Joseph Arthur : Trois fois passera

Joseph Arthur

, qui a grandi à Akron, Ohio, s’arrête un beau milieu de la conversation, puis rappelle un bref instant tout le chemin parcouru: «Dans mon for intérieur, je suis toujours "white trash"», tranche-t-il, faisant allusion à son patelin du Midwest. Un constat autodérisoire qui illustre bien qui est Joseph Arthur: artiste multidisciplinaire au seuil de la trentaine établi à New York. Poète sombre et reclus, touche-à-tout compulsif et recycleur de cossins, et, heureusement pour nous, transmetteur de musiques intelligentes, sorte de matière folk aux entournures imprévisibles.
Ses trois escales à Montréal permettront enfin de découvrir ce singulier personnage qui s’arrête chez nous afin de nous présenter Come To Where I’m From, son troisième et séduisant compact. Pourquoi trois fois plutôt qu’une? Il appelle ça des «résidences».
«Les résidences sont une bonne chose, en grande partie due à l’expérimentation récurrente d’un spectacle à l’autre; chaque prestation étant différente, les gens viennent donc vous voir plus souvent. J’utilise la scène comme un laboratoire: aussitôt le concert terminé, j’aime savoir ce que le monde en pense. Une chose impensable lorsque je joue mes quarante minutes en première partie devant l’auditoire de quelqu’un d’autre comme Ben Harper, par exemple.»
C’est qu’Arthur joue seul. Et qu’il s’échantillonne lui-même pendant son spectacle: «Je repasse mes samplings en playback, et en écoutant ma voix, je m’accompagne en harmonie, et ainsi de suite. Cela peut sembler compliqué, mais au fond, c’est un procédé assez simple. Il n’y a rien de préprogrammé, tout se passe sur scène. Cela occasionne un élément de danger qui m’amène à improviser; après tout, n’est-ce pas cela qui rend un spectacle intéressant?» Cette forme de recyclage des climats souvent austères possède toutes les similarités de ses autres passions. Suffit de jetter un regard sur ses dessins qui ornent son compact, autant à l’extérieur qu’en dedans: des moribonds, des insectes, des isages glauques: «Ça provient de quelqu’un qui a vécu son holocauste personnel.» Il aurait même déjà avoué «qu’il paraît beaucoup mieux en dehors qu’en dedans. Et qu’il ne paraît pas si bien que cela!»
Y voit-il un lien entre cette forme de recyclage urbain et le fameux «pop art» d’Andy Warhol? «Tu es la première personne à faire ce parallèle et effectivement, Warhol a eu une influence énorme sur moi. Mon rêve est d’acheter un vieil entrepôt et de le transformer en lieu de création. C’est en adhérant à des mouvements et en instaurant des tendances que les choses les plus intéressantes se produisent. C’est ma philosophie alchimiste, je suppose.»
Peter Gabriel, on le sait, l’a pris sous son aile chez Realworld, et c’est aux studios de Bath qu’Arthur a enregistré Big Secrets en 1997: «Je vendais des guitares dans un magasin de New York et quelques semaines plus tard, j’étais dans le studio de Gabriel. Un jour, durant l’enregistrement, il est venu faire son tour en compagnie de Joe Strummer. C’était assez bizarre, merci.»
«Aussi bizarre que la fois où Lou Reed et Gabriel sont venus me voir jouer à mes débuts: j’étais à genoux dans les toilettes en train de prier tellement j’étais terrorisé. Imagine, je viens d’Akron, Ohio, puis Gabriel et Brian Eno font des back-up sur tes chansons. À un moment donné, t’arrêtes de freaker et cette situation devient ta propre réalité. Tout ce cheminement est pour moi conséquent avec le fait de devenir adulte. Je change beaucoup, je deviens plus pacifique. En tout cas, je ne suis pas sur un "ego trip"…»

Les 29avril,13 et 27 mai
Au Jailhouse
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