I Musici/Mozart et Salieri : Génies électriques
Musique

I Musici/Mozart et Salieri : Génies électriques

L’histoire de Mozart et de Salieri n’a pas inspiré que des cinéastes. Rimski-Korsakov avait déjà écrit un opéra sur un texte de Pouchkine consacré aux deux compositeurs. C’est cette pièce que jouera l’ensemble I Musici, qui ajoutera à son programme le magnifique Requiem de Mozart. Que serait un printemps sans Mozart?

La rivalité entre Mozart et Salieri – ou plutôt la jalousie de Salieri envers son «Divin» collègue – est bien connue grâce à l’Amadeus de Peter Shaffer, mais surtout depuis que Milos Forman en a fait un film. Bien avant eux, Pouchkine, dont on soulignait l’an dernier le 200e anniversaire de naissance, s’était penché sur cette relation complexe qui pose de façon concrète la lancinante question du génie. Rimski-Korsakov, en 1897, mettait en musique la «petite tragédie» de son compatriote poète, qu’il intitulait, tout simplement, Mozart et Salieri. L’opéra de chambre fut endisqué par I Musici de Montréal en 1993, avec les chanteurs Vladimir Bogachov et Nikita Storojev, sous étiquette Chandos. L’ensemble reprend l’oeuvre cette semaine dans le cadre d’un concert qui présente également le Requiem de Mozart. L’opéra sera chanté cette fois par la basse Dimitri Kanevsky et le ténor Vladimir Baka. La soprano Monique Pagé, la mezzo-soprano Renée Lapointe et le Choeur Melodium s’y joindront pour interpréter le Requiem.
Pour Yuli Turovsky, directeur artistique d’I Musici, Mozart et Salieri est une oeuvre remarquable. «Rimski-Korsakov y a fait un travail important, très expérimental pour l’époque. D’abord parce que c’est un opéra de chambre avec seulement deux personnages, mais aussi parce qu’il a mis en musique les mots de Pouchkine en privilégiant le texte. Il s’agit plus de conversations que d’arias. C’est chanté, mais la mélodie épouse toujours les paroles, les inflexions du texte. Ici, ce ne sont pas les mots qui soutiennent la mélodie, c’est l’inverse.» Souvent, à l’opéra, comme le souligne le chef d’orchestre, la musique est magnifique, alors que du point de vue littéraire, on peut observer de graves lacunes… «Mozart et Salieri, en revanche, est vraiment un chef-d’oeuvre de Pouchkine.» Le musicien voit d’autre part un rapprochement à faire entre Mozart et Pouchkine. «Même dans les oeuvres les plus optimistes de Mozart, il y a toujours quelques mesures sombres, presque tragiques C’est quelque chose que l’on retrouve aussi chez Pouchkine.»
L’oeuvre, donnée en version concert, sera chantée en russe, avec surtitres. «Pour les gens qui ne comprennent pas le russe, c’est un problème, c’est vrai. Mais l’authenticité des textes est très importante, c’est la musique en soi. Même si l’on ne comprend pas les mots, on peut saisir la beauté de la langue, la beauté des phrases…», déclare un Turovsky plus qu’emballé à l’idée de diriger à nouveau Mozart et Salieri. Le directeur artistique souligne avec fierté que Salieri était un des rôles préférés de la légendaire basse russe Fiodor Chaliapine, qui créa l’oeuvre le 7 décembre 1898 à Moscou. Les chanteurs qu’il fait venir pour le concert du 12 avril arrivent d’ailleurs directement de Moscou. La basse Dimitri Kanevsky est soliste au Nouvel Opéra de Moscou, une institution qui, selon Yuli Turovsky, surpasse maintenant le Bolchoï en popularité. Quant à Vladimir Baka, il est soliste à la Philharmonie de Moscou.
Rimski-Korsakov, en composant son petit opéra, a rendu hommage à Mozart en le citant à plusieurs reprises. On peut entendre un court extrait de Don Giovanni, des Noces de Figaro, ainsi que le début – les 16 premières mesures – du Requiem. «C’est un très beau lien pour le programme», indique Yuli Turovsky qui dirigera le Requiem pour la première fois. La seule chose curieuse, c’est que Pouchkine, dans son texte, a fait comme si Mozart avait terminé l’oeuvre lui-même. Plusieurs spécialistes de Pouchkine se sont penchés sur la question, et personne n’a encore compris, d’autant plus qu’il était un bon historien. Il y a sûrement une raison!» Le chef d’orchestre a utilisé, pour ce concert, une version rarement entendue du Requiem, complétée à partir de plusieurs sources. «Pour moi, il s’agit de la meilleure version possible, parce qu’elle utilise toutes les ressources disponibles, choisissant ce qu’il y a de meilleur.»

I Musici de Montréal sera au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts le 12 avril, à 20 h, pour ce concert Mozart-Rimski-Kosakov. Le 15, l’orchestre de chambre sera à la salle Claude-Champagne dans le cadre d’un concert commémorant le 85e anniversaire du génocide arménien; et les 27 et 28 avril, à la salle Tudor du magasin Ogilvy pour une présentation des Variations Goldberg pour cordes, à 11 h et 17 h 45.

«Big Ben» à Montréal
Familièrement surnommé «Big Ben», le ténor Ben Heppner fait de chacune de ses trop rares apparitions au Québec des événements sensationnels. Cet interprète adulé dans le monde entier, et reconnu notamment comme un des meilleurs représentants du répertoire allemand, est originaire de Colombie-Britannique. Son enregistrement Great Tenor Arias, Opéras romantiques allemands lui a valu le prix Juno 1999 «Album classique de l’année-catégorie musique vocale». Après un concert mémorable au Festival de Lanaudière l’été dernier, il revient à Montréal, invité par la Société musicale André Turp, le 9 avril, à 19 h, au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts. Accompagné du pianiste Craig Rutenberg, le ténor chantera Beethoven, Rachmaninov et des extraits de Mon coeur secret, disque populaire du chanteur. Ben Heppner donnera une séance de signature au magasin Archambault-Berri le samedi 8 avril, à 14 h. Pour en savoir plus sur un des plus grands ténors de notre époque, on peut visiter le site officiel d’Heppner à l’adresse suivante: www.benheppner.com

La Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach avec Les Violons du Roy
Déjà, si on se fie à l’envergure habituelle des interprétations des Violons du Roy et de La Chapelle de Québec, on peut s’attendre à ce que la Passion selon saint Matthieu présentée la semaine prochaine à Montréal soit un des grands moments de musique de la saison. Mais quand on sait en plus qu’il s’agit de l’oeuvre que Bernard Labadie, directeur artistique des deux ensembles, emporterait avec lui sur une île déserte, alors on peut s’attendre à quelque chose d’encore plus grandiose… bien qu’on ait peine à l’imaginer. Se joindront à la Chapellede Québec les Elora Festival Singers et le Choeur d’enfants de l’école F.A.C.E. Les solistes seront Scot Weir, ténor, Stephen Powell, baryton, Karina Gauvin, soprano, Catherine Robbin, mezzo, Alan Bennett, ténor et Stephen Varcoe, baryton. Le 13 avril, salle Claude-Champagne, 19 h 30.

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