Dead Messenger : Fureur et fraternité
Le combo rock montréalais Dead Messenger lance finalement Recharger à Québec, un second album qui a bien failli ne jamais paraître.
Joint alors que le groupe terminait une série de concerts en Ontario, le chanteur et guitariste Roger White s’avouait particulièrement serein. «On ne savait vraiment pas à quoi s’attendre, étant donné que ça faisait un bail qu’on était sur le banc, disons, mais ça se passe vraiment bien! Nous sommes contents.» Confession tout de même surprenante pour White, qui non seulement s’est fait connaitre au sein d’un quatuor réputé pour ses prestations particulièrement brutales, mais qui sort à peine d’une épopée incroyablement sombre où le sort, la maladie et, pire encore, la spéculation immobilière semblent s’être abattus sur son équipage.
Entre condos et hôpitaux
Projet formé en 2005, Dead Messenger lançait en 2009 Love Is the Only Weapon, un premier album enregistré dans les règles de l’art. Les spectacles suivant sa parution allaient inspirer une nouvelle direction au collectif. Alors que plusieurs de leurs congénères ont livré de secondes œuvres plus matures, voire posées, les messagers, eux, comptaient revenir à la charge avec un son encore plus bourrin. «La tournée pour cet album nous a menés à un festival où l’on a vu Ian Blurton, du groupe C’mon, faire un show avec son projet solo et ça a été comme une révélation pour nous; ce son rock plus stoner, ces pièces plus longues, mais aussi efficaces. Ça nous a grandement inspirés à l’époque.»
Les préparatifs allaient bon train à The Pound, un espace culturel situé dans Griffintown que le groupe utilisait comme local de répétition, jusqu’au jour où des pressions de la Ville – coïncidant avec un boum des spéculations immobilières dans l’ancien quartier industriel – ont forcé le collectif à le délaisser, en janvier 2011. «Après six ou sept années à être “toléré” par la Ville, l’endroit a reçu de plus en plus de visites d’inspecteurs. Les gars derrière ont tenté d’en faire un endroit légal, mais ça n’aura pas suffi», résume Roger. Malheureusement, le pire restait toujours à venir.
Dans le communiqué accompagnant le disque, on révèle que le guitariste Ted Yates est tombé gravement malade. White, lui, y va d’une image beaucoup plus crue: «Il avait l’air décrissé!» («He looked like shit!») Alors que les compères envisageaient de poursuivre sans Yates, voire de jeter l’éponge, c’est le musicien, à l’article de la mort, qui a insufflé une nouvelle vie à ce qui allait devenir Recharger. «J’allais le visiter et c’est lui, qui ne pouvait plus se tenir debout à l’époque, qui me parlait de terminer l’album!»
Fusion rock
En plus d’en tirer un disque accueilli favorablement par la critique – et une histoire rocambolesque en prime! –, Dead Messenger sort grandi de ces épreuves. Bien que des années de concerts et de route dans une camionnette aient déjà tissé des liens solides entre les membres du groupe, ces déboires auront carrément soudé, voire fusionné le collectif, aux dires de White. «Je ne saurais trop comment qualifier ce que ça a représenté pour nous au juste, mais c’est définitivement un sale moment qui aura changé nos vies à tous!»