Spoon : À la petite cuillère
Musique

Spoon : À la petite cuillère

Que Spoon désire évoluer dans la sphère de la musique indépendante, malgré des regards de plus en plus persistants rivés sur eux, est facile à comprendre: un passage dans les ligues majeures leur aura laissé un puissant arrière-goût d’amertume.

"L’album d’Arcade Fire est tout simplement fabuleux et demeurera un classique!… C’est l’une des meilleures œuvres que j’aie entendues dans les 10 dernières années." Non, si le Texan Britt Daniel mentionne ainsi le fleuron de notre scène musicale, ce n’est pas en lien avec l’imminent passage de la formation dont il mène la barque dans la ville qui les a vus s’élever, mais plutôt parce que les deux groupes font partie du clan Merge, étiquette indépendante établie à Chapel Hill, en Caroline du Nord. "Nous sommes très bien chez Merge, j’aime la conception de la musique qu’ont ces gens et leur manière de gérer les affaires. Tout ça dans le respect artistique. Beaucoup de choses auxquelles il faut se soumettre quand on entre dans l’industrie de la musique ont tendance à me faire sentir malhonnête et pas trop net… mais pas avec eux."

Le leader de Spoon, plutôt réservé mais un tantinet rebelle, sait de quoi il parle et cela n’a rien du caprice s’il maintient ses positions avec fermeté. Même si Gimme Fiction, le cinquième album du groupe paru en mai dernier, obtient un succès appréciable, le plus important que le groupe ait connu depuis 1994, il n’est nullement question d’envisager un flirt avec de grandes compagnies de disques. L’épisode entourant la parution du deuxième album, Series of Snakes, en 1998 sur Elektra, filière de Sony, l’aura vivement échaudé, le groupe s’étant aussitôt vu remercier de manière cavalière. L’épisode a d’ailleurs été immortalisé dans les chansons Laffitte Don’t Fail Me Now et The Agony of Laffitte (Ron Laffitte étant l’homme qui les a recrutés) parues sur un EP lancé par l’étiquette Saddle Creek l’année suivant l’incident.

Une collaboration fort touchante a d’ailleurs émergé du lien amical qui s’est tissé avec l’équipe de la petite étiquette et avec des artistes gravitant autour, Daniel ayant enregistré quatre chansons pour un mini-album avec le chanteur à la sensibilité écorchée Conor Obrest (Bright Eyes).

Touché par les mélodies et les textes d’auteurs comme Ray Davies (Kinks), Cat Power, Marvin Gaye, John Lennon et John Fogerty (CCR), le chanteur à la voix de falsetto a su au fil des ans ficeler un rock qui affiche une personnalité distinctive, mais qui se renouvelle sans cesse. Les influences post-punk à la Pixies des débuts se sont par exemple estompées pour faire place à des touches évoquant les années 60 et 70. "Je dois avouer que je tire une grande fierté du fait de ne jamais reproduire la même chose d’album en album et de ne jamais tomber dans le même modèle. Mes influences et mes goûts sont demeurés les mêmes, mais la façon dont je les transpose a changé et j’arrive à les passer à travers un filtre de plus en plus personnel. Je m’impose des standards très élevés que je tiens à maintenir tant que je ferai de la musique. Sinon, je ne vois pas à quoi ça servirait de poursuivre dans cette voie."

Le 2 novembre
Au Club Soda
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