Tricia Foster : Le groove dans la gorge
Musique

Tricia Foster : Le groove dans la gorge

Nouvel album, nouveau look pour la Franco-Ontarienne Tricia Foster. La Tricia contestataire d’il y a quatre ans était affublée d’un tutu, de bottes de cuir et d’un crâne rasé. Ce sera dans une robe de nuit que sa "version 2012" présentera Négligée, un album qui en dévoile plus sur l’artiste qu’elle-même ne saurait l’imaginer.

Avis: au fil des prochaines semaines, l’auteure-compositrice franco-ontarienne Tricia Foster et sa Cécile, sa femme depuis sept ans, se débarrasseront de leurs biens matériels, sofa et appareils électriques inclus. Tout y passera. Elles feront table rase d’un confort palpable qui les a pourtant séduites au fil des années. Tricia, rencontrée au Raw Sugar Café rue Somerset, explique cette volte-face: "Je veux vivre dans une fourgonnette pendant deux ans. Ça fait 10 ans que je suis dans le même appart à Montréal; je trouve ça lourd. Je me suis dit "Fuck it". Je donne tout. Je veux juste me retrouver avec ma boîte de CD et de vinyles que je vais vendre en show, une valise, un livre que je lis à la fois. Je vais vivre dans ma fourgonnette et je vais sous-louer dans différentes villes quand ça va me tenter."

Ce rejet total des conventions sociales mis de l’avant par Foster, il se voit cristallisé dans les tripes de Négligée, oeuvre qui fait un pied de nez aux précédents Commerciale (2008) et Tricia Foster 412 (2004). "C’est dark, c’est sale… Tsé, le son, c’est autre chose complètement", dira l’interprète à son sujet.

Incubées en très peu de temps – "tout au plus trois semaines", assure-t-elle -, les pièces qui forment Négligée portent la signature esthétique du musicien post-rock ottavien Olivier Fairfield (Ferrishweel, FET.NAT.), qui a réalisé et coécrit la majorité des pièces de l’album avec Foster. Une forme disloquée, résolument post-rock, trahissant dès les premières notes de M. le Temps, premier simple radio, les propensions free jazz, alternatives et trip-hop du duo. "Je savais que je devais changer de direction. Je voulais vivre quelque chose d’autre. C’est à cause d’Olivier que je joue de la bass. Ce gars-là a une saleté et il savait que mon côté trash ressemblait à ça."

Si l’amitié entre Fairfield et Foster ne date pas d’hier – ils se sont connus à l’école secondaire De La Salle, oeuvraient dans le même programme spécial de musique -, la collaboration entre les deux musiciens s’est matérialisée pour la première fois au Cabaret poéZique du Salon du livre de l’Outaouais en 2011, spectacle qui exhortait les créateurs invités à mettre en musique des écrits de plumes franco-ontariennes. De cette fusion féconde est née D’éclats de peines, adaptée d’un poème de Brigitte Haentjens. "Je sentais que j’avais une affinité particulière avec ce texte. J’ai écrit un courriel à Brigitte, lui demandant si je pouvais l’enregistrer. Elle m’a dit: "Pas de trouble"", se rappelle la chanteuse.

Fruit de trois années à sillonner le Canada, Négligée fait état d’un examen détaillé de l’âme d’une femme aux prises avec un syndrome immense de crise identitaire. "J’pense que j’ai parcouru le Canada trois fois en trois ans. À vivre dans un char tout ce temps-là, tu vis nécessairement des affaires intenses. Quand tu sors de ta zone de confort, tu découvres jusqu’où tu es prête à aller. I didn’t fight it."

Ainsi, les mots de Négligée prennent de l’ampleur, perdent de la lourdeur juvénile dont les albums précédents étaient affublés, et ce, même si Foster n’a jamais autant chanté à la première personne. "On m’a souvent dit que les artistes écrivent leurs premiers albums à propos d’eux-mêmes, puis s’ouvrent sur le monde. Moi, j’ai commencé en racontant des histoires sur le monde qui m’entoure. J’étais militante – l’environnement, les femmes, la société -, donc j’ai rien écrit à propos de moi-même. J’assumais pas qui j’étais."

Elle conclut: "Y a ben des fois où quand je faussais, on décidait de garder la prise. Négligée, c’est pour plein de trucs: j’ai négligé ma santé, mon couple… Je pense que la société ne veut pas que je fasse ce que je suis en train de faire: lancer un album comme celui-là, rejeter les conventions matérialistes. Life is too short pour faire semblant. Voilà où j’en suis."

Négligée
Tricia Foster
(APCM)