Catherine Major : L’oasis dans le désert
Catherine Major fait son métier avec passion. Elle épouse la poésie et sa musique est le reflet scintillant d’une sensibilité à fleur de peau. Entretien avec une prodige.
Avec Catherine Major, on a l’impression que la chanson devient un objet sacré. Les mots l’habitent, la musique fait corps avec la tension dramatique du récit (ou de l’aveu poétique) et son piano est un confident de prédilection. Depuis longtemps, plusieurs s’accordent pour dire qu’elle représente l’artiste de la chanson d’expression française par excellence au Québec. Louise Forestier, par exemple, ne tarit jamais d’éloges à son égard et la consacre sans hésiter comme "l’une des grandes".
"Les choses sont allées vite depuis quelques années, note l’auteure-compositrice-interprète. Au départ, quand tu fais ce métier, tu te regardes réfléchir sur scène et tu ne prends pas le temps de vivre le moment. Il faut que ça t’habite. Du moins, c’est là-dessus que je travaille. Je ne fais pas dans le léger et je ne prétends pas le contraire. Je ne tiendrai jamais la scène pour acquise non plus, c’est trop précieux. De voir le monde devant toi, qui t’écoute: c’est beaucoup d’amour!"
Son art s’est raffiné sur Le désert des solitudes, la suite de l’album Rose sang qui l’avait consacrée il y a déjà près de quatre ans. Les arrangements (signés en compagnie d’Alex McMahon) y sont riches et somptueux, envoûtants même. L’interprète a accordé une place de choix à la musicienne de formation classique. "C’est vrai, c’est de la composition "classique". Parfois, tu te casses la tête pour résoudre certains problèmes techniques, mais lorsque tu entends ta musique avec les musiciens réunis devant toi, c’est très excitant. La composition, ce n’est pas seulement des arrangements formels, il faut aussi que ce soit beau. Chaque chanson est un défi, tu la travailles et la retravailles pour qu’elle s’exprime au mieux!"
Chef d’orchestre des mots
Cette trame sonore tissée avec soin accompagne les textes de son conjoint Moran, de sa mère Jacinthe Dompierre et du poète Christian Mistral. Et sa propre plume a trouvé le temps de signer quatre chansons. "Je me retrouve avec des collaborateurs qui sont proches de moi dans la vie, admet-elle. Lorsque tu travailles avec ton conjoint ou ta mère, tu ne peux pas te prendre la tête. Il faut que ce soit un moment de bonheur et de grâce. Tu dois respecter ça. Du moins, pour cet album, c’est ce qu’on a vécu. Avec Rose sang, sur lequel mon ex a signé quelques textes, c’était plus compliqué."
Ces collaborations lui réservent aussi quelques belles surprises, dont ce texte de Christian Mistral. À lire les lignes de Saturne sans anneaux, on s’imagine voir le poète au côté de la musicienne, en train de prendre des notes lors d’une conversation animée, lui au papier et elle au piano, pour signer une chanson qui collera à la peau de l’artiste: "Laissez-moi l’enfant, l’homme et le piano / Sans eux je serais Saturne sans anneaux / Mais je ne suis pas folle de la réalité / Je décolle en emportant ma liberté."
"Lorsque j’ai reçu ce texte, je n’en revenais pas: c’est moi qui parle! J’aime les mots de Mistral et je savais que ce serait bon. Je ne le connais pas beaucoup, je l’ai peut-être rencontré trois ou quatre fois. C’est Moran qui le connaît bien. Moi, j’avais la musique et tout était écrit: les mélodies, les vocalises et les cordes. Tous les accents toniques étaient placés. Il n’y avait pas beaucoup de marge de manoeuvre pour l’auteur. Je n’ai pas imposé de sujet à Christian non plus. Je lui ai envoyé la musique et j’ai reçu son texte dans les 24 heures qui ont suivi. Tout ça s’est fait à distance."
Une distance peut-être salutaire vis-à-vis de cet indomptable dont la réputation précède le travail d’écrivain et de poète. "Il est pas du monde, constate-t-elle. Il fonctionne mal en société… Mais sa plume est extraordinaire. J’aime le poète, mais le personnage, c’est autre chose. Il est imprévisible, et sa réputation… eh bien, il ne fait rien pour la changer. Bien au contraire."
Catherine Major en spectacle à Gatineau – 3 et 4 mai 2012 !
Catherine Major, la grande pianiste est BIEN là sur la scène intimiste de Jean-Desprez à Gatineau, elle se dévoile dans ses musiques et ses textes si personnels de son vécu de femme, de mère et d’amoureuse! Elle dira qu’elle se pose trop de questions au lieu de parfois juste vivre le moment: cette intimité-sensibilité texte-musique partagé avec le public est probablement responsable des deux soirées à guichet fermé. Le public adore l’authenticité.
La première chanson est debout au micro, une voix, un souffle plein d’émotivité, puis les applaudissements sont chaleureux, invitants et énergisants pour une Catherine Major qui passe rapidement aux chansons fétiches avec le sourire complice aux musiciens. La soirée est magique, même ludique, avec une musicienne qui aime les regards et les déplacements sensuels au piano.
Comme lors de sa visite à La Basoche, le merveilleux est de l’entendre présenter ses chansons, expliquant ses rencontres, ses motivations ou les évènements initiateurs de la chanson. Si les DCs nous bouleversent, ses partages nous rapprochent de l’artiste maintenant sur scène.
La première partie se termine sur une envolée pianistique classique, elle mentionnera la collaboration de Chopin au spectacle, à mon avis très beethovien par son intensité, voilà une addition significative, merci pour la virtuosité, cela m’a fait pensé à la grande pianiste classique québécoise, Marie-Andrée Ostiguy.
Plaisir d’être là, très communicatif, les exceptionnels musiciens s’amusent et la font danser sur plusieurs chansons au centre de la scène, une nouveauté où le copilote Alex MacMahon reste au piano, le plaisir se transmet vite à la salle.
Merci pour les deux soirées… pour la voix, le piano, les textes et la contrebasse à l’archet ou aux pincées de Mathieu Désy qui me prennent toujours au coeur !