Musique

Live à Montréal : Jean-Louis Murat Femi KutiSno-Jam 2000Connected 2000

Jean-Louis Murat
Les 23 et 24 mars au Cabaret
Jean-Louis Murat

nous avait prévenus: le concert qu’il allait nous présenter porterait exclusivement sur l’album Mustango, et en version électronique, s’il vous plaît. Ceux qui s’attendaient à entendre les succès de Dolorès ont dû ronger leur frein en silence: seules quelques bribes du Baiser nous ont rappelé le disque précédent. Le concert a débuté comme l’album, avec Jim, point de départ du parcours initiatique de Murat en Amérique. Mais ce Jim-là avait quelque chose de différent. Il y avait bien une guitare, grattée paresseusement par JL lui-même, mais elle était presque écrasée par la batterie de claviers.
Étrangement libres au milieu de cet arsenal de machines, Murat et ses musiciens (Denis Clavaizolles, Régis Oomiak et Alain Bonnefont) se sont livrés à un étrange ballet sonore dont bien des mouvements pouvaient sembler incompréhensibles au public. Maître d’oeuvre de cette entreprise où l’improvisation semblait tenir un rôle primordial, le chanteur lançait des rythmes préenregistrés sur CD, triturait des boutons, installait des ambiances.
Si elle a semblé dérouter quelques fans, la formule de ce concert nous aura permis de découvrir les pièces inédites des sessions de Mustango, autant de bornes balisant son épopée américaine. On a ainsi pu découvrir les cartes postales musicales que sont Washington, New Yorker (probablement la plus autobiographique du lot), et même Québec, dont la présentation a donné lieu à l’une des rares interventions parlées du chanteur. Bien que très efficace drapé de textures électroniques, Murat s’est avéré plus touchant dans le dépouillement: interprétées en solo au piano, Mustang et Mont Sans-Souci ont su toucher une corde sensible. Privé des choristes féminines, Jean-Louis s’est adjoint une Jennifer Charles virtuelle pour Bang Bang, puis, pour l’épique Nu dans la crevasse, il s’est substitué au choeur gospel, trafiquant sa voix à l’aide d’un vocoder.Saisissant. Exigeant, certes, ce concert nous aura entraînés au-delà du disque. Murat nous a emmenés avec lui en voyage, des plaines de l’Ouest aux rues des grandes villes, jusqu’à son foisonnant paysage intérieur. (Nicolas Tittley)

Sno-Jam 2000
Le 23 mars au Spectrum
C’est à une soirée bien étrange qu’étaient conviés les amateurs de punk, ska et hardcore pour l’édition 2000 du traditionnel Sno-Jam. Bizarre d’abord en raison de l’absence de têtes d’affiche majeures, contrairement aux années précédentes où des groupes comme Lagwagon, Pennywise et Blink-182 conféraient à cet événement une envergure beaucoup plus impressionnante. Outre Snapcase qui visitait Montréal pour la première fois, aucun des groupes ne disposait des atouts nécessaires pour créer un véritable engouement populaire. De plus, le caractère extrêmement hétérogène du spectacle, qui nous faisait passer successivement du ska léger au hardcore brutal, était pour le moins déconcertant. Malgré tout, quelque mille spectateurs s’étaient déplacés, ce qui a de quoi surprendre. Passons par-dessus les prestations peu inspirées de Grade et de Mustard Plug et abordons plutôt celles du groupe ska Flashlight et des punk-rockers Bigwig, très réussies. Bien qu’elles n’arrivent pas à transcender les limites de leurs genres respectifs, ces deux formations ont tout de même offert un show divertissant et de haut calibre. La palme revient toutefois à Down By Law qui, à mon avis, a éclipsé tous les autres groupes en livrant une performance impeccable. Le vétéran Dave Smalley et ses musiciens ont démontré un très bon sens du spectacle en interprétant, en finale, une version remarquable du 500 Miles- des Proclaimers. Quant aux headliners- Snapcase, la foule a semblé apprécier… En ce qui me concerne, ce style où s’entremêlent cris et agressivité extrême m’a laissé plutôt froid. (Charles Comeau)

Femi Kuti
Le 26 mars au Spectrum
Ricky Martin aurait des leçons à prendre de Femi Kuti. Pas juste pur «shaker le bon-bon» (la fin du show était un véritable hommage aux vertus du postérieur), mais plutôt pour la dépense d’énergie, l’endurance pure et dure, domaines dans lesquels le Nigérian est passé maître. En plus de diriger son orchestre avec une poigne remarquable, Kuti virevolte, trépigne, s’époumone dans un solo de sax alto, puis il chante, bondit, danse comme un guerrier fou et chante encore sans même être essoufflé. En passant, le groupe Positive Force inclut trois percussionnistes à temps plein, trois danseuses qui s’agitent sans cesse et quatre colosses aux cuivres (baryton, ténor, trombone et trompette). Quand on sait que tous les morceaux durent dix minutes en moyenne et qu’ils s’enchaînent sans coup férir avec seulement quelques secondes de répit, on devine que ce spectacle peut paraître quelque peu linéaire, mais on comprend aussi pourquoi la piste du Spectrum n’a jamais désempli pendant près de deux heures. Pourtant l’afro-beat n’est pas vraiment un feu de joie. C’est plutôt l’expression brutale d’un défoulement, d’un ras-le-bol et d’une frustration viscérale qu’éprouve le peuple du Nigeria devant le gâchis politique dont l’Afrique est victime. Tout l’album Shoki Shoki y passe et Femi envoie promener sa belle tunique verte à partir de Beng! Beng! Beng! (un morceau proscrit chez lui) pour finir torse nu la dernière demi-heure. En rappel, une pièce de son père comme une révérence et une promesse: Do My Best. (Ralph Boncy)

Connected 2000
Le 25 mars au Centre Molson
Les Productions 514 sont maintenant les maîtres incontestés du gros événement. Après le parc Jarry, le centre Claude-Robillard et le Stade, voici que samedi dernier ils se lançaient à la conquête du temple des Canadiens de Montréal pour une nuit d’envergure à l’image des Cream et compagnie. Sauf pour quelques petits détails négatifs qui peuvent être pardonnés (pas de projections vidéo, pas de bouchons avec les bouteilles d’eau, volume sonore trop élevé, etc.), le tout à été fait avec plus de rigueur qu’à l’habtude: une sonorité supérieure à celle du Stade (pas de réverbération), une salle principale bien disposée (le D.J. était installé sur un piédestal de plusieurs mètres de hauteur, tel un empereur romain regardant l’arène), et une foule plus courtoise que lors d’autres productions de 514. Connected 2000 faisait partie de la troisième édition d’un événement transcontinental de méga-raves simultanés dans différentes villes: Atlanta, Seattle, Calgary, Montréal et Toronto (où la police a d’ailleurs débarqué en force, faisant avorter le party en arrêtant 19 personnes et saisissant 300 cachets d’ecstacy!)
Nous avons été choyé car l’événement fut combiné avec la tournée d’In-Tec Records. Nous avons pu entendre Christian Smith, Trevor Rockliffe, Misstress Barbara et surtout Carl Cox. Affublé d’un chandail des Canadiens «Carl Cox #1», celui-ci a été le clou de la nuit et nous a inondés de mix techno-raves d’influence tribale. Le D.J. originaire de Manchester a vraiment compris ce qu’est l’essence musicale. Il sait incontestablement jouer avec ses platines de manière à ce que chaque scratch, chaque mix, chaque manipulation suive l’esprit du rythme. Il réussit ainsi à combiner agressivité et subtilité d’une main de maître. Lui a succédé la maintenant réputée D.J. montréalaise Misstress Barbara, qui nous a offert un jeu de vinyles moins provocateur qu’à l’accoutumée mais tout aussi intense du début à la fin. Soulignons aussi l’excellente initiative d’inclure (enfin!) une salle drum’n’bass au party-rave de 514. Bref, une soirée franche et bien réussie pour un rave commercial de 8 000 personnes. (Étienne Côté-Paluck)_