Serge Dionne et Guy Thouin), flirtera avec le son West Coast, le funk et les standards du répertoire jazz, tandis que la jeune formation Motocross, originaire de Québec, complétera le programme double.
La présence de ces derniers apporte un bel équilibre à l’édition de cette année. Tous dans la jeune vingtaine, les gars de Motocross nous ont donné Main d’oeuvre, un premier compact sorti il y a quatre ans, qui mélangeait jazz électrique et une sorte de fusion funk débridée au possible; la nouvelle direction désormais empruntée par le groupe est, selon le bassiste Samuel Roy-Bois, plus modérée.
«On a récemment été influencés par plein de choses, comme du vieux Beck, ou du Stereolab… Certains nous comparent même à Frank Zappa. Notre son était auparavant plus agressif mais de façon positive. On s’est maintenant assagis, maisle côté chaotique est encore là, d’une autre façon. On se rapproche davantage des cultures, des harmonisations, tout en restant très rythmés. Dans ma tête, Motocross est un band de rock.»
Un incontournable? Réunion, la formation que dirige admirablement le batteur tous azimuts Pierre Tanguay. Gros calibre: Jean Derome aux saxos, Normand Guilbeault à la contrebasse, Tom Walsh au trombone et Guillaume Dostaler au piano se joignent à Tanguay. «Nous avons créé un projet swing, c’est de la musique qu’on aime et qui vaut la peine d’être jouée. On a tellement de fun à faire ça, tout en gardant un respect de la tradition. Les spécialistes jazz vont trouver qu’on tourne les coins un peu ronds, mais pour nous autres, c’est merveilleux.»
Pour le sprint final, ne manquez pas Tricycle, du violoniste Helmut Lipsky, le 24 mars, et le trio du saxophoniste Yannick Rieu le 25, qui nous propose la version scénique de son dernier disque, Little Zab._

Pour obtenir des billets, composez le 842-2112 ou appelez la ligne info-spectacles du Zest au 380-8128.

Du 16 au 25 mars
Au Zest et au Cégep Maisonneuve
Voir calendrier Jazz, Blues, etc.