Akhénaton : Seul au combat
Musique

Akhénaton : Seul au combat

Le Marseillais Akhénaton n’a rien perdu de sa rage d’antan et contre-attaque avec un compact percutant réalisé de manière indépendante. Rencontre avec l’une des têtes pensantes d’IAM.

Dix ans après la parution de Métèque et Mat, véritable jalon du hip-hop français, Philippe Fragione, alias Akhénathon, sort de son hibernation et livre un quatrième album direct et acerbe. Disponible dans la Ville lumière depuis mars 2006, Soldats de fortune conjugue un flow toujours aussi précis et des beats bruts. Alors que certains morceaux évoquent l’époque Ombre et lumière d’IAM, d’autres amalgament de nouvelles sonorités (comme Vue de la cage). Constellé de nombreux featurings, dont Faf Larage, Toko, Saïd, Psy4 de la rime et Sako des Chiens de Paille, l’opus étonne par son éclectisme sonore et la complémentarité des voix. "C’était comme un bar open! Les gens arrivaient en studio et s’ils aimaient une track, je leur demandais de collaborer. Ça s’est fait de manière très détendue, dans un esprit fun. Parfois même, je supprimais des couplets pour que des artistes puissent participer", explique le leader d’IAM, attrapé au vol pendant ses vacances au Maroc.

Après 15 ans sous la tutelle de maisons de disques internationales (Virgin et EMI), le vétéran MC endisque pour la première fois de manière indépendante et lance le résultat sous son propre label, 361 Records. "J’aime la remise en question et cet album m’a permis, très sérieusement, de faire un bilan des choses. C’était important pour moi de devenir indépendant à cette étape de ma carrière, mais à long terme, ce n’est peut-être pas ma vocation. Il est beaucoup plus difficile de devenir indé pour un artiste qui a connu du succès que pour quelqu’un qui démarre dans la business et qui a encore tout à prouver. Ça peut très vite devenir du snobisme lorsqu’on est reconnu. Je ne suis pas convaincu que le prochain disque sera produit de la même manière", prévient Chill.

Au départ, ce qui devait s’avérer un simple mixtape se métamorphose progressivement en un double album fleuve aux nombreuses thématiques. Sur les poignantes Bien paraître, Mots blessés et La fin de leur monde, le rappeur-poète traite de nombreux maux de notre société avec des textes lucides et engagés. Comme à son habitude, le maître des rimes trouve le mot juste, la phrase coup-de-poing et pose un regard tout à fait personnel sur ce qui l’environne. "Lorsque j’ai commencé à échafauder l’album, j’ai constaté que, dans notre société, avec la vitesse à laquelle circule l’information, nous étions tous, en quelque sorte, prisonniers d’une sorte de conflit auquel on n’a pas vraiment envie de participer. Je pensais aussi aux soldats qui ont participé à la guerre du Vietnam. On les envoyait se battre dans la jungle et ils ne savaient même pas pourquoi ils se battaient! Ça a ajouté une certaine couleur politique aux textes", raconte le Marseillais âgé de 38 ans.

Préconisant l’urgence des street CD, les arrangements sobres mais efficaces et une approche globalement simplifiée, Akh enregistre rapidement et sans pression tout en évitant le peaufinage et le déluge d’échantillonnages. "Cet album, je l’ai fait sans aucun calcul. Les différences principales entre ce disque et les trois précédents se situent dans les moyens et le climat. J’ai produit ce disque dans une atmosphère beaucoup plus détendue. Pas de pression en ce qui concerne le temps ou l’argent. Un contexte super agréable pour travailler. C’est un disque moins conceptuel. En réalité, c’est un album de dépollution de mauvaises habitudes où j’ai regardé devant et derrière moi. Après cet acte, j’ai l’impression que mes prochains albums seront plus concis et mieux définis."

En attendant le nouveau chapitre de la palpitante aventure d’IAM, prévu pour les premiers mois de 2007 sous l’étiquette Polydor, Akh tend le micro à son acolyte (Shurik ‘N), qui intervient sur une poignée de morceaux de Soldats de fortune. "Pour moi, c’était logique qu’un membre d’IAM soit présent en studio, mais il était trop timide pour chanter et personne ne se doutait de son talent. L’ambiance de ce projet était tellement cool qu’il a bien voulu prêter sa voix à quelques pièces. C’est un chanteur extraordinaire qui a une super voix. J’espère seulement qu’il répétera l’expérience dans un avenir rapproché." Avec un résultat aussi probant, le public d’IAM le souhaite également.

Akhénaton
Soldats de fortune
361 Records/Fusion III