Musique

Tahiti 80 : Langue seconde

Comme son nom ne l’indique pas du tout, Tahiti 80 est un groupe français qui chante en anglais. Jusqu’ici, rien de bien étonnant. Mais lorsqu’on porte attention aux détails de la production de leur récent album, le bien nommé Puzzle, l’histoire se complique.

Comme son nom ne l’indique pas du tout, Tahiti 80 est un groupe français qui chante en anglais. Jusqu’ici, rien de bien étonnant. Mais lorsqu’on porte attention aux détails de la production de leur récent album, le bien nommé Puzzle, l’histoire se complique. Enregistré à New York en compagnie d’Andy Chase (du groupe franco-américain Ivy), puis mixé en Suède par Tore Johansson (réalisateur attitré des Cardigans), Puzzle fut lancé par Atmosphériques, le label de Louise Attaque, et il fait actuellement un tabac au Japon où il s’est mieux vendu que le dernier Bon Jovi la semaine de sa sortie. Vous me suivez toujours? Tout ça avec un son terriblement british, qui évoque inévitablement celui des Zombies et des Kinks. Bref, le quartette originaire de Rouen ratisse large… «Étant français, on n’a aucun complexe à voler les meilleurs éléments de chaque pays, de chaque culture, avoue le chanteur Xavier Boyer, joint au téléphone en Californie. On a un son très britannique, c’est vrai; mais on tenait à enregistrer aux États-Unis pour que la réalisation ait ce côté plus chaud, plus groove, car on est aussi de grands fans de musique afro-américaine.»

Étrangement, la musique mélodique, charmante et presque naïve que pratique Tahiti 80 ne connaît qu’un bien mince succès dans les pays qui l’ont lancée. En terre d’Albion, il y a belle lurette que Teenage Fanclub a délaissé les palmarès; et en Amérique, les groupes pop sont confinés à un certain monde underground dont le label Minty Fresh, qui a récupéré Puzzle, est l’un des plus ardents défenseurs. «À la base, la musique que nous faisons n’est ni japonaise ni française ou hollandaise; mais il existe dans chacun de ces pays une scène pop très vivante, qui réinterprète à sa façon le genre, explique Xavier. Même en Amérique et au Royaume-Uni, il existe des groupes dont on se sent proche, comme Ivy ou Gorky’s Zygomatic Minci, qui participent tous à cette espèce de réseau pop international.»

Pas étonnant que Tahiti 80 obtienne autant e succès auprès des Japonais, «des gens aux oreilles très éduquées», selon Xavier, qui connaissent et comprennent immédiatement certaines de leurs références plus obscures, comme les Left Banke, dont il reprennent sur scène Desiree. Mais la référence ultime du groupe, comme on l’a mentionné plus haut, c’est les Kinks. Xavier a même consacré l’une des chansons de l’album à son idole Ray Davies, dans laquelle il avoue ouvertement sa jalousie envers l’auteur de Waterloo Sunset: «Il me fout des complexes, parce qu’il est considéré comme un songwriter et pas moi… du moins pour le moment», peut-on entendre dans le refrain. Fausse modestie? «C’est amusant, car tout le monde nous parle de ce morceau, qui est l’un des premiers qu’on ait écrits, lance Xavier. Évidemment, Ray Davies gagnera toujours au jeu des comparaisons. Avec ce texte, on voulait simplement montrer notre attachement à une forme classique de songwriting. Quant à la dernière partie de la phrase, je l’ai écrite comme une boutade, dans l’espoir que les gens me disent: «Mais non, mais non… toi aussi t’es capable d’écrire des chansons.» Peut-être que sur le prochain disque on laissera faire les hommages aux pop-stars et qu’on écrira sur des hommes politiques…» Mais non, mais non…

Le 14 septembre
Au Café Campus

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