Ariane Moffatt : Au fil de l'eau
Musique

Ariane Moffatt : Au fil de l’eau

Depuis qu’elle a lancé son premier album, Aquanaute, tout baigne pour la jeune auteure-compositrice-interprète, qui s’est attiré bien des éloges pour son adroite fusion de chansons pop et d’habillage électronique. Mais le show qu’elle présente marque un tournant majeur, un saut de l’aquarium à l’océan.

Ariane a vécu son baptême de scène pour Aquanaute lorsqu’on l’a balancée sur la grande scène des Francos en 2002. "On a simplement plongé. Trois répétitions et c’est tout! se souvient-elle avec l’un de ses petits rires si caractéristiques. À ce moment-là, je n’étais pas encore à même de palper le pouls du public. Je n’avais aucune idée de la façon dont l’album avait été perçu par les gens, et leur réaction a été au-delà de mes plus folles espérances. Les étoiles étaient bien alignées et j’avais derrière moi un band tellement fort, tellement solide, que je n’en revenais tout simplement pas.

C’était tout simplement magique, surtout de pouvoir voir les gens comme ça, en pleine lumière. J’ai été une grande fan de Tori Amos, je connaissais toutes ses chansons par cœur, lance-t-elle, marquant une pause pour s’assurer qu’on n’ira pas interpréter son analogie comme de l’arrogance. Je n’essaie nullement de faire une comparaison, mais cette fois-là, j’ai senti qu’il y avait devant moi des gens qui étaient dans ma bulle, un peu comme j’avais pu me sentir dans la bulle de Tori. La musique n’est qu’un véhicule, une manière d’exprimer mon envie de communiquer, d’entrer en relation avec les autres. Je veux connaître le monde, avoir des relations réelles avec les gens."

La comparaison n’est pourtant pas si boiteuse. Comme madame Amos, Ariane Moffatt arrive à tisser avec son public, en particulier ses fans féminines, un lien d’intimité peu commun. C’est particulièrement manifeste dans une pièce comme Poussière d’ange, qui traite, sur le mode poétique, de l’avortement. "Je ne me suis pas dit: tiens, je vais écrire une chanson sur l’avortement! Je me suis contentée d’écrire une chanson sur ma meilleure amie, c’est tout. Je ne voulais pas prendre position, je voulais simplement parler des sentiments qui agitent quelqu’un qui vit un événement aussi marquant. La première version que j’avais faite était très littérale, plus crue, et en me laissant aller à l’émotion, j’ai réussi à en faire une chanson où on sent percer la lumière, une chanson sur la vie."

Ombre et lumière
En personne, Ariane Moffatt séduit immanquablement par son inextinguible sourire et son optimisme à tout crin. Pourtant, avec Aquanaute, elle effectue une véritable plongée en apnée dans les profondeurs de l’inconscient sur un fond de trip-hop qui appelle la mélancolie.

"Bien sûr, il y a une tristesse qui est constante sur l’album, mais elle n’est pas destructrice. Même si l’album se passe beaucoup sous l’eau, j’ai essayé d’y insuffler de l’air. T’as déjà fait de la plongée? T’as pas idée de la lumière qu’il y a au fond de l’eau; c’est ça que je voulais montrer."

Ombre et lumière, légèreté et profondeur, électronique et acoustique… Ariane Moffatt est une fille de contrastes assumés. Elle refuse de se limiter dans ses explorations sonores. "Je suis revenue sur ma décision première. Au début, le disque aurait dû être beaucoup plus électronique mais je me suis rendu compte que j’aimais trop les sonorités acoustiques et organiques et que ce que je désirais vraiment, c’était mélanger les deux de la manière la plus fluide possible. C’est pas parce que le goût du jour était plutôt à l’électronique, au trip-hop ou whatever que j’allais renier mes envies."

Cette liberté artistique, la chanteuse est en train d’en faire sa marque de commerce. On est loin de ses débuts avec TenZen, un groupe créé par d’autres, où elle n’avait pas vraiment sa place. "C’est sûr qu’ils avaient besoin de quelqu’un et je me suis un peu battue contre ça. À un moment donné, il a vraiment fallu que je parte parce que ma vision n’était plus du tout en synchronisme avec celle du reste du groupe. Je suis partie de moi-même, comme j’étais arrivée. Reste qu’aujourd’hui, je suis très fière de l’album de TenZen; pour un premier enregistrement, c’est quelque chose dont je n’ai pas à avoir honte."

Très tôt, Ariane a donc su qu’elle ne pourrait se satisfaire de jouer les potiches chantantes. Forte d’une formation musicale au Cégep Saint-Laurent et à l’UQAM, bénie des dieux pour ses premiers contrats d’accompagnatrice (Déry, Bélanger), elle affiche une feuille de route que peu de filles de 24 ans peuvent se vanter de partager. Certains diront qu’elle est née sous une bonne étoile, et ce n’est pas la principale intéressée qui les contredira: "J’ai eu un parcours de conte de fées, c’est sûr; mais j’aime penser que j’ai créé mes propres occasions. J’ai été chanceuse de tomber sur des gens qui m’ont donné assez d’espace pour respirer. Après TenZen, je savais qu’il y avait tout un aspect de ma carrière que je n’avais aucunement l’intention de répéter, je savais que je pouvais aller tellement plus loin avec la pop."

Le 31 janvier à 20h30
Au Vieux Clocher de Sherbrooke