Musique

Live à Montréal : Festival Medley BluesOasis,TravisNine Inch NailsA Perfect Circle

Festival Medley BluesAu Medley, du 19 au 30 avril

Malgré une sixième édition au budget modeste, et une programmation qui l’était tout autant, la bamboula blues qui s’est achevée dimanche dernier s’est avérée la fête populaire que ses organisateurs souhaitaient. Mais est-ce que ces dix jours d’activités lui auront permis de se transformer en événement de calibre international? Pas encore. Qui plus est, on ne peut même pas parler d’atteindre une vitesse de croisière, puisque cette édition en était une de compression; budget réduit oblige, on a opté pour le «local-pas cher», comme on l’avait fait l’année dernière.

Commençons par un show que je n’ai pas vu, mais qui, au dire des quelques chanceux qui étaient sur place samedi dernier, fut le haut fait de cette dizaine: celui de Jonas and The Bluesblooded. À vrai dire, je ne suis nullement étonné. On a vu Jonas casser la baraque à maintes reprises, s’époumonant sur un blues-rock acide et cinglant, complètement emprunté, mais livré avec un abandon total. Bravo le kid! Le scénario était écrit d’avance: le show de Jonas a galvanisé ce festival.

On ne peut malheureusement pas en dire autant de Thomas Chapland, qu’on s’évertue à nous vendre comme un prodige. S’cusez, mais non. Aussi subtil qu’une tondeuse à gazon, l’adolescent au visage lunaire n’a absolument rien, ni dans son jeu ni dans son désolant choix de répertoire, pour épater. Que du réchauffé (Voodoo Chile) caricaturé à gros traits, une six cordes inutilement suramplifiée, le tout noyé dans un magma rock embrouillé.

Dawn Tyler, qui fit la part belle aux multiples guitaristes à l’affiche, a certainement gagné des points. Surtout que son band est vraiment un bon groupe de soutien: solos concis, variété dans les échanges, polyvalence dans tous les répertoires. Tyler n’a pas la voix d’une blueswoman, mais elle compense par l’assurance et le charisme. C’est déjà beaucoup. Steve Hill, qui a toujours la cote, nous a glissé deux nouvelles pièces; et, ce n’est pas une grande surprise, Colin James a donné un show moins que convaincant avec un mini big band, mais la salle comble a beaucoup aimé, malgré une sono douteuse. Les Jalouses du blues n’ont absolument rien révolutionné, mais soulignons le travail honorable des chanteuses Carole Vincellette et Trudy Lynn. Selon l’organisateur Jamil Azzaoui, les recettes furent meilleures que l’année dernière malgré une baisse d’assistance de 15 %. On nous promet un commanditaire majeur l’an prochain. (Claude Côté)

Oasis, Travis
Le 29 avril, Au Maple Leafs Gardens, Toronto

En ce beau samedi d’avril, il y avait une question qui courait sur toutes les lèvres à Toronto, à part l’issue de la partie des Maple Leafs: est-ce que l’imprévisible Liam Gallagher allait déguerpir pendant le spectacle qu’Oasis donnait au Maple Leafs Gardens, comme il l’a fait à de nombreuses reprises? Non, ce dernier est bel et bien resté au poste pendant toute la soirée. Mais cela n’a rien changé à la performance du groupe, qui a été à la hauteur de sa réputation, c’est-à-dire ordinaire. On ne peut pas dire que les Anglais aient livré un spectacle mémorable en alignant les chansons de leur dernier album, toutes aussi molles les unes que les autres. C’est bien dommage, mais ces pièces ne lèvent pas sur scène. Et quand une formation se réfugie dans ses succès comme Oasis l’a fait (ils ont joué cinq chansons de leur premier disque), c’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas.

Donc, il faut se rendre à l’évidence: Liam manque totalement de charisme et de présence, ce qui n’aide pas du tout le groupe. Tout ce qu’il sait faire à part beugler, c’est se déplacer comme un babouin, faire des grimaces, haranguer vertement le public et mettre sa tambourine dans sa bouche. En plus, il a le culot d’aller se cacher en arrière de la scène lorsque son frère Noel prend le micro à sa place. Pitoyable.

Pour se donner du coeur à l’ouvrage, Oasis devrait prendre exemple sur le groupe qui assure sa première partie: Travis. En quarante-cinq minutes, les quatre Écossais ont livré une prestation impeccable, remplie de ferveur et d’émotion. Même s’ils ont commencé lentement avec All I Wanna Do Is Rock et Good Feeling, deux chansons plus faibles tirées de leur premier album, ils se sont rattrapés de main de maître en offrant au public les morceaux du merveilleux The Man Who. Travis aurait pu se casser la gueule en essayant de reproduire ses compositions mélancoliques, mais il a su relever le défi avec une grande aisance. Le secret: la simplicité. Jamais on n’a senti que le groupe se prenait au sérieux. Contrairement à Liam Gallagher, le chanteur et guitariste du groupe, Fran Healy, sait faire preuve de présence sur scène. On ne souhaite qu’une chose: qu’on les amène à Montréal de toute urgence. (Frédéric Boudreault)

Nine Inch Nails, A Perfect Circle
Au Centre Molson, le 30 avril

En ce jour du Seigneur, le Centre Molson n’était pas tout à fait plein (moins de dix mille personnes, en fait), mais on pouvait y déceler la fébrilité des grands jours. Patients et polis, les spectateurs ont écouté distraitement la performance d’A Perfect Circle, nouvelle formation de Maynard Keenan, chanteur de Tool. Lorsque Trent Reznor, Mr. Self-Destruct lui-même, s’est lancé sur scène, il l’a fait avec la même rage et la même énergie qu’il infuse à son rock glauque depuis ses débuts, il y a plus de dix ans. L’âme damnée du rock fin de siècle (sera-t-il celle du siècle à venir?) a tout donné, s’agitant sous une impressionnante scénographie reposant sur une immense structure métallique et trois écrans, que les spectateurs n’ont vraiment découverts qu’à la mi-concert. En effet, pour les premiers morceaux, l’appareil reposait à l’horizontale, quelques centimètres au-dessus de la tête des musiciens, renforçant le sentiment de claustrophobie et d’aliénation déjà très présent dans la musique de NIN. Lorsque les écrans se sont redressés, on a pu voir l’ampleur des moyens techniques déployés, et goûté à un défilé d’images évocatrices (une alternance de représentations de feu et d’eau). Hypnotisé par cette démonstration et par l’avalanche de décibels, on ne pouvait s’empêcher de penser à ce concert que Nine Inch Nails avait donné il y a cinq ans, dans l’ancien Forum. Dans la froideur de janvier, Reznor nous avait flanqué une véritable claque, établissant le standard des shows d’aréna pour l’année à venir. Bien que moins high-tech, ce concert m’avait paru plus fort. Cette fois-ci, malgré la puissance des moyens et une performance irréprochable de l’ensemble du groupe (mention spéciale au guitariste, véritable showman aux airs de Ziggy Stardust cyberpunk), l’effet de surprise semblait s’être émoussé. Comme si, à force d’avoir été plagiée à gauche et à droite, la musique de Reznor avait perdu un peu de son âme et de son pouvoir d’étonnement. Les moments mémorables furent nombreux (Closer toujours aussi glauque, March of the Pigs, toujours aussi décapante, Head Like a Hole, toujours aussi efficace), mais ils évoquaient tous le passé de NIN. Reznor sera-t-il encore aussi essentiel dans ce nouveau millénaire? (Nicolas Tittley)