Diane Dufresne : Entrer dans la lumière
Musique

Diane Dufresne : Entrer dans la lumière

Sept ans d’absence, douze chansons remarquables reposant sur d’authentiques rencontres. De la noirceur à la lumière, revoilà Diane Dufresne, ailleurs, passionnée, appliquée, égale à elle-même.

Depuis cette campagne environnant le lac des Deux-Montagnes où elle est partie "dans le bois, causer avec les animaux…", Diane Dufresne a l’humilité déconcertante. Lorsqu’elle parle de ceux qui ont collaboré à Effusions, elle appelle tout le monde "Monsieur, Madame" avec un respect remarquable pour une fille qui a viré le Québec et la France à l’envers avec grandeur et passion.

"Je voulais du lyrisme et de l’émotion, un échange intense avec de belles âmes. Des odeurs… le parfum des gens…", dit-elle à propos de ce premier réel album depuis cinq, sinon sept ans… Peu importe, elle n’a pas compté: "Le Stade olympique et la Légion d’honneur? J’ai oublié! Tout est toujours à refaire, il faut continuer, rester dans l’action…"

OEuvre dense et audacieuse, Effusions est un tableau d’émotions partagées avec une pléthore de brillants créateurs disparates: Rivard, Bélanger, Catherine Lara, Hubert Reeves (!) et, bien sûr, elle-même, pour la moitié des textes; et, trouvailles ou retrouvailles majeures: Marie Bernard, Michel Cusson, André Mathieu et Alain Lefèvre pour les musiques, qui sont le réel ciment de ces 12 chansons.

Musiques lyriques et fluides, proches de Kurt Weill, des Rückert Lieder de Mahler, de Ryuichi Sakamoto, loin de la pop en 4/4 qui, elle l’admet, ne l’attire plus beaucoup: "Le timing, la chanson populaire, ça ne m’intéresse vraiment plus, je suis "passée date" pour ça. Et c’est tant mieux…"

Ainsi, outre la grande influence de Marie Bernard, discrète arrangeuse issue de la musique contemporaine, sa rencontre avec le pianiste virtuose Alain Lefèvre fut pour elle déterminante: "Quelle force! Homme d’honneur! Monsieur Lefèvre m’a présenté des oeuvres d’André Mathieu; celle que je chante, curieusement, date de l’année de ma naissance… Et puis il en a fait plus… Je ne veux surtout pas que l’on pense qu’il fut un accompagnateur, je vois ça comme des duos, il va directement dans l’émotion… Des semaines et des semaines à apprendre comment ses doigts respiraient, à apprendre les tonalités, j’ai bossé six mois pour chanter six chansons! On ne travaille pas que dans le génie! C’est vertigineux!"

Pour comprendre la trajectoire de Dufresne, flamboyante et lucide sexagénaire aux 45 ans de carrière, rien de mieux, maintenant, que de s’en remettre à cette poignée de textes impudiques qui étalent ses préoccupations dont, évidemment, la vieillesse, la mort… À propos de son chum, confident, ami, gérant, elle écrit maintenant dans le très beau J’t’aime plus que j’t’aime: "Aimer… Jusqu’à ce que mort s’ensuive sans craindre le néant": "Je me dis que si on meurt ensemble, je pourrai le retrouver. On souhaite mourir ensemble… Il m’a dit: "Peut-être, les hommes meurent plus tôt…" Quand on a l’amour, on craint moins, c’est un peu de lumière dans ces ténèbres infinies."

Célèbre noctambule, insomniaque, Dufresne entretient en peinture comme en chanson un combat flagrant entre la nuit et le jour, le blanc et le noir, la lumière et le néant: "J’ai peur du noir, la campagne m’a rapprochée du rythme naturel des choses", dit-elle.

Parallèlement à ces intimités, Dufresne, dans deux chansons courtes –L’été n’aura qu’un jour et Mille et une nuits -, se penche sur le grand mensonge irakien et l’écologie à travers l’héritage laissé aux enfants. Récitatif déconcertant, Terre planète bleue, d’Hubert Reeves, demeure la plus grande audace de son disque: "Il y a une urgence grave, c’est la grande menace: penser qu’on peut disparaître…"

Et Dufresne ne digère toujours pas qu’à la télévision de Radio-Canada, une entrevue avec Reeves puisse avoir été interrompue pour donner le score du hockey: "J’ai trouvé ça révoltant! Je me suis permis de lui téléphoner. C’était comme appeler le bon Dieu. Il a donné un texte. Qu’un si grand scientifique éprouve tant de joie à ce qu’une chanson existe… c’était comme si un enfant venait au monde."

Diane Dufresne
Effusions
(Progressif/Select)

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IMAGES ET SONS

Textes, partitions, sons… Parallèlement à son album, Diane Dufresne expose à la SAT quelques-uns des éléments inspirés par Effusions, enchâssés dans une vingtaine de toiles: "La gestuelle, mes barbeaux… j’ai la chance d’être un peu connue… Je voulais enlever mon nom de mes toiles mais mon chum m’a dit: "Fais un acte d’humilité, t’es Diane Dufresne!" (rires) Et puis c’est une bonne chose que les gens qui me connaissent comme chanteuse aient un peu moins peur de regarder… Quand je serai plus vieille, je serai encore meilleure peintre." À la SAT à partir du 5 novembre.