Quatuor Claudel : Cordes sensibles
Le Quatuor Claudel interprétera Mozart, Schubert, mais également les compositeurs canadiens Brian Cherney et Heather Schmidt. Une occasion de redécouvrir des classiques et de mieux connaître la musique d’ici, d’aujourd’hui.
C’est sous le drôle de titre Mozart et ses contemporains (puisqu’il n’y en a aucun au programme) que le Quatuor Claudel donnera le 28 mai, à la salle Pierre-Mercure, un concert durant lequel seront présentés deux premières montréalaises et deux classiques de la littérature pour quatuor. De Franz Schubert, le Quartettsatz (Mouvement de quatuor) de 1820, qui fut composé durant des années de création difficiles pour un compositeur qui avait été jusque là-si prolifique (à 23 ans, son catalogue comptait déjà 700 oeuvres!); après avoir écrit un premier mouvement, il mettra un terme à l’oeuvre à la quarantième mesure du second. Si ce Quatuor no 12 est demeuré inachevé, comme sa célèbre Symphonie no 8, composée deux ans plus tard, il n’en marque pas moins une étape importante dans la vie et l’évolution de l’écriture de Schubert et il demeure l’un de ses quatuors les plus souvent interprétés.
Vient ensuite au programme le Quatuor en ut majeur, dit "des dissonances", de Mozart. C’est le dernier des six quatuors, composés entre 1782 et 1785, que le compositeur dédia à son maître Haydn. Le dédicataire apprécia l’oeuvre au point de dire au père de Wolfgang: "Votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom." Que pourrais-je bien ajouter après un tel jugement?
Le Quatuor Claudel aura donné ce même concert en première au festival Cordes du futur d’Ottawa quatre jours avant que nous puissions y assister à Montréal. Pour l’occasion, le festival a commandé une oeuvre à Brian Cherney spécialement pour le Claudel, qui a déjà créé son troisième quatuor. Professeur de composition, d’analyse et d’histoire de la musique à McGill depuis 1972, Cherney, qui a reçu des commandes de nombreux ensembles et musicens du Québec et d’ailleurs, livre ici son Quatuor à cordes no 5. D’exécution "très très difficile", me confiait le premier violon Élaine Marcil, l’oeuvre est dédiée au Quatuor Claudel, et Ottawa en aura bien sûr la première mondiale.
Le Quatuor, dont le nom est un hommage à Camille Claudel, reste fidèle à sa tradition de présenter une oeuvre composée par une femme. Cette fois-ci, Heather Schmidt, compositrice en résidence au Festival d’Ottawa, et pianiste accomplie, accompagnera Élaine Marcil et Marie-Josée Arpin (violons), Annie Parent (alto) et Chantal Marcil (violoncelle) dans l’interprétation de son Quintette avec piano.
Le 28 mai à 20 h
Salle Pierre-Mercure
Mozart face à un nouveau monde
Le festival Cordes du futur, qui débutait le lundi 21 mai, se tient tous les deux ans à Ottawa et semble l’endroit tout désigné pour amorcer avec un peu d’avance la ronde des festivals d’été. Une douzaine d’ensembles d’ici et d’ailleurs y présentent 22 concerts en sept jours dans l’enceinte du Musée des beaux-arts du Canada. Beethoven (six oeuvres) et, bien sûr, Mozart (12) sont à l’honneur, mais on retrouve aussi avec plaisir Piazzolla, Scelsi, Schoenberg, Stravinski et Xenakis, sans oublier Vincent Collard (en première mondiale) ou Linda Bouchard. Et les magnifiques Ramifications de Ligeti. Une belle initiative menée par la directrice Claude Infante depuis 1997. On nous promet "Technologies et spiritualité" pour la prochaine édition, axée sur le Japon, l’Inde et l’Afrique, en 2003. Allez voir la programmation à l’adresse cordesdufutur.com.
Lulu
La compagnie lyrique de création Chants Libres reprend, pour un soir seulement, ce 24 mai à la salle Pierre-Mercure, son opéra techno Lulu – Le Chant souterrain. À la création, la mise en scène de Wajdi Mouawad n’avait rien à envier en redondance à la musique techno d’Alain Thibault, qui semblait presque inachevée à force de dépouillement. Ces motifs répétitifs, en musique et sur scène, sont repris dans le propos du librettiste Yan Muckle en une spirale sans fin où la mythique Lulu affronte pourtant l’inéluctable. Celui-là se cache sous les traits de Paul Savoie et c’est à Pauline Vaillancourt qu’il en veut. Esthétique sadomaso en prime. Si ça vous chante…
Le 24 mai, à 20 h
À la salle Pierre-Mercure
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Chronique disque
Compositions/Démonstrations 1946-1974 / Hugh Le Caine (JWD)
Hugh Le Caine (1914-1977) s’est joint au Conseil national de recherche du Canada en 1939 et s’y est distingué par ses travaux en physique atomique et le développement de systèmes de radar. Mais à la maison, il utilisait ses connaissances scientifiques pour concocter des instruments de musique d’un nouveau genre. Ceux-ci obtinrent un tel succès que le CNRC l’autorisa en 1954 à se consacrer à temps plein à son dada. Il pourra donc perfectionner le saqueboute ou l’orgue à touche sensible, et procéder à des expériences qui comptent parmi les premières musiques concrètes (Dripsody 1955). Certaines de ses inventions ne trouveront des applications que dans les années 80! Gayle Young, directrice du magazine torontois Musicworks, dirige aussi le Hugh Le Caine Project depuis le début des années 80. Un premier vinyle regroupant quelques extraits du compact alors en gestation est paru en 1985. On comprend, bien sûr, qu’il ne s’agit pas ici du disque d’un grand compositeur dont la musique fera vibrer les foules, mais plutôt d’un recueil d’exemples, ou de documents d’archives. L’intérêt n’en est pas moins grand. Comme Schaeffer en France ou Max Mattews aux États-Unis, Le Caine est un de ces pionniers dont il fait bon retrouver la fraîcheur. Ceux qui ont construit les machines que réclamait Edgar Varese. Le Caine disait: "Ce que le compositeur de musique électronique doit développer par-dessus tout n’est pas la compréhension des appareils, mais une nouvelle compréhension du son." Le disque est en vente par correspondance en passant, entre autres, par le site hughlecaine.com.