Media Lounge/Richard H. Kirk : Capitaine Kirk
Musique

Media Lounge/Richard H. Kirk : Capitaine Kirk

En s’inscrivant comme le volet musical et sonore du Festival international du nouveau cinéma et des nouveaux médias, le Media Lounge est devenu un lieu de découvertes pour les amateurs de nouvelle musique électronique. Cette année, on y reçoit un pionnier du genre: Richard H.  Kirk.

Il fut un temps où le Media Lounge n’était qu’une curiosité, un appendice négligé du tentaculaire Festival du nouveau cinéma et des nouveaux médias. Peu à peu, le ML est devenu un rendez-vous incontournable des amateurs de créations visuelles informatisées et de nouvelles sonorités électroniques. Alain Mongeau, responsable de la programmation, croit tellement à l’intérêt du public montréalais pour les nouvelles musiques électroniques qu’il a même lancé, au printemps dernier, le festival Mutek. Aujourd’hui, avec deux événements majeurs, les amateurs d’électro cérébral ont réellement quelque chose à se mettre sous la dent.

Interrogé sur ses coups de coeur de la présente édition, Mongeau nous suggère de jeter une oreille au groupe de Québec Eltractor, à la soirée réunissant Burnt Friedman et Pole, qui présentera "un travail beaucoup plus visuel que sa performance de Mutek"; et à Thomas Brinkmann, un autre participant à Mutek. Mais le véritable premier choix de Mongeau (outre les incontournables Coldcut, dont on vous a parlé en long et en large) est aussi le nôtre: selon nous, l’événement à ne pas manquer cette semaine est sans aucun doute la venue du membre fondateur des pionniers électro Cabaret Voltaire, Richard H. Kirk.

Après vingt-cinq ans d’explorations sonores, de l’industriel à l’ambient, en passant par la house et l’électro, Kirk reste aussi actif, même depuis la séparation de Cabaret Voltaire. Installé depuis toujours à Sheffield, au nord de l’Angleterre, l’homme continue d’arpenter les rues à la recherche de sons, qu’il utilise dans l’impressionnante quantité d’enregistrements qu’il lance depuis quelques années sous des noms comme Sandoz, Electronic Eye ou Sweet Exorcist. "Je ne suis pas du genre à rester accroché à un seul truc, confie l’homme, joint à sa résidence. Je travaille très rapidement parce que j’essaie de transposer une émotion brute; et le fait de passer des mois en studio a tendance à émousser le feeling initial. Lorsque j’ai un bon flash, je cours en studio et je me lance. Si je bute trop longtemps sur une idée, c’est probablement qu’elle n’est pas bonne."
Intuitif à l’extrême, Kirk n’est même pas sûr de ce qu’il présentera à Montréal, lors de son concert intitulé Subduing Demons. "Il y aura un aspect multimédia, c’est évident, car pour moi, le son et l’image sont presque indissociables. Mon visuel risque de paraître lo-fi par rapport à certaines créations offertes au festival, mais il colle bien à mon univers. Je choisirai dans certains de mes collages sonores tirés des disques Loopstatic (un disque qui porte bien son nom, ndlr) et Neurometrik, en laissant beaucoup de place à l’improvisation."

Si, aujourd’hui, certaines de ses techniques peuvent paraître archaïques aux adeptes du numérique à tout crin (l’homme, après tout, travaille essentiellement avec une instrumentation analogique), sa démarche, elle, est toujours aussi actuelle qu’elle l’était il y a un quart de siècle. Et malgré le peu de reconnaissance que lui accorde le grand public, on le traite avec une certaine déférence. Après tout, l’homme a influencé plusieurs générations de musiciens électronica, dont Underworld et les Chemical Brothers. Mais ce type de gloire, c’est bien connu, ne met pas de beurre dans les épinards. "C’est pas facile tous les jours d’être un artiste underground; mais je ne changerais de place pour rien au monde, lance Kirk. Lorsque Cabaret Voltaire était sur un major, les choses étaient lourdes, il fallait se plier au jeu de la promotion, des tournées. Aujourd’hui, je fais mes trucs quand je veux, avec qui je veux."

Fan de William Burroughs et du mouvement dada (le nom de Cabaret Voltaire fut d’ailleurs choisi en référence au troquet où Tristan Tzara et ses amis avaient l’habitude de se réunir), Kirk a toujours pratiqué le collage sonore. Effectivement, même si la technologie a évolué, on ne peut s’empêcher de suggérer que l’homme fait la même chose depuis vingt-cinq ans. "Ce que je réalise aujourd’hui est intimement lié à ce que je faisais à mes débuts. Ma musique a toujours reposé sur la répétition, le collage et les sons trouvés. Le sampling, que les gens considèrent si normal aujourd’hui, c’était autre chose dans les années 80, lorsque ça se faisait avec du ruban et des ciseaux! À l’époque, on passait des heures en studio rien qu’à ajuster le volume d’un micro pour la batterie, alors qu’aujourd’hui, on n’a qu’à piquer la batterie d’un autre en l’échantillonnant, et hop!, l’affaire est dans le sac…"
Étrangement, on sent presque une certaine nostalgie chez Kirk lorsqu’il évoque ces longues heures passées à coller des bouts de rubans magnétiques. Pense-t-il, comme plusieurs ennemis de la technologie moderne, que la musique a perdu un peu de son âme lorsque ladite technologie a permis une démocratisation totale des moyens de production? "Oui, je crois que les choses sont un peu trop faciles aujourd’hui. L’idée que n’importe qui puisse faire de la musique a quelque chose de séduisant; mais l’ennui, c’est que plusieurs de ces musiques ne méritent pas d’être entendues! Peut-être que je suis un peu old school au fond."

Le 15 octobre
Au Media Lounge
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